Entreprises : comment financer son projet par le crowdfunding ?
Arnaud Montebourg a présenté mercredi 28 mai l'ordonnance déstinée à encadrer le crowdfunding. Le but : favoriser le financement participatif des entreprises. Francetv info vous explique comment ça marche.
Faire appel à "la foule" pour financer son projet, la formule gagnante ? Le ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, a présenté mercredi 28 mai l'ordonnance visant à assouplir le cadre législatif du crowdfunding. Les décrets d'application seront publiés en juillet prochain, pour une entrée en vigueur le 1er octobre 2014.
Apparu dans les années 2000, le crowdfunding (littéralement "financement par la foule") ne cesse de croître. En France, 78 millions d’euros ont été récoltés sur les différentes plateformes en 2013, soit trois fois plus que l’année précédente, selon une étude réalisée par CompinnoV (lien PDF), un cabinet de conseil pour le développement des entreprises, et l’association Financement participatif France. En 2020, ces montants pourraient atteindre 6 milliards d’euros en France, et près de 1 000 milliards de dollars au niveau mondial, selon Forbes (en anglais). Ce sont les entreprises qui devraient profiter le plus de cette forte croissance.
Vous souhaitez vous lancer dans le crowdfunding pour financer un projet ou pour lever des fonds ? Francetv info vous aide à débroussailler le terrain.
Quels sont les avantages du crowdfunding ?
Le crowdfunding est un moyen plus souple et plus rapide de lever des fonds par rapport aux banques ou aux fonds d'investissement, mais les montants espérés sont moins élevés. La démarche est aussi plus facile, les dossiers beaucoup moins complexes à monter.
C'est surtout un moyen de tester l'intérêt du public vis-à-vis de votre projet. "Avec sa grande communauté, Kiss Kiss Bank Bank nous a permis de donner de la visibilité à notre produit mais aussi à l'entreprise et aux autres projets que nous portons", se réjouit Sophie Tron, cofondatrice de l'entreprise Ticatag, qui a lancé en janvier une campagne de crowdfunding sur ce site pour son porte-clé Bluetooth ti'Be.
Quelle forme de financement choisir ?
Tout dépend de vos besoins et de votre projet. Le financement peut prendre trois formes.
Le don contre récompense. Vous fixez à l'avance le montant dont vous avez besoin, les internautes soutiennent votre projet pendant une période limitée. Si la collecte est une réussite, l'internaute financeur reçoit une récompense. La plupart du temps, il s'agit du produit qu'il a aidé à lancer, de produits dérivés et/ou d'une rencontre avec les porteurs de projet. Si la somme n'est pas récoltée dans le temps imparti, les dons sont remboursés intégralement aux participants.
Le prêt. Cette solution est encore peu connue car limitée par le cadre législatif actuel. Les rares sites qui offrent des prêts rémunérés doivent posséder un agrément d'établissement de crédit, très difficile à obtenir, délivré par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), ou établir des partenariats avec les banques. Néanmoins, certaines plateformes de crowdfunding proposent des prêts solidaires : l'argent est remboursé à l'internaute mais il ne touche pas d'intérêts.
L'investissement en capital (ou "crowdequity"). Selon la plateforme, l'internaute obtient des parts de l'entreprise et devient actionnaire, soit en direct soit via une holding. La holding rend la gouvernance de l'entreprise plus simple.
Comment bien sélectionner ma plateforme ?
Préférez un site internet qui fédère une large communauté. Il s'agira du premier réseau mobilisé pour financer votre projet. Choisissez votre plateforme selon votre secteur d'activité ou les services spécifiques proposés (conseils en marketing, en communication, services proposés par des partenaires...). Vérifiez les frais demandés par chacune des plateformes. Ils varient généralement entre 5 et 10% de la somme collectée.
Voici quelques-unes des plateformes de crowdfunding françaises :
- pour le prêt solidaire : Babyloan, Hello Merci, MicroWorld
- pour le prêt rémunéré : Prêt d'Union, Unilend, Spear
- pour le don : Kiss Kiss Bank Bank, Ulule, Reservoir Funds, Arizuka, MyMajorCompany, Bulb In Town...
- pour l'investissement : WiSeed, Smart Angels, Anaxago, Happy Capital, Finance Utile, Particeep...
Ensuite, dans la majorité des cas, les projets sont triés par les plateformes avant d'être mis en ligne afin de valider leur sérieux et leur crédibilité.
Quelle participation puis-je espérer ?
Pour le don. 1 000, 15 000, 50 000, 80 000 euros… les montants récoltés sont très variables et dépendent de votre projet ainsi que de la plateforme choisie. Ils sont encore très loin des sommes récoltées aux Etats-Unis. Sachez néanmoins que les contributions moyennes des internautes étaient de 64 euros en 2013, selon le baromètre du crowdfunding de CompinnoV. Chaque internaute donne peu, mais ce mode de financement est largement plus répandu que les autres puisque 95% des personnes qui ont soutenu un projet ont contribué via le don/contre-don.
Pour le prêt solidaire. "Il s’agit souvent de petits prêts autour de 5 000 euros, explique Quentin Bévan, responsable de la communication chez Babyloan, un site de microcrédit solidaire. On peut parfois monter jusqu’à 10 000 ou 15 000 euros, mais c’est plutôt rare." Selon Les Echos, qui s'est procuré la dernière mouture du projet d'ordonnance d'Arnaud Montebourg, "les prêts sans intérêt se retrouveront soumis aux mêmes limitations que les prêts onéreux".
Pour le prêt rémunéré. Les sommes sont généralement bien plus élevées que pour les prêts solidaires et visent des projets plus conséquents. Sur Unilend, une des rares plateformes françaises de prêts rémunérés, un entrepreneur peut faire une demande entre 20 000 et 250 000 euros, expliquent Les Echos. Les décrêts qui seront publiés en juillet fixeront le nouveau plafond de participation. En février, Fleur Pellerin annonçait qu'il s'élèverait à 1 000 euros maximum par personne pour un prêt total porté à un million d'euros maximum par startup (au lieu de 300 000 actuellement).
Pour l'investissement. Ce mode de financement permet de lever des sommes plus importantes, limitées actuellement à 100 000 euros. Le plafond devrait atteindre un million dès l'application de la nouvelle loi. Celle-ci devrait rendre aussi possible l'accès à un nombre illimité d'investisseurs et ouvrir ce financement aux SAS, sociétés par actions simplifiées (alors que seules les sociétés anonymes peuvent pour l'instant y prétendre). En 2013, les particuliers ont participé en moyenne à hauteur de 3 769 euros, selon le baromètre du crowdfunding.
Côté fiscalité, les sommes récoltées par le prêt ou l'investissement sont imposées de la même manière que les sommes récoltées de manière traditionnelle. Pour les dons, tout dépend du statut du porteur de projet. Les sommes peuvent être imposables en tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou en tant que bénéfices non commerciaux (BNC).
Comment mobiliser les internautes ?
Certaines plateformes de crowdfunding s'occupent de la communication. Dans d'autres cas, ce sera à vous de vous y coller. "Ça a été l'étape la plus difficile", confie Sophie Tron. La plupart des plateformes ne proposent pas d'accompagnement dans cette tâche.
"C'est la foule qui a son mot à dire. Dans 50% des cas, les projets qui sont mis en ligne ne sont pas financés. Mais on ne peut pas attendre que l’argent tombe une fois qu'on a posté l'annonce", explique Jean-Baptiste Sciandra, cofondateur de Reservoir Funds et de Crowdfunding Factory, un site dédié au conseil pour mener une bonne campagne.
Chercher des soutiens prend beaucoup de temps, comme le souligne cet article de 01net, et nécessite certaines compétences en community management. Il faut affiner son message, communiquer sur les réseaux sociaux mais aussi trouver les bons contacts, se rendre à des conférences, joindre les médias, etc.
Quels sont les risques pour l'entreprise ?
Comme pour n'importe quel entrepreneur, le risque est que le projet n'aboutisse pas. "L'échec d'une campagne de crowdfunding est aussi un échec en matière de communication et d'image pour l'entreprise", estime Sophie Tron.
Dans le cas du don, le risque est limité puisque si le montant recherché n'est pas atteint, les contributeurs sont intégralement remboursés et le projet ne voit pas le jour. "Pour lancer son projet, il faut bien définir les sommes dont on a besoin et tenir compte des contreparties", rappelle Nicolas Dehorter, blogueur, entrepreneur et fondateur du Guide du crowdfunding, un site d'information et de conseil. En cas de fort succès, il se peut que vous ne parveniez pas à honorer vos engagements envers vos contributeurs. "Un porteur de projet a fait faillite comme ça", se souvient le spécialiste.
Et pour les financeurs ?
En ce qui concerne les prêts, le risque pour les particuliers est de ne pas récupérer une partie ou la totalité de la somme engagée. "Le taux de remboursement atteint près de 90%, mais évidemment, le risque est toujours présent", atteste Nicolas Dehorter. Certaines plateformes, comme Babyloan, sont adossées à des institutions de microfinance (IMF) qui assurent une garantie contre les impayés.
L'entrée au capital est également risquée : les start-up ont souvent une durée de vie courte. Avec la nouvelle législation, les plateformes seront obligées d'informer les internautes sur les risques encourus. WiSeed estime que, sur sa plateforme, l'investisseur a une possibilité sur trois de ne jamais revoir son argent en raison d'une faillite et une chance sur cinq que la somme investie soit multipliée par dix ou plus. Le reste du temps, il récupérera sa mise ou un montant deux à trois fois plus important. Un risque supérieur à celui pris en investissant en Bourse, selon Les Echos.
Autre déconvenue possible : celle de voir le projet soutenu racheté à prix d'or sans en profiter. Nicolas Dehorter évoque la déception des particuliers qui avaient participé au financement en 2012 d'Oculus Rift sur Kickstarter, une plateforme de dons. La société, qui mise sur la réalité virtuelle, a été rachetée par Facebook pour deux milliards de dollars. Les contributeurs ont permis son développement et la regardent partir aujourd'hui, sans toucher un sou…
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