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Sibeth Ndiaye a-t-elle vraiment déclaré qu'elle ne saurait expliquer à ses enfants s'il est "normal ou pas" de jeter des pierres aux forces de l'ordre ?

La porte-parole du gouvernement est visée par deux syndicats de police, qui se sont indignés face à un extrait d'une intervention sur France 3, dimanche. Sibeth Ndiaye déclare qu'elle ne saurait pas expliquer à ses enfants s'il est "normal ou pas" de jeter des pierres aux forces de l'ordre. En recontextualisant ces propos, c'est pourtant aux policiers que la secrétaire d'Etat affirme son soutien. 

Article rédigé par franceinfo
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La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye en conférence de presse après le Conseil des ministres, le 10 juin 2020 à Paris.  (LUDOVIC MARIN / POOL / AFP)

Sibeth Ndiaye a-t-elle été incomprise en s'exprimant dans l'émission "Dimanche en politique", sur France 3 ? La porte-parole du gouvernement était interrogée, dimanche 21 juin, sur le cas de Farida, cette infirmière interpellée le 16 juin aux abords des Invalides, à Paris, après avoir lancé des projectiles sur les forces de l'ordre. Les images de la soignante, plaquée au sol et réclamant son traitement pour l'asthme, avaient été dénoncées, notamment dans les rangs de La France insoumise

Ce sont deux tweets de syndicats de police, largement partagés, qui ont attiré l'attention sur la porte-parole du gouvernement : l'un du Syndicat des commissaires de la Police nationale (SCPN), l'autre d'Unité SGP Police-Force ouvrière. Y apparaît un même extrait de l'intervention de Sibeth Ndiaye dans "Dimanche en politique", vivement critiqué par les deux organisations.

"Moi je comprends évidemment l'émotion qu'a suscitée l'image qu'on a vue de son arrestation, concède Sibeth Ndiaye, mais en même temps, je ne saurais pas expliquer aujourd'hui à mes enfants, par exemple : est-ce qu'il est normal ou pas de jeter des pierres sur les forces de l'ordre ?"

"Ces propos [...] sont indignes de ses fonctions", a répondu la SCPN. "Encore une incongruité de plus et un manque de soutien ferme vis-à-vis des forces de l'ordre", a quant à lui rétorqué Unité SGP Police-Force ouvrière, avant d'invectiver la secrétaire d'Etat dans un communiqué : "Même si vous corrigez vos propos par la suite, les policiers attendent du soutien plutôt que de telles maladresses, surtout quand vous êtes censée porter la parole du gouvernement !" Franceinfo revient sur cette polémique. 

Des propos tronqués

En recontextualisant l'extrait largement diffusé, non pas dans son intégralité, mais de façon tronquée sur les réseaux sociaux, c'est une tout autre lecture de ces propos qui peut être faite : la porte-parole du gouvernement d'Edouard Philippe y prend bien la défense des forces de l'ordre.

"Quand je ne sais pas expliquer qu'on jette des pierres sur les forces de l'ordre, je ne vois pas en quoi il faudrait l'absoudre", déclare-t-elle avant l'extrait en question à propos des jets de pierre effectués par l'infirmière. Puis, la porte-parole du gouvernement prend la défense des forces de l'ordre : "On peut tous être amenés, dans des circonstances particulières, à être à bout de nerfs. Est-ce que pour autant ça justifie qu'on jette des pierres sur les forces de l'ordre ?"

Que dirions-nous au fils ou à la fille du CRS qui reçoit cette pierre dans le visage ? Qu'est-ce qu'on lui dirait ? ‘C'est pas grave ?’ Nous on peut pas le dire. Donc il faut que la justice se fasse en toute indépendance et nous verrons ce que les juges ont à dire de cela.

Sibeth Ndiaye

dans "Dimanche en politique" sur France 3

En recontextualisant l'extrait diffusé par les deux syndicats de police, c'est donc une analyse inverse qui peut être faite des propos de la porte-parole du gouvernement autour de ces jets de pierre. Une infraction qui peut entraîner trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours. L'infirmière sera d'ailleurs convoquée le 25 septembre prochain pour des faits d'outrages sur personne dépositaire de l'autorité publique, rébellion et violences sur personne dépositaire de l'autorité publique sans ITT, a annoncé le parquet de Paris à franceinfo

La droite et l'extrême droite montent au créneau

Ces propos tronqués ont vivement fait réagir la classe politique, notamment à droite. Pour le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, "Voir un membre du gouvernement relativiser ainsi la gravité d'une attaque contre les policiers est inquiétant". La députée LR Valérie Boyer a quant à elle critiqué d'"ignobles paroles" et de "lamentables propos", affirmant son soutien à la police sur Twitter.

"A ce niveau de responsabilité, ces propos forment une faute lourde. Sibeth Ndiaye doit démissionner. Elle déshonore l'Etat. Elle déshonore la France", a tonné l'eurodéputé RN Jean-Lin Lacapelle sur Twitter, tandis que son collègue du Bureau national du RN Julien Odoul s'est fendu d'un "Quelle honte !".

Néanmoins, l'eurodéputé LR François-Xavier Bellamy a pris sa défense sur Sud Radio lundi matin : "Je dois dire que j'ai pris le temps d'aller regarder la séquence dans son ensemble [...] En réalité, ce que dit Sibeth Ndiaye [...] c'est que si l'infirmière que l'on voit lancer des pierres sur des policiers n'était pas comdamnée, elle ne saurait pas comment dire à ses enfants qu'il est mal de jeter des pierres sur les policiers."

Elle veut donc dire qu'une procédure judiciaire est nécessaire contre cette femme qui a jeté des pierres contre la police. [...] Je pense qu'on lui ferait un mauvais procès en se fondant uniquement sur cet extrait.

François-Xavier Bellamy, eurodéputé (LR)

à Sud Radio

"Une fake news" selon le cabinet de la secrétaire d'Etat

"On est face à une fake news", analyse un membre du cabinet de Sibeth Ndiaye. "C'est une polémique qui n'a pas lieu d'être, il faut écouter l'interview en entier : avant et après, elle dit l'exact inverse. [...] Il n'y a aucune ambiguité", se défend le porte-parolat. "[La porte-parole] dit qu'il faut que justice se fasse, c'est clair et sans ambiguîté. Bien sûr, s'il y a des circonstances particulières, c'est à la justice de les déterminer."

Le problème de la polémique, c'est que les gens n'ont pas écouté l'intégralité [des propos de Sibeth Ndiaye]. [...] La seule correction que l'on peut apporter, c'est de poster la vidéo dans son intégralité.

Un membre du cabinet de Sibeth Ndiaye

à franceinfo

Une analyse défendue sur CNews par Gilles Legendre. "Cette polémique n'a pas lieu d'être, a répondu le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Ce qu'elle signifiait, dans le contexte précisément où on l'interroge pour savoir si oui ou non il faut faire preuve de clémence à l'égard de l'infirmière, elle explique : je ne sais pas l'expliquer au sens où je ne sais pas le justifier auprès de mes enfants, autrement dit c'est injustifiable. [...] Il n'y a pas l'ombre d'un doute là-dessus."

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