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L'Australie tourne le dos aux sous-marins français : "On vient de se prendre une grande baffe", analyse le journaliste Jean-Dominique Merchet

Pour Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires, le choix des Australiens illustre la mise en place d'une nouvelle alliance de sécurité mondiale dont la France ne fait plus partie.

Article rédigé par franceinfo
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Un sous-marin Shortfin Barracuda à propulsion conventionnelle, du type de ceux que la France devait livrer à l'Australie (illustration). (HO / DCNS / AFP)

Jean-Dominique Merchet, journaliste à l’Opinion, spécialiste des questions militaires et auteur du blog "Secret Défense" a affirmé, jeudi 16 septembre, sur franceinfo que la France venait "de se prendre une grande baffe" alors que l'Australie a rompu son contrat qui prévoyait l'achat de 12 sous-marins français pour un montant de 56 milliards d'euros. L'Australie préfère finalement les sous-marins américains. Un choix qui s'inscrit dans une nouvelle alliance de sécurité entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie dans la zone indo-pacifique face à la Chine. "La France veut sans doute désormais jouer dans une cour qui n'est plus la sienne", a-t-il estimé.

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Franceinfo : Même signé un contrat reste incertain ?

Jean-Dominique Merchet : Oui, manifestement. Mais plus globalement, ça veut dire, et c'est triste à dire, que la France veut sans doute désormais jouer dans une cour qui n'est plus la sienne, que ce soit en termes diplomatiques et militaires. On vient de se prendre une grande grande baffe. Le constat est qu'on ne pèse pas sur les dossiers de l'Indo-Pacifique où on veut jouer un rôle démesuré par rapport à nos capacités.

Pourtant, nous avons des intérêts stratégiques dans cette région ?

Tout le monde a des intérêts stratégiques dans cette région. On nous raconte des choses parce qu'effectivement, nous avons la Nouvelle-Calédonie, Tahiti, mais ce n'est pas sérieux. Pour les Australiens, la garantie de sécurité comme pour les Japonais comme pour d'autres, elle est américaine, américaine et américaine. Parce que nous sommes une puissance nucléaire où nous avons un siège permanent au Conseil de sécurité, on croit qu'on est encore capable de jouer dans cette cour et nous ne le sommes plus.

Que pensez-vous de la nature du contrat américain ?

C'est vraiment une première. Jusqu'à présent, seuls les Russes avaient loué aux Indiens, pour une dizaine d'années, un sous-marin nucléaire d'attaque. Ce n'est pas un sous-marin qui a des armes nucléaires, mais c'est un sous-marin qui est propulsé par une centrale nucléaire à bord. Les Indiens l'ont rendu au mois de juin parce que c'était un vieux sous-marin à bord duquel ils ont eu des problèmes.

"Là, pour la première fois dans l'histoire, un pays qui est une démocratie, dont on attendrait qu'il soit porteur, non pas de désordre international ou de course aux armements, vend un matériel extrêmement sophistiqué à un de ses alliés."

Jean-Dominique Merchet, journaliste 

à franceinfo

Ils garderont un contrôle très étroit, car l'Australie n'a strictement aucune compétence en matière de nucléaire. Il n'y a même pas une centrale nucléaire civile en Australie. Mais quand même, ils ouvrent une porte, c'est un peu la boîte de Pandore parce que demain qui empêchera les Chinois de vendre des sous-marins nucléaires d'attaque au Pakistan ou les Russes de vendre des sous-marins nucléaires d'attaque à l'Algérie, par exemple ? Qui pourra dire : "Ce n'est pas bien. On ne fait pas des choses comme ça" ?

Ce n'est pas la première fois que la France se fait "chiper" un contrat au dernier moment ?

Au mois de juin, le Rafale français faisait partie des avions favoris pour ce contrat parmi d'autres. Joe Biden passe à Genève. Le lendemain de la visite de Joe Biden à Genève, le gouvernement suisse annonce qu'il achète des F-35 américains. On voit que les marges de manœuvre françaises sont extrêmement réduites dès lors que Washington, quel que soit le président, a décidé d'imposer sa loi.

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