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Jean-Claude, Sandrine... pourquoi ces petits patrons ont manifesté contre le "racket" du RSI

Des milliers de commerçants, artisans et indépendants ont manifesté à Paris pour protester contre les dysfonctionnements de leur régime de protection sociale.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Travailleurs indépendants, commerçants et artisans manifestent, le 9 mars 2015, à Paris, contre les dysfonctionnements de leur régime de protection sociale, le RSI. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

Ils étaient 7 000, selon la police. Au moins le double, d'après les organisateurs. Commerçants, artisans et indépendants ont manifesté à Paris, lundi 9 mars après-midi, pour dénoncer les dysfonctionnements de la "sécu" des non-salariés : le régime de protection sociale des indépendants (RSI), qu'ils voient comme un "racket".

Répondant à l'appel de l'organisation Sauvons nos entreprises et d'une vingtaine d'autres, parmi lesquelles les Citrons pressés, les Pendus, les Bonnets rouges, ils ont marché du jardin du Luxembourg, jouxtant le Sénat, aux Invalides, non loin de l'Assemblée nationale, pour pousser les responsables politiques à agir en leur faveur. Dans le cortège, deux de ces manifestants ont raconté à francetv info comment le RSI perturbe leur vie.

Jean-Claude, épicier retraité : "C'est le plus gros bordel sur Terre"

Jean-Claude a quitté avant l'aube son petit village de Franche-Comté pour venir manifester dans la capitale. Ce commerçant à la forte carrure tenait l'épicerie de Brevilliers (Haute-Saône), près de Montbéliard. Mais quand le supermarché le plus proche a ouvert le dimanche, son magasin n'a pas résisté à la concurrence. Et Jean-Claude a dû déposer le bilan. "Cétait en 2008-2009", se souvient-il, alors que le cortège vient de dépasser la gare Montparnasse. Depuis, il a pris sa retraite. Et les ennuis ont continué.

Lui qui aura 65 ans le mois prochain perçoit une minuscule pension de 320 euros par mois, "après une vie bousculée". "J'ai tous mes trimestres mais ils ne sont pas tous comptabilisés", dénonce-t-il. "Certaines années, je n'ai que deux trimestres validés." Pour compléter cette maigre retraite versée par le RSI, il est devenu auto-entrepreneur dans la restauration. Compte tenu de ses faibles revenus, le RSI lui a proposé la CMU, la couverture maladie universelle. "Je n'en veux pas", rétorque-t-il.

Jean-Claude, épicier à la retraite, venu de Brevilliers (Haute-Saône) pour manifester à Paris, le 9 mars 2015, contre le RSI. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

Mais il y a pire. "Le RSI m'a réclamé 30 000 euros d'arriérés", raconte-t-il. Une somme qu'il a contestée. "Un employé du RSI de Franche-Comté est venu chez moi. On est resté une heure avec mon comptable à éplucher les chiffres. Ça s'est soldé à 6 000 euros." Mais la direction régionale du RSI à Besançon n'a pas validé l'accord. "Comme je suis assez pugnace, on a été au tribunal des affaires de sécurité sociale à Vesoul.  Après deux ans de procédure, le tribunal m'a condamné à payer 6 000 euros." 

La justice lui a demandé de payer en mensualités de 30 euros. Il en a ainsi pour plus de 16 ans et demi à rembourser. "J'ai déjà dit à mes enfants de ne pas toucher à l'héritage", plaisante-t-il. "Le RSI, c'est le plus gros bordel sur Terre", s'exclame-t-il, avant d'évoquer les cas tout aussi ubuesques de deux collègues. 

"Certains ne touchent pas ce qu'ils devraient, d'autres touchent plus. C'est vraiment un truc complètement débile. Pourtant, au conseil d'administration du RSI, ils sont des nôtres. Ils devraient nous comprendre. C'est pas absurde, ça ?" Combatif, le retraité a créé l'association Racailles pour défendre ses semblables. Et il promet de ne pas en rester à la mobilisation parisienne. Il annonce des manifestations tournantes devant les bureaux régionaux du RSI.  

Sandrine, fleuriste : "On n'a pas le droit d'être malade"

Sandrine arbore un chapeau fleuri sur l'esplanade des Invalides, où la manifestation se conclut. Cette fleuriste de 28 ans a quitté sa petite ville de Sérent (Morbihan), près de Vannes, dès potron-minet, pour venir manifester dans la capitale. Avec d'autres artisans et commerçants bretons, ils se sont cotisés pour payer l'autocar et le pique-nique. "Le RSI ne fait qu'augmenter. Et tout ça pour rien", dénonce-t-elle.

L'artisane a dû subir deux opérations, récemment. La première de l'estomac, la seconde "en urgence" de la vésicule biliaire. "Le RSI m'a envoyé un courrier pour me dire qu'il ne me versait rien. La raison ? 'Cause non médicale'." Sandrine n'a donc touché aucune indemnité, et n'a pas pu prendre ses deux mois d'arrêt maladie. Et elle a dû se mettre en congés non payés.

Sandrine, fleuriste à Sérent (Morbihan), manifeste le 9 mars 2015, à Paris, contre le RSI. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

La jeune femme, échaudée, en a tiré une leçon : "Il y a deux semaines, j'ai eu la grippe, j'étais au boulot avec 40 de fièvre. Je n'ai même pas cherché à demander un arrêt-maladie. Ça ne sert à rien." "On n'a pas le droit d'être malade", résume-t-elle. Mais pour autant, "fermer la boutique, c'est impossible." Car Sandrine a racheté son pas-de-porte il y a trois ans. Elle a aussi dû faire l'acquisition d'une camionnette pour ses livraisons. Et depuis, elle doit faire face aux frais qui s'accumulent. 

"Je gagne tout juste de quoi payer les charges, le crédit, les taxes et le RSI. Après, il ne me reste plus rien. Et encore, certains mois, je n'ai pas assez", se lamente-t-elle. "Quand je vends une plante, 70% de l'argent va à l'Etat et 30% à la boutique. Comment voulez-vous que je gagne ma vie avec ça ?" Elle s'en sort grâce au salaire de son conjoint : 1 200 euros par mois. "Parfois, je me dis que j'aurais mieux fait de ne pas racheter la boutique."

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