Pour recruter un bon boulanger, "ce n'est pas la peine de passer une annonce à Pôle emploi, ils n'en ont pas !"
Alors que les chiffres du chômage ont été publiés mercredi, francetv info a interrogé deux boulangers et un boucher qui peinent à trouver des employés.
Inverser la courbe du chômage ? Le gouvernement n'y est pas encore parvenu, même s'il y a une très légère baisse (-0,1%) en juillet. Le ministre du Travail, François Rebsamen, a démissionné du gouvernement alors que la France compte plus de 3,5 millions de chômeurs de catégorie A (totalement sans activité).
Pourtant, à en croire un sondage de l'Institut I+C pour l'Union professionnelle artisanale, publié mercredi, une entreprise de proximité sur quatre a peiné pour recruter au premier semestre. Francetv info a ainsi interrogé deux patrons de boulangerie, l'un à Paris, l'autre en Seine-Saint-Denis, et un boucher de Seine-Maritime, qui confient leurs difficultés à trouver des candidats qualifiés et motivés.
"Il ne s'agit pas d'horaires de bureau"
Dominique Anract, qui préside la Chambre professionnelle des boulangers de Paris et des départements de la petite couronne, tient une boulangerie dans le 16e arrondissement. S'il estime que "ça va un peu mieux" pour trouver des boulangers, car "les écoles sont pleines", il affirme, en revanche, avoir du mal à trouver des gens qualifiés pour la vente.
Dans sa boutique, sur neuf vendeuses, une ou deux font la fermeture et partent à 20 heures. Ce sont, déclare-t-il, les postes les plus difficiles à pourvoir, notamment si les salariées ont des enfants. "Elles vivent souvent en banlieue et cela leur prend du temps pour rentrer chez elles, explique-t-il. C'est un peu plus facile de travailler chez nous, car on est fermé le dimanche, mais on travaille à Noël et les jours fériés. Il ne s'agit pas d'horaires de bureau. Quand il nous manque une vendeuse, il nous faut parfois jusqu'à trois semaines pour en trouver une autre."
"La réalité, en pâtisserie, ce n'est pas ce qu'on voit à la télé"
Eric Bleuzé, qui tient une boulangerie à Noisy-le-Grand où travaillent quatorze personnes, surenchérit. Recruter n'est "pas évident, même au niveau de l'apprentissage". Certes, des émissions comme "Qui sera le meilleur pâtissier de France", diffusé sur France 2, ont changé l'image du métier. Mais les aspects les moins gratifiants apparaissent rarement au montage : "La réalité, ce n'est pas ce qu'on voit à la télé, enrage-t-il. Il n'y a pas que les pièces montées, il y a aussi la plonge, le nettoyage..." De quoi décourager plus d'un jeune une fois qu'ils passent de l'autre côté du miroir.
Sans compter les inconvénients du métier, comme sacrifier ses week-ends : "Dans la boulangerie, on travaille le samedi et le dimanche, assure-t-il. Pour le réveillon, vous faites la fête avec des amis. Nous, on travaille." Et puis, il ne faut pas s'attendre aux mêmes avantages que dans une grande entreprise. "Un salarié en boulangerie gagne de 1 200 à 1 300 euros nets par mois et peut espérer jusqu'à 2 500 euros, s'il a des responsabilités. Même en garantissant une place, on a du mal à motiver les candidats, regrette Eric Bleuzé. Ils préfèrent souvent la grande distribution où ils peuvent bénéficier d'une mutuelle, de tickets restaurants, de RTT... C'est plus la planque."
"Quand on en cherche un bon boulanger, on passe par le bouche-à-oreille"
Comment dénicher la perle rare ? Eric Bleuzé se montre catégorique. "Passer une annonce à Pôle emploi, ce n'est même pas la peine, ils n'en ont pas, enrage-t-il. Un bon boulanger n'a aucun souci à se placer. Quand on en cherche un, on passe par le bouche-à-oreille, on en parle aux commerciaux qui vendent de la farine, on débauche chez les confrères qui ferment. C'est difficile d'avoir des gens passionnés, à part ceux qui veulent, un jour, devenir chef d'entreprise."
Même écho dans le secteur de la boucherie où 4 000 postes sont à pourvoir, selon la Confédération française de la boucherie. Gilles Dumesnil, boucher à Yvetot (Seine-Maritime), déplore, lui aussi, le manque de candidats motivés. "Ce sont souvent des jeunes en difficulté scolaire, qui considèrent l'apprentissage comme une voie de garage", regrette-t-il. S'il travaille depuis longtemps avec ses cinq salariés expérimentés, il avoue avoir un peu de mal, parfois, à trouver du sang neuf.
Pourtant, tout n'est pas si noir. Selon Eric Bleuzé, la France a donné un sérieux coup de pouce à l'apprentissage. "Le gouvernement a mis en place pas mal d'avantages. Si on forme un jeune entre 15 et 18 ans - payés entre 25 et 40% du smic lors de cette formation en alternance - la première année, on va être remboursé, détaille-t-il. La mesure entre en vigueur le 1er septembre. Elle m'a incité à en prendre deux jeunes de plus que prévu, donc trois en tout."
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