BD : "Beaucoup d'auteurs ne peuvent pas remplir leur frigo", témoigne le dessinateur Marc-Antoine Boidin
Le secteur de la bande-dessinée se porte bien, mais cela cache une grande disparité. Les auteurs sont souvent précaires. Marc-Antoine Boidin, le vice-président du syndicat national des auteurs et des compositeurs tire la sonnette d'alarme.
Le 9e art est en fête vendredi 6 et samedi 7 avril : plus de 200 auteurs participent aux 48 heures de la bande dessinée partout en France. De plus en plus de librairies participent. L'objectif est de faire rayonner la culture de la BD en France.
Il y a 20 ans, quelque 800 bandes-dessinées paraissaient chaque année. Aujourd'hui, c'est environ 5 000. Si le secteur se porte bien, ce n'est pas le cas de tous ses acteurs. Et notamment les auteurs et les dessinateurs, dont beaucoup se retrouvent dans des situations précaires. Leur syndicat tire la sonnette d'alarme.
Le secteur "va bien pour les éditeurs, les distributeurs, les diffuseurs, il va moins bien pour les auteurs", regrette Marc-Antoine Boidin, dessinateur notamment de La Guerre des Sambres et vice-président du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac). Comme les trois-quarts des auteurs de BD, Marc-Antoine Boidin travaille chez lui. Contrairement à la plupart de ses confrères, il arrive à vivre de son œuvre.
En 2016, les États généraux de la BD ont publié des chiffres alarmants sur le secteur : plus de la moitié (53%) des auteurs gagnent moins que le Smic et un peu plus d'un tiers se disait sous le seuil de pauvreté. Il faut dire que certains contrats laissent dubitatifs. "Pour un 130 pages couleurs, on m'a proposé pas plus de 4 000 euros, témoigne Marc-Antoine Boidin. Cela représente une année de travail. "Je pense à cet exemple, mais il y en a plein d'autres", affirme-t-il.
Un an de travail, 4 000 euros, comment fait-on ?
Marc-Antoine Boidin, auteur de BDà franceinfo
Si auteur de BD est une affaire de passion, c'est aussi - et avant tout - un métier. "Je travaille entre 7 heures, pour le début d'un album, et 16 heures à la fin. Au moment où il faut le rendre, en général, on est en retard", explique-t-il en riant. Quant à "l'avantage" de travailler chez soi, il n'est pas si évident : "Souvent, on nous dit : 'Vous avez de la chance de travailler à la maison.' D'une certaine manière oui, mais en même temps il faut s'auto-discipliner", constate l'auteur. Il faut aussi avoir quelques notions de gestion : l'imaginaire est peut-être roi dans le monde de la bande-dessinée, mais il ne faut pas éluder les contraintes extérieures.
L'inquiétude à propos des réformes à venir
Marc-Antoine Boidin voit aussi venir avec inquiétude plusieurs réformes. Elles risquent, selon lui, d'accentuer la précarité. C'est le cas par exemple de la mise en place, en 2019, de la cotisation retraite au premier euro pour tous les auteurs et non ceux qui sont affiliés au régime de sécurité sociale des artistes-auteurs comme aujourd'hui. "Ce n'était pas le cas avant parce que tous les auteurs ne gagnaient pas suffisamment pour cotiser", explique-t-il.
Autre motif d'inquiétude : le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. "Ce projet ne fonctionne pas du tout pour les auteurs, qui ont des revenus très fluctuants, selon Marc-Antoine Boidin. Donc, ça va sans doute être une mensualisation. Mensualisation qui pose aussi un certain nombre de problèmes. Avoir une retraite, c'est super. Le problème, c'est que, avant de penser à la retraite, il faut pouvoir remplir le frigo."
La réalité, hélas, est celle-là : beaucoup d'auteurs ne peuvent pas remplir leur frigo.
Marc-Antoine Boidin, auteur de BDà franceinfo
Le vice-président du Snac en appelle donc au gouvernement et aux éditeurs pour améliorer la situation des auteurs. Il délivre aussi ce conseil à ceux qui aimeraient se lancer dans l'aventure de la BD : toujours prévoir d'autres plans, au cas-où.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.