"Avant d’être une femme, j’étais un technicien" : les premières sous-marinières françaises témoignent
C’est une première pour la Marine française : quatre femmes ont passé plus de deux mois au sein d’un sous-marin nucléaire, un monde exclusivement masculin jusqu’à cette mission inédite. Ces sous-marinières ont raconté leur vécu à France Bleu Breizh Izel, lundi.
Depuis les années 2000, une trentaine de femmes ont commandé des navires de surface. Mais le sous-marin restait le dernier bastion masculin au sein des Armées. Quatre premières recrues féminines ont été présentées lundi 9 juillet sur la base de l’île Longue à Brest, raconte France Bleu Breizh Izel. Elles ont passé 70 jours en mer à bord du sous-marin lanceur d'engins, le Vigilant.
Pas de changements dans les habitudes de vie
Il fallait vaincre quelques interrogations, voire des réticences au départ. "Chacun se demandait un peu si ça allait modifier des habitudes de vie. Un équipage de sous-marin en patrouille, c’est une microsociété qui vient se recréer sous l’eau, c’est un petit microcosme, avec ses habitudes, ses traditions", explique le capitaine de frégate Mathieu à France Bleu Breizh Izel. "Une fois la preuve faite que ça ne modifierait pas les us et coutumes, toutes ces préventions sont tombées d’elles-mêmes."
Ces bâtiments n'ont jamais été conçus pour embarquer des équipages mixtes. L’arrivée de femmes a donc soulevé des questions très pratiques, comme la gestion des chambres, des douches, du sport… Mais à part une douche réservée, l'accueil de quatre femmes à bord n'a pas nécessité d'aménagement particulier, puisque les officiers vivent dans des quartiers séparés.
"Tout s’est fait naturellement"
Les quatre premières femmes embarquées à bord du Vigilant veulent avant tout être jugées sur leurs compétences. "En fait, ça a été quelque chose d’assez banal. Jamais, au grand jamais, on n’a ressenti quelque contrainte que ce soit, tout s’est fait naturellement. On n’est pas porte-drapeau. Avant d’être une femme, j’étais un technicien", témoigne la lieutenant de vaisseau Pauline, médecin à bord. "Il n’y a pas eu plus ou moins de consultations, pas plus de retenue ou plus de déversement d’émotions parce que j’étais un médecin féminin."
Finalement on n’était pas des femmes à bord d’un sous-marin, on était des nouveaux sous-mariniers qui intégraient un équipage.
Camille, chef de quart
De son côté, l'enseigne de vaisseau Camille, chef de quart, fait partie des yeux et des oreilles du sous-marin. Sa spécialité, c'est la sécurité. Elle n'a pas eu le sentiment de faire tomber un bastion : "L’intégration s’est vraiment passée de manière naturelle. Je n’ai pas du tout ressenti de différence parce que j’étais une femme. L’équipage nous a intégrées comme n’importe quel officier qui arriverait dans les forces sous-marines et nous a accompagnées pendant tout notre parcours."
Pas besoin de "compétences masculines"
Ces quatre femmes ont été triées sur le volet, puis elles ont suivi un cursus spécialisé de deux ans avant d'embarquer. "De toute façon, à bord on juge sur les compétences. Dans la Marine, il y a des femmes qui dirigent très bien, donc il n’y avait aucun souci par rapport à ça. Il n’y a pas vraiment de ‘compétences masculines’ à avoir dans un sous-marin", estime le maître Antony.
Quand Jean-Yves Le Drian a annoncé la féminisation des sous-marins nucléaires en 2014, c’était à titre expérimental. Aujourd’hui, il est difficile d'imaginer un retour en arrière. Une deuxième patrouille féminisée de SNLE partira d’ailleurs à la mer à l'automne. En 2019, le premier sous-marin d'attaque de la classe Suffren sera le premier à offrir des logements spécifiques pour les sous- marinières. La féminisation des sous-marins nucléaires est une réalité depuis 2012 aux États-Unis et 2014 en Grande-Bretagne.
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