: Vidéo Crise agricole : la France fait-elle du zèle sur l'interdiction des pesticides ?
Voilà un bel exercice de démocratie directe: des syndicalistes de la Coordination Rurale qui posent leurs conditions au Premier Ministre, au bout du fil. "Vous devez vous engager, à supprimer toutes les surtranspositions qui tuent le monde agricole", dit le syndicaliste.
"Les transpositions, nous les avons regardées une par une, et nous sommes en train d’agir une par une", lui répond Michel Barnier.
Surtransposition : derrière ce jargon, une critique récurrente. La France imposerait des normes plus strictes que celles décidées à Bruxelles, notamment pour les pesticides.
Alors les agriculteurs français sont-il vraiment désavantagés par rapport à leur concurrents européens?
Dans le Sud-Ouest, les récoltes de noisettes sont ravagées par un ver. Pour s’en débarrasser, un insecticide existe mais il est interdit en France, alors qu’il reste autorisé chez nos voisins italiens… un exemple criant de concurrence déloyale selon les producteur: "Nos collègues européens ont huit molécules, alors que nous, on n’a plus rien, on est totalement désemparés face à nos aravageurs", s'agace Jérôme Bessieres, producteur de noisettes à Labretonie (Lot-et-Garonne).
"L'UE a rattrappé les interdictions françaises"
Cette situation présentée aujourd’hui comme aberrante est le résultat d’une loi votée en 2016 : à l’époque, pour protéger les abeilles de cet insecticide qui les tue, les députés interdisent les néonicotinoïdes. C’est alors une première en Europe.
"A cette époque, effectivement, on pouvait dire que la France sur-transposait, on allait plus loin que ce que l’UE prescrivait, explique Benoît Grimonprez, professeur de droit privé spécialiste des normes agricoles à l'Université de Poitiers. Or l’UE a rattrapé les interdictions françaises et aujourd’hui les distorsions de concurrence ne concernent plus que quelques produits".
La France, deuxième Etat membre à autoriser le plus de substances
Les noisettes ou encore les betteraves sont donc des exceptions. En réalité, la France n’impose pas plus d’interdictions que ses voisins : sur les 422 substances actives autorisés par l’Union européenne, la France en accepte 295. Avec l'Italie et l'Espagne, nous sommes sur le podium des pays qui valident le plus de pesticides. Devant l'Allemagne ou la Pologne, d’autres puissances agricoles, plus restrictives.
Alors pourquoi les syndicats agricoles pointent-ils un excès de zèle de la France ? Certains y voient un enjeu politique, une tentative pour défendre un modèle agricole, remis en cause par les connaissances scientifiques.
Fin 2023, une commission d'enquête parlementaire a auditionné des dizaines de chercheurs qui confirment l’impact des pesticides sur la santé: "On a dit qu'il y avait des conséquences sur les maladies neurodégénératives, les cancers pédiatriques, rappelle Dominique Potier, sénateur PS de Meurthe-et-Moselle et rapporteur de la commission. L’interdiction ou l’autorisation des molécules ne dépend pas de l'opinion publique, elle ne dépend pas des lois du marché, elle dépend de l'intérêt général et c'est à la science de dire où est l'intérêt général pour la santé humaine et nos écosystèmes.
La ministre de l’agriculture Annie Genevard a affirmé qu’elle souhaitait que les substances autorisées en Europe le soient aussi en France, sans préciser quels pesticides pourraient être mis sur le marché.
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