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"Ma dignité, je veux l'avoir" : des femmes de chambre assignent les hôtels Accor aux prud'hommes pour harcèlement

Le groupe hôtelier Accor et son sous-traitant STN sont assignés aux prud'hommes. C'est la suite d'un long conflit social mené par des employées, qui dénoncent un système de surveillance.

Article rédigé par Grégoire Lecalot - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Sylvie Kissima et Kéké Rachel, femmes de chambre à l'hôtel Ibis Batignolles, le 6 avril 2021. (GREGOIRE LECALOT / RADIO FRANCE)

"On est surveillées au quotidien. Si tu veux parler avec une collègue, il faut se cacher", assure Sylvie Kissima, femme de chambre à l'hôtel Ibis des Batignolles, à Paris, deuxième hôtel de France avec ses 700 chambres. C'est le cadre d'un très long conflit social, éclaté à l'été 2019. Le groupe hôtelier Accor et son sous-traitant STN sont assignés aux prud'hommes pour harcèlement, mercredi 7 avril. L'occasion de mettre en lumière les conditions de travail des femmes de ménage. Dans cette affaire, ces femmes de chambre accusent leurs employeurs d’avoir mis en place un système quasi policier.

Dans cet établissement aux longs couloirs, aujourd'hui fermé en raison de l'épidémie de Covid-19, les caméras de vidéosurveillance ne servent pas en temps normal qu'à la sécurité des clients, affirme Sylvie : "Partout, ils ont installé des caméras, dès que deux ou trois personnes se regroupent dans un coin de couloir, il y a déjà un vigile qui arrive." À 50 ans, cette Congolaise est l'un des fers de lance de ce conflit social. C'est d'ailleurs elle qui pose sur une affiche, punaisée au mur du local de la CGT où elle a rendez-vous avec une de ses collègues, Rachel Kéké. Un "nom de guerrière", glisse-t-elle.

Le statut de sous-traitant pointé du doigt

Le métier de Rachel Kéké, c'est gouvernante. Elle a pour mission de contrôler la propreté des chambres. Mais avec des cadences de travail impossibles, dénonce-t-elle : "On se retrouve souvent avec 150 chambres à contrôler dans la journée. C'est stressant, parce qu'on court dans tous les sens. La gouvernante générale du groupe Accor est tout le temps derrière nous dit, en nous disant 'pourquoi telle chambre n'est pas propre', etc. Pourtant, ils savent qu'avec le nombre de chambres qu'on a, on ne peut pas avoir une qualité dans ce service-là."

"La sous-traitance, c'est toujours la maltraitance, il faut aller vite vite vite, pour faire leur pognon."

Sylvie, femme de chambre

à franceinfo

Les deux femmes sont salariées d'un sous-traitant d'Accor : STN. La sous-traitance est un des problèmes, selon Sylvie : "Ils nous prennent pour des robots, ils nous prennent pour des machines à coudre." De son côté, Rachel Kéké évoque des inégalités de traitement avec les salariés d'Accor : "Ce n'est pas la même chose. Au début, ils ne voulaient même pas qu'on mange avec eux sur la même table. Pour manger au restaurant, il a fallu qu'on lutte, il a fallu qu'on dénonce des choses."

Pour Sylvie comme pour Rachel Kéké, cette situation n'est pas due à  un hasard : "Nous, là où on travaille, il n'y a que des Africaines. Pour eux, on peut joindre les deux bouts avec les petites miettes qu'on nous donne. Voilà pourquoi, à un moment, tu accumules et il y a un ras le bol qui sort. Tu te dis 'ou ça passe ou ça casse', mais au moins, ma dignité, je veux l'avoir." Sollicité par franceinfo, le groupe Accor a expliqué qu'il n'était pas en mesure de répondre à nos questions. Une médiation entre les salariées, Accor et STN a été mise en place, mais pour l’instant, elle est dans l'impasse.

Des femmes de chambre assignent les hôtels Accor aux prud'hommes pour harcèlement - le reportage de Grégoire Lecalot

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