Défense : l'entrée en service du sous-marin Suffren "illustre le renouvellement très attendu des forces sous-marines françaises", selon un spécialiste
Le Suffren, qui entrera en service actif vendredi, "change la donne" pour la capacité militaire de la France, explique le journaliste Vincent Groizeleau.
Le premier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) français de nouvelle génération, le Suffren, qui entrera en service actif vendredi 3 juin à Brest, "illustre le renouvellement très attendu des forces sous-marines françaises", a expliqué jeudi 2 juin sur franceinfo Vincent Groizeleau, rédacteur en chef du site meretmarine.com, site spécialisé dans l’actualité maritime. Le Suffren "change la donne" pour la capacité militaire de la France. En termes de dissuasion, "la Marine française re-rentre vraiment dans le meilleur du jeu mondial", souligne Vincent Groizeleau.
franceinfo : En quoi ce sous-marin est-il différent des autres ?
Vincent Groizeleau : Il illustre très clairement le renouvellement très attendu des forces sous-marines françaises. Jusqu'ici, la Marine avait des sous-marins qui datent pour les plus anciens - les sous-marins d'attaque - du début des années 1980. Donc il devenait urgent de les remplacer. Cette nouvelle génération, six nouveaux bâtiments qui vont remplacer les anciens, sont carrément d'une autre gamme. On ne joue vraiment plus dans la même cour. On a des bateaux qui sont plus grands, plus puissants, beaucoup plus discrets, avec plus de capacité d'armement, qui peuvent faire beaucoup plus de choses, par exemple en termes d'opérations spéciales ou en termes d'action vers la terre.
Ce seront les premiers sous-marins français qui disposeront de missiles de croisière, c'est-à-dire qu'en plongée, ils pourront tirer des missiles comme le fameux Tomahawk américain. Là, c'est le MDCN qui est fabriqué par MBDA dans le centre de la France. Ces missiles-là pourront toucher des cibles terrestres à 1 000 km de portée. Donc en zone de sécurité, par exemple en plein milieu de la Méditerranée, le sous-marin pourra tirer des missiles de croisière très loin contre des cibles terrestres. Et ça, c'est vraiment quelque chose qui change la donne. La Marine française n'est pas la seule à disposer de cette capacité. Il y a très peu de marines qui l'ont. Cela va vraiment changer beaucoup de choses.
Est-ce qu'il est déjà opérationnel ?
Il est opérationnel. C'est le premier d'une série. Il faut comprendre qu'un sous-marin nucléaire, c'est à peu près ce que l'homme sait faire de plus compliqué. Il y a une seule chose qui est encore plus compliquée que le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA), c'est le sous-marin nucléaire lanceurs d'engins (SNLE). Ce sont les quatre gros sous-marins que l'on a basés à Brest et qui assurent à eux seuls le gros de la dissuasion nucléaire française. Il y en a un en permanence à la mer. À bord, il y a 16 missiles. Ce sont des missiles intercontinentaux avec des têtes nucléaires. C'est ce qui fait que la France a une dissuasion, en plus, évidemment de la composante aérienne de l'armée de l'air ou de la marine sur le Charles de Gaulle.
Le Suffren est très compliqué. Il a fallu beaucoup de temps pour le mettre au point. C'est un bateau qui a été livré à la fin de l'année 2020. Il a fallu des mois pour le mettre au point, faire quelques mesures correctives, vérifier que ses capacités telles qu'elles ont été imaginées il y a plus de 15 ans étaient bien au rendez-vous. Donc oui, maintenant il est prêt à la mission, il est prêt au combat. Et dès demain, il peut partir, que ce soit en Méditerranée, en Atlantique ou à l'autre bout du monde. Parce que l'énorme avantage de ces sous-marins à propulsion nucléaire, c'est leur autonomie. Et comme l'a démontré la Marine nationale l'année dernière, aucune mer ne peut lui échapper. Elle a été capable d'envoyer un SNA dans le Pacifique en 2021. Donc, on peut dès demain envoyer ce bateau où l'on veut.
Est-ce que cela augmente de manière significative la force de dissuasion de la France ?
Dissuasion, oui au sens conventionnel du terme, pas nucléaire, bien évidemment. Parce que ces sous-marins sont à propulsion nucléaire, mais ne portent pas d'armes nucléaires comme les SNLE. Les sous-mariniers ont tendance à dire, il y a deux types de bateaux : les sous-marins et les cibles. Pour un navire de commerce ou un bâtiment militaire, le sous-marin, c'est une hantise, particulièrement ce type de sous-marins de nouvelle génération, extrêmement discrets, très difficilement détectables. Donc là, effectivement, la Marine française re-rentre vraiment dans le meilleur du jeu mondial.
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