L'exposition Peinture des lointains : "Cette appétence vers l'ailleurs représentait une perspective de renouvellement de leur art"
Avec l'exposition Peinture des lointains, jusqu'au 6 janvier 2019, le musée du Quai Branly à Paris explore la passion des artistes français autrefois pour les pays étrangers, de Madagascar à l'Égypte. Des paysages perçus comme paradisiaques et fascinants.
Pour la première fois depuis son ouverture en 2006, et jusqu'au 6 janvier 2019, le musée du Quai Branly, à Paris, consacre une exposition à sa collection de peintures héritée du Musée de l’Homme et de celui des Arts d’Afrique et d’Océanie. Baptisée Peintures des lointains, cette exposition montre combien les artistes français de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début des années 1950 se sont passionnés pour ces terres lointaines.
Forte attirance pour "l'exotisme"
Pas moins de 130 tableaux et des dizaines de dessins nous font voyager de l'Égypte au Brésil, de Madagascar à l’Indochine en passant par le Maghreb ou les îles du Pacifique. Autant de pays lointains dont se sont emparés les peintres en quête d’exotisme et de contrées paradisiaques.
"Il y avait cette très forte appétence vers l'ailleurs", explique Sarah Ligner. Pour la commissaire de l'exposition, "cet ailleurs représentait aussi, pour beaucoup d'artistes, une perspective de renouvellement de leur art à travers des sujets totalement inédits : la découverte d'une autre lumière qui bouleverse totalement la palette des peintres et l'iconographie des toiles".
L’exotisme pour les peintres, ce sont des paysages dans des lueurs chaudes, des foules bigarrées, des femmes aux corps dénudés ou encore une nature luxuriante et sauvage, comme pour Marcel Mouillot, artiste autodidacte sorti de l’oubli par cette exposition avec deux tableaux réalisés vers 1931 à La Réunion.
"Les toiles de cet artiste sont pourtant des toiles extraordinaires pour ce qu'elles disent d'un regard moderne sur l'exotisme, explique Sarah Ligner. Une palette qui n'est pas une palette chaude, mais une palette de couleurs froides. Une géométrisation des formes. Une recherche de simplification des formes. Et des toiles étonnantes entre figuration et abstraction, comme ce tableau qui représente le site du volcan le Piton de la Fournaise, à La Réunion, là où les anciennes coulées de lave se jettent dans l'océan et là où la végétation renaît des cendres."
Des portraits authentiques loin des caricatures
Parmi les plus belles pièces de l’exposition, il y a trois laques magnifiques de Jean Dunand, un des grands noms de l’art déco, des gravures sur bois de Paul Gauguin et des dessins de Matisse réalisés en Polynésie, mais aussi des toiles peintes par Émile Bernard en Égypte.
Une passionnante galerie de portraits, peintures sensibles, loin des caricatures, tranche avec les œuvres de propagande présentées à la fin du parcours, qui rappellent que les artistes ont aussi servi le discours colonial.
"C'est le cas pour cet ensemble de toiles d'André Herviault, qui illustre les différents rôles de l'armée dans les colonies, qui peint l'officier administrateur, l'officier typographe, indique Sarah Ligner. Dans ces toiles, exécutées sur commande, dont l'iconographie est dictée à l'artiste, on voit toute l'opposition entre un homme blanc, dit 'civilisé', et un peuple colonisé, infériorisé, qui forme une main-d’œuvre servile." Les peintres sont parfois allés très loin dans le dénigrement des populations indigènes.
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