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"Il est en train de perdre des mois de sa vie pour une histoire sans queue ni tête" : la sœur du touriste français détenu en Iran fait le récit des dix derniers mois

Emprisonné en Iran depuis mai 2020, Benjamin Brière est accusé d'espionnage et de "propagande contre le système". 

Article rédigé par Franck Mathevon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Photo de Benjamin Brière postée sur le compte Twitter de son avocat en Iran, Saeid Dehghan. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Benjamin Brière, un touriste français arrêté en Iran il y a dix mois, a été inculpé pour espionnage et propagande contre la République islamique. Sa sœur, Blandine Brière, a répondu aux questions de franceinfo. Selon elle, son frère est accusé d’avoir critiqué sur les réseaux sociaux le port obligatoire du voile en Iran et d’avoir photographié des “zones interdites”.

franceinfo : Qu’est-il arrivé à Benjamin précisément?

Blandine Brière : Benjamin est parti en voyage il y a pas mal de temps maintenant. Il a commencé un voyage en 2018, après avoir aménagé lui-même son van. Il a commencé par la Scandinavie, puis il est rentré nous voir en France parce que j'étais enceinte. Forcément, il voulait être là pour la naissance de ses neveux et nièces. Ensuite, il est parti direction l'Iran, en passant par pas mal de pays. C'était son rêve : partir avec son van à la rencontre des gens, des paysages, etc.

Il vous donnait des nouvelles régulièrement, et puis, à un moment, il ne vous en a plus donné…

C'est ça. On est très proches, on s'appelaient très régulièrement. Il me racontait ses aventures. Et du jour au lendemain, plus rien. Je savais que si je n’avais pas de nouvelles pendant 48 heures, je devais m'inquiéter. Il est seul, donc je m'inquiète plus rapidement que la normale. Au bout de deux jours, j’ai donc commencé à me poser des questions. C’était vers la fin mai [2020]. Je savais à peu près où il se trouvait sur la base de ce qu'il me disait et en suivant son compte Instagram. J'ai fait des recherches pour savoir où il était exactement, qui avait pu le croiser dernièrement, s’il y avait une couverture réseau. J’ai alerté l'ambassade, qui a fait des démarches auprès des autorités locales.

Qu’apprenez-vous alors ?

Je découvre qu'il a soi-disant été arrêté. Et ce n'est qu'un mois plus tard que je l’ai enfin au téléphone et que j’entends enfin le son de sa voix. C'est un appel qui a duré trente secondes, juste le temps de me dire qu'il allait bien, qu'il ne fallait pas s’en faire, que ça allait aller. J’étais rassurée. Puis il s'est écoulé près de dix mois, durant lesquels il est resté en prison dans la ville de Mashhad. Et nous venons enfin de découvrir pourquoi il avait été arrêté.

On a appris dernièrement que votre frère Benjamin avait comparu en Iran pour espionnage et propagande contre le système politique iranien... 

C’est le choc. Ce sont des accusations infondées. Il reste un touriste, un simple touriste, qui allait prendre de jolies photos. Et on se retrouve dans une histoire grotesque. Il le dit lui-même, il a l'impression d'être sur une autre planète, de ne rien comprendre à ce qui se passe. Pour lui tout cela est surréaliste. D’après son avocat iranien, il aurait photographié des zones sensibles. Il a été arrêté en possession d'un drone.

Cela a-t-il un lien avec ce qui lui arrive, d’après vous ?

Oui, c'est certainement lié. Mais ce drone c’est mal interprété. Il s’agit d'un drone acheté trois fois rien dans un magasin grand public pour conserver de jolis souvenirs, avoir de jolies photos de son voyage, pouvoir photographier des endroits incroyables. Ça s'arrête là. Il était au mauvais endroit au mauvais moment, il a peut-être photographié certains endroits sensibles par mégarde. Il n’a pas eu de chance.

L’accusation de propagande contre le système iranien serait liée à d'éventuelles questions qu'il aurait soulevées sur le voile islamique. Que cela vous inspire-t-il ? Que pouvez-vous dire de Benjamin ?

Benjamin est quelqu'un de très indépendant, qui a des rêves plein la tête et pour qui rien n'est impossible. C'est pour ça qu'il a entrepris un voyage aussi fou, tout seul. Il rêve de rencontrer les gens, il est tombé amoureux de l'Iran, il a décidé d'y rester longtemps pour s'imprégner vraiment de la culture. Et il est passionné, passionné par le voyage et par les gens.

Parvenez-vous à échanger avec Benjamin?

J'arrive à lui transmettre des petits mots. Les autorités françaises nous aident et nous soutiennent. Le consul va le voir et je peux envoyer des messages de la famille ainsi que des photos, notamment des enfants, qu'il n'a pas vus depuis beaucoup trop longtemps. J’ai aussi pu lui parler deux fois ces deux derniers mois, et ça nous a fait un bien fou. Mais ça reste trop peu.

A votre connaissance, quelles sont ses conditions de détention ?

La cellule est exiguë et ils sont très nombreux. C'est même compliqué pour lui de lire un bouquin. Il a le droit de sortir deux à trois fois par jour. Il a un gros manque, forcément, d'intimité, mais il arrive à prendre un petit rayon de soleil l'après-midi en promenade. Il est complètement démuni et ne comprend pas ce qu'il lui arrive. Il se repose sur nous en se disant qu'on fera le nécessaire pour prendre les bonnes décisions pour lui. C'est surréaliste pour lui. Il est en train de perdre des mois de sa vie. Pour des raisons qu'on connaît maintenant, mais qui sont complètement irréalistes, ça n'a ni queue ni tête. Il me dit qu'il va bien, qu'il est bien traité. Là-dessus, il n'y a aucun problème. Mais il y a la barrière de la langue parce qu'il est dans une région où personne ne parle anglais. Il est dans le silence toute la journée. Il se concentre sur les livres qu'on lui a envoyés et que le consul lui a transmis. Il a notamment accès à des ateliers de travail du cuir. Il me dit qu'il reste patient et qu'il se concentre là-dessus. Il essaye de rester patient pour ne pas mal tourner, pour tenir bon et espérer retrouver la liberté.

Quelles sont les prochaines étapes pour vous? Il va y avoir une première comparution. Un verdict va peut être tomber à la suite de cette première comparution ?

On espère et on attend un verdict dans les semaines à venir. On verra comment cette histoire va évoluer et comment nous, on pourra apporter notre soutien, pour faire en sorte que les choses avancent parce qu'il ne s'est rien passé pendant 10 mois et là, il se passe quelque chose. Notre avocat reste positif, optimiste et bienveillant.

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