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Reportage Un gendarme spécialisé dans les "affaires classées" recruté par un cabinet d'avocats

Spécialisé dans les affaires non-résolues, l'avocat Didier Seban a décidé de recruter dans son cabinet un gendarme issu du pôle "cold cases" de Nanterre. Le but est simple : utiliser l'expérience de l'ancien adjudant pour rouvrir des dossiers.
Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Au premier plan, l’ex-gendarme Olivier Le Gall et, en arrière-plan, l’avocat Didier Seban, dans l’une des pièces du cabinet qui renferme quelques-uns des dossiers de crimes non-élucidés.  (DAVID DIGIACOMO / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

C'est très rare qu'un avocat recrute un gendarme. Or le cabinet de Didier Seban, spécialisé dans les affaires non-élucidées, a fait appel aux services d'Olivier Le Gall. Ce gendarme a quitté la prestigieuse division des "cold cases" de Nanterre"J'ai travaillé sur des affaires intéressantes et importantes, rappelle Olivier Le Gall. J'ai eu quelques réussites, on a arrêté des auteurs. Ce qui m'intéressait c'était de savoir ce qui se passait derrière."

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Pour cet ancien enquêteur, ce poste au sein d'un cabinet est à dissocier d'un rôle de détective privé. "Je ne vais pas aller, la nuit, surveiller telle ou telle personne ou encore écouter un témoin, explique Olivier Le Gall. Ma fonction réelle est chargé de mission donc c'est d'apporter une expertise. Le fait d'avoir un regard extérieur ou nouveau sur une affaire permet de dire : 'Attention, là, ils n'ont pas entendu telle personne ou analysé tel scellé'. C'est ça l'idée." 

Depuis son arrivée, il y a six mois, l'ex-adjudant chef s'est notamment plongé dans l'affaire des disparus de l'Isère, ces enfants tués ou qui ont mystérieusement disparus dans le département dans les années 1980-1990. S'il rouvre ces dossiers, c'est parce que, selon lui, le temps presse : "Ce sont des affaires très anciennes pour lesquelles on n'a toujours pas trouvé la solution. Il serait temps de trouver quelque chose, souligne-t-il, car les témoins ou même les auteurs décèdent, donc il y a urgence."

Pallier le manque d'enquêteurs criminels

Didier Seban espère résoudre des affaires pour apaiser la douleur des familles. Certaines attendent depuis des dizaines d'années avant de mettre un nom sur un criminel. "Pour les familles, tant que les affaires ne sont pas résolues, elles pensent qu'elles peuvent peut-être croiser dans la rue le meurtrier, que cela peut être le voisin... Elles ne peuvent pas s'autoriser à vivre tant qu'un auteur n'est pas interpellé, jugé et déclaré coupable judiciairement."

"Notre travail au cabinet, c'est de faire reprendre les enquêtes, de se dire qu'aucun dossier ne doit résister à l'enquête pour peu qu'on y mette les moyens."

Didier Seban, avocat

à franceinfo

Recruter un ex-gendarme, c'est aussi une façon pour l'avocat Didier Seban de pallier les carences de la justice et de la police. Malgré la création du pôle "cold cases", selon l'avocat, ces unités manquent encore de moyens face aux centaines de crimes qui restent non-élucidés. "Ça part d'un constat, c'est que le service public de la justice fonctionne mal. On manque d'enquêteurs criminels, d'enquêteurs de police judiciaire et souvent, parce qu'un dossier recouvre l'autre, ces affaires, au bout de quelques mois, sont traitées comme des 'cold cases', comme des crimes oubliés, c'est-à-dire que l'enquête est abandonnée". Avec cette initiative, l'avocat veut apporter son aide avec ses propres moyens et pousser la justice à rouvrir les dossiers. "C'est à la justice de faire ces enquêtes-là. Nous, on essaie d'avoir un œil neuf. On reprend les dossiers, on les retravaille, on voit ce qui n'a pas été fait, on regarde la criminalité dans le coin. On veut aider le pôle à réussir."

Un cabinet d'avocat s'adjoint les services d'un gendarme issu du pôle "cold cases" de Nanterre - Reportage de David Di Giacomo

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