: Vidéo Pesticides : quand des maires payent pour dissuader les agriculteurs
A Fors, dans les Deux-Sèvres, 1 900 habitants, l’école primaire et l’aire de jeux se situent en bordure d’un champ. La loi interdit ici de pulvériser à moins de cinq mètres de l’école. Une distance jugée insuffisante par le maire qui a donc décidé de payer l’agriculteur pour qu’il épande non pas à cinq mètres, mais à 30 mètres de l’école.
C’est choquant, j’aimerais mieux m’appuyer sur une loi. J’en suis pas fier parce qu’il a fallu faire des contournements mais j’en suis fier parce que je sais que les enfants ne sont pas exposés aux pesticides.
Alain Canteau, maire de Forsà l'Œil du 20 heures
Le maire indemnise à hauteur de 450 euros par an le céréalier pour que ses tracteurs restent à distance. Avec un montage légal mais quelque peu surprenant : il ne paie pas directement l’agriculteur mais alloue une subvention annuelle de 450 euros à une association des parents d’élèves. C’est elle ensuite qui signe un chèque à l’agriculteur, qui dit y trouver son compte.
"J’ai bcp de terrain qui touche aux maisons et que je peux déjà pas traiter donc ça parait normal d’avoir une indemnisation sur le principe" dit Christophe Pasquier, céréalier à Fors.
Le maire, lui, parle d’un casse-tête administratif pour lequel il dit ne pas avoir eu d’autre choix : "la solution aurait pu être de prendre un arrêté pour interdire les pesticides mais passer un arrêté c’est pas possible. Un maire n’a pas la possibilité d’interdire les pesticides sur sa commune."
La justice administrative dit "non"
Prendre un arrêté municipal anti-pesticides, ce n’est aujourd’hui plus possible. Depuis une décision du Conseil d’Etat de décembre 2020 qui s’appuie sur le Code rural et enlève ce pouvoir au maire.
Il appartient au ministre chargé de l’Agriculture de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique - Conseil d'Etat, 31 décembre 2020.
Un collectif s’est créé pour protester contre cette réglementation. Il rassemble 150 communes. C’est le cas de Sceaux en région parisienne.
Cette ville est partie en guerre contre les herbicides, mais a connu la même réponse de la justice il y a deux ans. Florence Presson, troisième adjointe à la mairie et présidente du collectif anti-pesticides pointe une loi trop peu protectrice, et réclame aujourd’hui que la loi change pour redonner du pouvoir au maire : "On est face à un mur, on a des personnes qui sont un peu des donneurs de leçons qui disent écoutez vous n'avez pas tout compris. Parce que pour eux leurs lois leurs décrets 5 et 10 mètres c'est largement suffisant, mais ça ne l'est pas du tout pas."
Nous avons interrogé le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire pour savoir s’il avait connaissance du fait que certains maires indemnisaient les agriculteurs. Pas de réponse sur ce point précis, en revanche le ministère en appelle au bon sens des élus.
Les maires ont un rôle à jouer dans l’aménagement de leur commune (...) l’installation de nouvelles habitations en bordure de zones d’épandage doit nécessairement prendre en compte le risque d’exposition aux produits phytosanitaires - ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
Le ministère précise que les distances à respecter pour l’épandage s'appuient sur des préconisations scientifiques et indépendantes et qu’elles peuvent être portées jusqu’à 20 mètres des habitations dans certains cas.
Parmi nos sources (liste non-exhaustive) :
Décision du Conseil d’Etat du 31 décembre 2020 qui fait jurisprudence
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Collectif des maires anti-pesticides
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