Vente de laits Lactalis : "Il n'y a pas assez de personnel pour contrôler le retrait effectif de tous les produits"
Emmanuel Paillusson, secrétaire général du syndicat Solidaires-CCRF au sein de la DGCCRF a estimé jeudi sur franceinfo que l'État a "un problème de moyens" pour assurer les contrôles sanitaires aggravé par "la suppression d'emplois dans les administrations de contrôle".
Après Leclerc mardi 9 janvier, plusieurs enseignes de grande distribution reconnaissent avoir vendu des produits Lactalis potentiellement contaminés à la salmonelle. Près de 2 000 produits infantiles ont été vendus malgré le retrait-rappel de produits à risque. Pour Emmanuel Paillusson, secrétaire général du syndicat Solidaires-CCRF, au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), invité de franceinfo jeudi 11 janvier, l'État a "un problème de moyens" pour assurer les contrôles sanitaires, aggravé par "la suppression d'emplois dans les administrations de contrôle" comme la DGCCRF. "Le travail qu'on pouvait faire il y a quinze ans, on ne peut plus le faire aujourd'hui", a-t-il ajouté.
franceinfo : Comment expliquez-vous que du lait infantile potentiellement contaminé ait pu rester en rayon ?
Emmanuel Paillusson : Cela relève des grandes surfaces. C'est de leur responsabilité. La responsabilité de l'État a été de demander le rappel de certains produits, chose qui a été faite. Après, le retrait des rayons et la destruction des produits relèvent des commerces, des grandes surfaces. Nous, DGCCRF, on peut aller s'assurer que les produits sont retirés, mais vu le nombre de points de vente concernés, il est évident qu'on n'a pas assez de personnel pour aller contrôler le retrait effectif de tous les produits. Il y a un problème de moyens, c'est une certitude. Il y a tout un tas de produits tous les jours qui doivent être retirés des rayons. On ne peut pas être derrière chaque entreprise pour retirer ces produits. Il y a une confiance envers les entreprises, c'est ce que veut le président de la République. Malheureusement, ce n'est pas ce qui se passe.
Si un supermarché ne retire pas les produits incriminés, que risque-t-il ? Comment expliquez-vous qu'elles n'aient pas respecté ce rappel ?
Quasiment rien. De mémoire, c'est une infraction de cinquième catégorie ; les amendes sont très, très faibles. Mais cela ne doit pas être une question de sanctions, cela doit être une question normale, de santé humaine. Je ne connais pas les systèmes internes aux grandes surfaces. Ils ont chacun des systèmes pour le retrait des produits. Je ne sais pas ce qui a dysfonctionné chez eux.
Jean-Yves Mano, le président de l'association de consommateurs CLCV dit que le contrôle sanitaire n'est pas à la hauteur des exigences des consommateurs. Que lui répondez-vous ?
Je partage en partie cet avis. Mais c'est notamment dû aux volontés gouvernementales, quels que soient les gouvernements qui se sont succédés depuis des années, de suppression d'emplois dans les administrations de contrôle. C'est une volonté très large, on l'a encore vu pour ce qui concerne le dernier budget de la DGCCRF : on a moins 45 emplois. On était 3 833 en 2002, on se retrouve aujourd'hui à 2 800 agents. Le travail qu'on pouvait faire il y a quinze ans, on ne peut plus le faire aujourd'hui. C'est au détriment de la santé publique et plus globalement de la protection des consommateurs.
Il y a un dysfonctionnement global ? Comment l'expliquer ?
Oui et cela ne date pas d'hier. Vous pouvez rajouter le "dieselgate". Il y a tout un tas de choses comme cela. On parle de sécurité et de santé, mais il y a tout un tas de choses aussi dans le domaine de la protection du consommateur, qui n'ont pas été faites. Tout un tas de choses se succèdent et nos politiques n'ont pas l'air de prendre conscience de la problématique et de la demande des consommateurs d'avoir plus de protection, tant économique que de santé. Dans les projets en cours dans le cadre de la réforme de l'État, ce que le gouvernement appelle "Action publique 2022", il est question de déléguer à des entreprises privées dans les métiers de bouche et dans la restauration, des contrôles qui seront payés par les professionnels à des sociétés qui seront chargés de les contrôler. Autant vous dire qu'on a des doutes sur l'hygiène et la sécurité sanitaire dans tous ces restaurants, ces entreprises, ces commerces. Et là aussi, les grandes surfaces seront contrôlées, parce qu'elles ont dans leurs magasins des points de vente alimentaires.
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