Jonathann Daval condamné à 25 ans de prison pour le meurtre de sa femme Alexia
L'homme de 36 ans, qui a reconnu avoir tué son épouse, a accepté sa peine, prononcée samedi à l'issue de cinq jours de procès. Le parquet avait demandé la réclusion criminelle à perpétuité.
Sans surprise, les jurés ont répondu "oui" aux deux questions qui leur étaient posées. "Oui", Jonathann Daval est coupable d’avoir volontairement donné la mort à Alexia Fouillot et "oui", il était bien le conjoint de sa victime, ce qui constitue une circonstance aggravante. Pour ces faits, l'accusé était passible de la réclusion criminelle à perpétuité, peine requise par le parquet. Il a été condamné à 25 ans de prison par la cour d'assises de la Haute-Saône, à Vesoul, samedi 21 novembre, au terme de cinq jours de débats qui sont allés bien au-delà de ces deux seules interrogations.
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La famille de la victime a salué "une bonne décision, à la hauteur de [ses] souffrances", reprenant la formule de son avocat Gilles-Jean Portejoie pendant sa plaidoirie. L'accusé de 36 ans, lui, n'a pas réagi à l'énoncé du verdict. "Pardon, pardon", avait-il demandé à la famille de sa femme et à la sienne, avant le délibéré, les yeux en larmes. Ses avocats ont annoncé qu'il ne ferait pas appel de sa condamnation. La veille, Jonathann Daval avait indiqué qu'il accepterait la sanction rendue à son encontre, "peu importe" les années de prison. "Je dois payer pour les actes que j’ai commis."
"Cette décision sera regardée"
Ces actes, ils ont été disséqués pendant tout le procès, au même titre que la vie intime du couple. Rien n'a été épargné à la cour pour tenter d'expliquer comment cet homme sans histoires, en apparence ordinaire, a pu frapper et étrangler sa compagne au cours de cette nuit du 27 au 28 octobre 2017, dans leur pavillon de Gray-la-Ville. Comment il a pu ensuite brûler son corps dans le bois d'Esmoulins et échafauder le scénario d'une joggeuse tuée pendant son footing, déclenchant la machine médiatique.
"Il s'agit d'une affaire judiciaire qui dépasse chacun de ses acteurs en raison de la très forte médiatisation qui l'a parasitée", a lancé l'avocat général Emmanuel Dupic dans un réquisitoire aussi sévère qu'ambivalent. Critiquant le rôle des médias dans "la violation permanente du secret de l'instruction" et pointant ceux qui ont eu "le temps de descendre faire des communiqués de presse" pendant les suspensions d'audience, visant ainsi indirectement les parties civiles, Emmanuel Dupic n'a pas tardé à faire sa propre conférence de presse sur les marches du tribunal de Vesoul aussitôt la cour partie délibérer.
De même, lorsqu'il enjoint les jurés de juger "ces faits épouvantables" "au nom du peuple français et non au nom de l'opinion publique", Emmanuel Dupic ne manque pas de leur rappeler que cette "décision sera regardée".
Des débats monopolisés par la préméditation
Enfin, le magistrat se dédit lorsqu'il reconnaît ne pas avoir "retenu la préméditation" dans la rédaction de l'acte d'accusation visant Jonathann Daval mais qu'il s'"interroge" aujourd'hui sur cette qualification d'assassinat : "Il y a tellement de zones d'ombre dans le dossier."
Ce n'est pourtant pas l'accusation qui a soutenu cette thèse pendant les débats, mais les avocats des parties civiles. Bien qu'elle ait été écartée au cours de l'instruction, cette question d'un empoisonnement ou d'une "soumission chimique" d'Alexia Fouillot avant sa mort a monopolisé le début des discussions. En cause, des traces de Zolpidem, de Tetrazepam et de Tramadol dans le sang et les cheveux de la victime.
Les experts en médecine légale ont beau avoir souligné à la barre que les analyses effectuées ne permettaient pas de trancher en faveur d'une administration de ces médicaments à Alexia à son insu, Me Caty Richard a plaidé en ce sens jeudi. Selon l'avocate de trois membres de la famille de la victime, Alexia Fouillot se serait rendu compte que son mari lui avait donné un somnifère. En colère, elle aurait tenté de partir, ce que Jonathann Daval n'aurait pas supporté. Il l'aurait alors étranglée, afin "de se démontrer qu'il n'est pas impuissant" et de "la posséder".
Le viol ante ou post-mortem est l'autre piste qui a été creusée avec entêtement de ce côté de la barre. Un scénario évacué par le médecin légiste Antoine Tracqui, sommité dans sa matière. "Je n'ai pas de preuves ni d'argument positif qu'un tel rapport (sexuel) ait pu avoir lieu", a-t-il répondu devant la cour.
Une séparation envisagée comme mobile
Passé le "comment", la cour d'assises a tenté de répondre au "pourquoi". D'identifier un mobile, que "Jonathann Daval refuse de le révéler", selon Emmanuel Dupic. Pour l'avocat général comme pour les parties civiles, cela ne fait pas de doute : Jonathann Daval a tué Alexia parce qu'elle voulait le quitter. La séparation est en effet le déclencheur de la plupart des féminicides, dont l'accusé est devenu "l'incarnation".
"La vérité du mobile, elle n'est pas entendable, il est épouvantable de tuer une femme parce qu'on ne veut pas qu'elle vous quitte."
Emmanuel Dupic, avocat générallors de son réquisitoire
Pour preuve, l'accusation retient le témoignage des amis du couple, mercredi soir. Ils ont raconté avoir été les confidents de leurs difficultés les deux dernières années, entre les problèmes d'érection de Jonathann Daval et "l'obsession" de son épouse de tomber enceinte. Les évitements du premier, les reproches de la seconde. S'ils ont admis avoir pensé que ce couple marié depuis 2015, mais vieux de 13 ans, allait divorcer, jamais ils n'ont entendu parler de séparation de la bouche des intéressés. Ils s'aimaient encore et s'accrochaient, ont-ils dit d'une même voix.
"On n'en a jamais parlé, c'était pas concevable... L'image par rapport aux autres", confirme Jonathann Daval auprès de sa belle-mère Isabelle Fouillot, qui a tenté d'obtenir d'autres aveux de la part de son gendre. Lors de cet échange très attendu, et rare dans une cour d'assises, l'accusé s'en est tenu à ce qu'il décrit depuis la reconstitution. Avare de détails, empruntant parfois son vocabulaire aux rapports cliniques du dossier, il a répété à plusieurs reprises le déroulé de cette soirée : la demande de rapport sexuel de la part d'Alexia, son refus, la "dispute" qui s'en est suivie, son impossibilité de fuir face à sa femme qui le retenait, et la "rage", la "colère" après les "mots de trop", "t'es pas un homme". Il reconnaît avoir étranglé Alexia pour lui "donner la mort" et non juste pour qu'elle se taise.
Un homme obsessionnel et "une conjugopathie"
"Alexia lui a-t-elle demandé une relation sexuelle ? Je n'en sais rien, Jonathann a beaucoup menti, reconnaît son avocat, Me Randall Schwerdorffer, pendant sa plaidoirie. Jonathann, vous devrez faire sans lui car il a trop menti. On n'est pas là pour croire dans une enceinte judiciaire, on est là pour savoir. L'intime conviction, ce n'est pas l'intime intuition." Alors, pour démonter l'image d'un Jonathann Daval "manipulateur et dans la toute-puissance", présentée par l'avocat général dans son réquisitoire, les conseils de l'accusé se sont attachés à rappeler les éléments apparus pendant les débats.
"On veut en faire un exemple, de cette audience-là. On ne juge pas un féminicide ici, on juge l'affaire d'Alexia et de Jonathann et on juge un passage à l'acte."
Randall Schwerdorffer, avocat de la défenselors de sa plaidoirie
Me Ornella Spatafora rappelle l'enfance de son client, faite de problèmes de santé handicapants, de surprotection maternelle, de surnoms humiliants, "Quasimodo", liés au port d'un corset à l'adolescence, de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) développés après la mort de son père. Elle rappelle le diagnostic posé par l'expert-psychiatre Jean Canterino : une personnalité obsessionnelle, qui refoule son agressivité en permanence. De fait, comme l'ont raconté ses proches, Jonathann Daval n'a jamais dit un mot plus haut que l'autre, jamais été violent. Au point que certains témoins restent dans le "déni" de le voir assis dans ce box.
La rencontre avec la jolie Alexia, idyllique et inespérée pour ce garçon très complexé, vire au cauchemar quand "les deux amoureux" prennent "des chemins différents", après le mariage en 2015. La jeune femme, moteur et dynamique, veut fonder une famille. Mais elle se heurte à "l'inertie souriante", selon l'expression de Me Caty Richard, de cet homme "qui n'a pas changé depuis qu'elle l'a rencontré, qui n'est plus à la hauteur". Alors elle essaie de "le faire réagir" avec des reproches permanents. "Prends confiance en toi, redresse-toi, sois un homme"... "C'est tout l'inverse qui se produit, observe Me Ornella Spatafora. Le peu de confiance et d'estime en lui s'estompent totalement et on va rentrer dans ce qu'on appelle la rage narcissique, c’est ce qui va se passer ce soir-là." Car "ce soir-là, il n'a pas pu fuir" la confrontation.
Pour la défense, "c’est cette conjugopathie qui explique le passage à l’acte. On n'est pas dans un crime de possession, de sang-froid". Que dire de la crémation, des mensonges et accusations qui ont suivi ? De ce que l'avocat général appelle "les deux autres crimes" ? Il se disait "'Ça ne pouvait pas être moi'. Comment son cerveau réagit, je ne sais pas et vous ne le savez pas non plus car on n’est jamais passé à l’acte", souligne Me Randall Schwerdorffer. Assurant que son scénario n'a "pas été mentalisé ni préparé avant le meurtre" et pointant ses comportements "irrationnels", comme le fait de prendre le véhicule qu'il sait équipé d'un tracker GPS, l'avocat rappelle aux jurés que "le mensonge n'est pas poursuivi par la loi. Il est désagréable et immoral mais vous ne jugez qu'au nom de la loi". Après trois ans de "folie médiatique" et six jours d'un procès très suivi, l'affaire Daval connaît enfin sa vérité judiciaire.
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