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Prix de l'énergie : pourquoi le gouvernement va-t-il prolonger le bouclier tarifaire sur l'électricité mais pas sur le gaz ?

La mesure limitant la hausse du prix de l'électricité ne prendra fin que d'ici début 2025, a annoncé Bruno Le Maire vendredi. En revanche, le dispositif pour le gaz doit s'arrêter dans le courant de l'année.
Article rédigé par franceinfo
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La centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne), ici le 4 avril 2023, est un des sites nucléaires à l'arrêt, un des facteurs de la hausse des prix de l'électricité. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

La France est-elle sortie de la crise énergétique qui semblait la menacer en fin d'année dernière ? Difficile de s'en faire une idée simple en analysant les annonces de Bruno Le Maire sur LCI, vendredi 21 avril. D'un côté, le ministre de l'Economie a annoncé la prolongation du bouclier tarifaire mis en place pour limiter la hausse des factures d'électricité. Censé dure jusqu'à la fin 2023, le dispositif se terminera finalement "d'ici à début 2025". En revanche, la même mesure sur les prix du gaz disparaîtra "dès cette année", comme prévu. Comment expliquer cette différence ?

Alors que les deux boucliers tarifaires avaient été prolongés jusqu'au 30 juin, "il n'y a plus de raison de geler les prix du gaz", a justifié Bruno Le Maire sur LCI, car "les prix sont revenus à la situation d'avant-crise". Le ministre n'a toutefois pas officialisé de date précise pour la fin de la mesure.

Pour les prix du gaz, une situation stabilisée

Le bouclier tarifaire sur le gaz avait été décidé fin 2021 pour enrayer une hausse des prix liée notamment au redémarrage économique post-confinements, puis prolongé en 2022 après l'offensive russe en Ukraine et ses conséquences sur le cours du gaz. Les tarifs réglementés ont d'abord été gelés à leur niveau du 1er novembre 2021 jusqu'à la fin 2022. Leur hausse a ensuite été limitée à 15% depuis le 1er janvier 2023.

Depuis le pic d'inquiétude de l'été 2022, les tarifs sont repartis à la baisse, comme le dit le ministre de l'Economie. Le cours de référence du gaz naturel en Europe était vendredi de l'ordre de 40 euros le MWh, soit le niveau de l'été 2021. La hausse qui avait précédé le gel des tarifs n'est, en revanche, pas effacée : le prix du gaz reste "deux fois plus élevé que son niveau pré-2020, et il n'est pas certain que l'on y reviendra un jour", prévient Nicolas Goldberg, spécialiste du marché de l'énergie pour le cabinet Colombus Consulting. 

Plus d'un an après le début de l'offensive russe en Ukraine, l'Europe a notamment diversifié ses sources. "Il y a moins d'incertitudes sur l'approvisionnement", explique l'analyste. La consommation de gaz a par ailleurs baissé, en raison de son prix, de températures hivernales clémentes, mais aussi d'un vrai effort de sobriété de la part des entreprises comme des ménages, détaille-t-il.

Un effet "limité" sur les factures

L'Europe sort de l'hiver avec des réserves de gaz encore bien remplies, bien que la France soit dans une situation moins favorable du fait des grèves dans les terminaux méthaniers. Pour Nicolas Goldberg, "il n'y aura pas de course pour remplir les stocks de gaz" en vue de l'hiver prochain, du moins pas dans les mêmes proportions qu'en 2022, où la concurrence entre pays européens craignant la pénurie avait fait flamber les prix.

Dans ces conditions, "le prix du gaz serait aujourd'hui peu ou prou le même avec ou sans le bouclier", analyse Nicolas Goldberg. La fin du dispositif aura dès lors un effet "limité" sur les factures des particuliers et des copropriétés.

Elle coïncidera, en revanche, avec la fin des tarifs réglementés du gaz, qui obligera les deux millions de foyers bénéficiant encore de ces contrats à en choisir de nouveaux. Les tarifs qu'ils pourront obtenir dépendront de l'évolution des prix d'ici à la fin juin. Si la baisse se poursuit, ces consommateurs pourront être gagnants. C'est du reste une autre raison de renoncer au bouclier : puisqu'il s'applique par un gel des tarifs réglementés, la disparition de ces derniers rend caduc le mécanisme. "Supprimer les deux en même temps paraît cohérent", confirme Nicolas Goldberg.

Pour l'électricité, des problèmes persistants liés au nucléaire

Le bouclier tarifaire sur l'électricité, lui, avait été instauré plus tard, en février 2022, limitant la hausse des tarifs réglementés à 4%, puis 15% depuis début 2023. Mais la situation a évolué moins favorablement que sur le marché du gaz. "Les prix ne sont pas encore revenus tout à fait à la normale", a expliqué Bruno Le Maire sur LCI vendredi. Les contrats d'électricité pour livraison au 1er trimestre 2024 se négocient désormais sur le marché à terme à 367 euros le MWh, soit plus du double des prix pratiqués en Allemagne (164 euros/MWh) ou en Italie (182 euros/MWh).

Le nœud du problème reste les difficultés de production du parc nucléaire d'EDF. Elle est "un peu en dessous de ce à quoi nous pouvions nous attendre", a souligné le ministre de l'Economie, notamment en raison des réparations liées aux problèmes de "corrosion sous contrainte" découverts dans de nombreux réacteurs. Si l'entreprise estime qu'elle produira davantage d'électricité en 2023 qu'en 2022, la situation contraint toujours la France à acheter de l'électricité à ses voisins. En mars, EDF a dû présenter un calendrier de contrôles révisés après la découverte de nouvelles fissures d'une profondeur inédite.

L'achat d'une partie de son électricité à l'étranger tire les prix vers le haut. Ces tarifs sont en partie liés au coût de production dans les centrales à gaz, et donc au fait que le cours du gaz reste à un niveau élevé malgré la baisse observée.

"L'électricité est beaucoup plus 'politique' que le gaz"

Prolonger le bouclier tarifaire permet ainsi de temporiser. La mesure est également moins difficile à financer que pour le gaz, pointe Nicolas Goldberg, car la France peut compter sur la "manne financière" qu'elle tire de la production d'électricité sur son sol.

Par ailleurs, le spécialiste du marché de l'énergie souligne que "l'électricité est beaucoup plus 'politique' que le gaz en France". Contenir la hausse des prix évite au gouvernement "d'envoyer un message négatif" aux consommateurs, alors que la conversion de nombreux domaines à l'électrique est indispensable à la transition énergétique. Sur LCI, Bruno Le Maire a d'ailleurs pointé le fait qu'il ne voulait pas "inquiéter" les Français. Il s'agit aussi d'un moyen de ne pas mettre l'accent sur des difficultés qui ne dépendent pas du contexte international, contrairement au gaz, mais des choix de la France sur le plan énergétique. 

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