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Terres agricoles: enquête sur des parcelles détournées

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Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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C’est une transformation du paysage qui inquiète les agriculteurs. Chaque année, en France, plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles disparaissent. Parfois détournées de leur usage, pour devenir des hangars ou des déchetteries. Un phénomène particulièrement visible dans le Var

Dans l’arrière-pays varois, la plaine de l’Argens est l’une des plus fertiles d’Europe. Mais peu à peu, ses champs se couvrent d’entrepôts, de lieux de stockage et d’habitations sommaires. "Là, on voit qu'il y a du béton, du bitume, de la ferraille, certainement. C'est fou", se désole Stéphane Morféa, maraîcher dans la plaine. Une large partie de l’Argens est pourtant classée en zones agricole et inondable, c'est-à-dire inconstructibles. Selon l'article R521-23 du code de l’urbanisme, seules sont autorisées “(...)les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou au stockage du matériel (...)”. Des centaines d’hectares de terres sont ainsi détournées illégalement par des particuliers ou des professionnels. "C'est perdu et on ne pourra plus jamais les remettre en culture, selon Stéphane Morféa pour qui l'enjeu est aussi économique. Ils arrivent avec un potentiel plus important et donc, ils peuvent mettre plus d'argent que nous."

Ce sont des terres perdues, on ne pourra jamais les remettre en culture.

Stéphane Morféa, maraîcher

A quelques kilomètres de la côte, avec la pression foncière et immobilière, ces terres de l'Argens attisent les convoitises et alimentent la spéculation. Dans le Var, le prix moyen d’un mètre carré de terre agricole se vend aux alentours de 2 euros, selon la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Mais aujourd’hui, le prix peut parfois atteindre 50 euros. Sur internet, des dizaines de petites annonces proposent ces prix prohibitifs. Nous nous sommes rendus dans le nord du département, sur l’une de ces parcelles à vendre : 1044 mètres carrés, 44 000 euros. 20 fois le prix agricole. Au téléphone, l’agent immobilier -qui ne sait pas qu'elle est enregistrée - justifie ce tarif, au prétexte qu’on pourrait notamment, y installer, en toute légalité, une petite maison sans fondation. "Comme il peut accueillir une habitation, il prend un peu plus de valeur. Le terrain est plat, c’est une impasse.Vous serez bien situé", ajoute-t-elle. Devant le terrain, nous croisons au hasard la propriétaire. Elle dit assumer de ne pas respecter le prix agricole. "Ils veulent que je le vende 2 euros le mètre carré, j’ai dit non, raconte-t-elle. Je vends en terrain de loisirs, c’est la mode des “tiny houses”, comme il y a de l'électricité et comme c’est viabilisé de fait. Je vends un peu au-dessus du prix, il faut bien que je me loge." Des terrains agricoles vendus quasiment au prix de parcelles constructibles, où s’installent même parfois des entrepreneurs. C’est le cas d'un concessionnaire de Roquebrune-sur-Argens. Pour avoir bâti son entrepôt sans autorisation, il sera jugé le 12 mai prochain. "Si moi, je dois fermer, alors tout le monde ferme, dit l'homme qui encourt plusieurs milliers d'euros d'amende. Partout, c’est des terrains agricoles. Peut-être que je fraude mais si c'est un terrain et qu'il n'y a pas d'agriculture dessus." 

Existerait-il, dans le Var, un sentiment d’impunité face au détournement d’usage des terres agricoles ? A Roquebrune-sur-Argens, Jean Cayron, le maire centriste, assure que sa police municipale dresse chaque année des dizaines de procès verbaux pour des infractions à l'urbanisme. Régulièrement sans effet, comme avec cet homme qui a transformé son terrain agricole en décharge. "Il y a eu 4 procès verbaux d'infractions, 24 mains courantes et une procédure administrative", retrace l'élu avant de confier une certaine lassitude. "On se sent un peu seuls, indique le maire. On va pas continuer comme ça si l'Etat ou la justice ne nous aide pas." Contactée, la Safer indique lutter au quotidien contre le détournement d’usage, en préemptant notamment des terres lorsqu’une transaction lui paraît suspecte.

Parmi nos sources (liste non-exhaustive):

Préfecture du Var

Direction des études - Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer)

Cabanes, gravats, stockage de voitures... les agriculteurs du Var s'insurgent contre l'usage détourné des terrains fertiles (Var Matin - 4 avril 2023)

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