Cet article date de plus d'onze ans.

Gaston, ouvrier à Florange : "On fera tout pour que personne ne soit laissé sur le carreau"

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min - vidéo : 3min
DLTFTV_MAM_2872978 (Hervé Pozzo)
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions

Premier volet de notre série de portraits d'ouvriers de l'usine ArcelorMittal. Aujourd'hui, Gaston Bedo, 57 ans, délégué du personnel, qui croit en l'avenir de la vallée de la Fensch.

Les Bedo habitent la vallée de la Fensch, en Moselle, depuis plusieurs générations. Licencié des hauts-fourneaux de Rombas en 1984, Gaston Bedo a été embauché à Florange en 1985. Il travaille toujours à l'usine, dans la filière "froide" (les hauts-fourneaux font partie de la filière "chaude"), chez ArcelorMittal. 

Depuis la fin des années 1980, les usines sidérurgiques ferment une à une. La sidérurgie "lourde" disparaît. Les plans sociaux se succèdent, les hommes partent à la retraite à l'âge de 50 ans. En 2011, ce sont les deux derniers hauts-fourneaux du site de Florange qui se sont éteints, et 650 emplois sont aujourd'hui menacés. Francetv info a rencontré plusieurs de ses salariés.

Gaston Bedo, 57 ans, fait partie de ceux qui ont encore des difficultés à faire le deuil du passé. Les brames (plaques épaisses d'acier) et les coils (rouleaux d'acier), qu'on affine pour faire la tôle destinée aux usines Mercedes ou aux "boîtes boissons" (les canettes), rythment sa vie. Cet homme débonnaire, qui est aussi délégué du personnel, veut malgré tout croire en l'avenir. 

Se former pour ne pas rester "sur la route"

Selon lui, l'emploi change, mais ne disparaît pas. "Les brames viennent de Dunkerque [Nord] et plus d'Hayange [Moselle], mais que pouvons-nous y faire ? Il faut suivre des formations et ça ira bien ! Et puis, ils rallumeront les hauts-fourneaux dans quatre ans. Ulcos 2 [un projet de stockage du CO2] sera mené à bien." Comme d'autres, Gaston Bedo est persuadé que la sidérurgie lorraine possède une avance technologique qui lui permettra toujours de maîtriser son destin.

L'histoire de la vallée est pourtant émaillée de hauts-fourneaux qu'on éteint provisoirement et qui ne se rallument jamais (comme à Uckange, en 1991). Cette fois encore, les deux hauts-fourneaux situés en contrebas de la statue de la Vierge, Notre-Dame de Hayange, se sont tus. "C'est provisoire", espère Gaston Bedo. Pudiquement, il parle de la "mise en veille" des P3 et P6, comme les habitants d'Hayange désigne les deux mastodontes d'acier. Mais cela "ne signifie pas la fin de la vallée de la Fensch".

Gaston Bedo tente de s'en persuader avec une tristesse retenue. Il veut rester optimiste car il sait que les habitants de la vallée peuvent faire autre chose que de couler de la fonte. Il sait que beaucoup ne travaillent plus dans l'industrie aujourd'hui. Les plus chanceux ont trouvé un emploi au Luxembourg, tout proche. Mais "la sidérurgie est un métier à part, qu'on pratique de père en fils". Un métier difficile à oublier.

La "société de musique" en héritage

Pour lui, la vallée ne se résume pas à ArcelorMittal. Il y aussi et surtout "l'harmonie", la "société de musique", "l'école de musique", cette grande bâtisse installée en face des hauts-fourneaux. Un des vestiges d'une époque où la famille de Wendel gérait les hauts-fourneaux et l'aciérie.

Avec l'aide de la municipalité, Gaston Bedo fait partie de ceux qui dirigent aujourd'hui cet endroit. On y compte 200 musiciens, 22 professeurs. "Des emplois, même si la plupart sont à temps partiel."

La musique est au moins aussi importante que la fumée des hauts-fourneaux d'en face. Elle "permet de ne pas oublier nos valeurs, la famille, la convivialité. Nous y retrouvons nos racines et la force pour repartir", lance-t-il dans un sourire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.