Urgences : "Il manque 10 000 aides-soignants, infirmiers, brancardiers et personnels d'accueil dans les services"
Les annonces de la ministre de la Santé n'ont pas convaincu l'Association des médecins urgentistes de France et son porte parole Christophe Prudhomme.
"C'est très insuffisant au regard de la crise que connaissent les urgences aujourd'hui", a réagi vendredi 14 juin sur franceinfo le docteur Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France après les annonces de la ministre de la Santé, pour calmer la colère des urgentistes, en grève depuis trois mois.
Agnès Buzyn débloque une enveloppe de 70 millions d'euros, dont 15 millions pour pouvoir recruter dès cet été. Pour Christophe Prudhomme, "la ministre a mis beaucoup de temps à répondre et quand elle répond, elle est en retard par rapport aux revendications".
franceinfo : Êtes-vous satisfait des premières annonces d'Agnès Buzyn après une rencontre avec les principaux syndicats des hôpitaux ?
Christophe Prudhomme : Une prime de cent euros, c'est toujours un premier effort, mais il n'y a que 15 millions d'euros pour les effectifs. Or, la première revendication porte sur les effectifs. 15 millions d'euros, c'est à peu près 350 emplois, à peu près un demi-poste par service d'urgence. C'est très en deçà de ce que l'on demande. Elle [Agnès Buzyn] a oublié une revendication qui est celle de la réouverture de lits, nous manquons de lits. Nous sommes à la veille de l'été et pour soulager immédiatement la charge de travail dans les services d'urgence, il faut éliminer ce qu'on appelle l'hospitalisation brancard, c'est-à-dire des patients qui restent dans les urgences, dont on doit s'occuper, faire leur toilette, leur donner à manger et les surveiller médicalement. C'est très insuffisant au regard de la crise que connaissent les urgences aujourd'hui. Certains ont parlé d'un plan Marshall pour les urgences et pour l'hôpital.
La ministre veut recruter, mais va-t-on pouvoir trouver des candidats ?
Dans les services d'urgences, on peut recruter des infirmiers et des aides-soignants. C'est ce dont nous avons besoin, encore faut-il que les conditions de travail et les rémunérations s'améliorent. C'est le serpent qui se mord la queue. Nous avons les infirmières les plus mal payées d'Europe. Pour les mettre au niveau de la moyenne européenne, il faudrait que les infirmières soient augmentées d'un minimum de 400 euros. Ne parlons pas des aides-soignantes qui sont payées une misère. Ces métiers deviennent de moins en moins attractifs, on est dans une spirale infernale de la régression. C'est quand même un service essentiel, les urgences, il faut que les efforts soient à la hauteur de l'enjeu. On a l'impression que la ministre a mis beaucoup de temps à répondre et quand elle répond, elle est en retard par rapport aux revendications.
Cette prime de risque de 100 euros par mois, c'est quelque chose de positif ?
C'est toujours satisfaisant, mais nous on demande 300 [euros]. Et puis, ce n'est pas une prime qui va régler le problème des effectifs. Ce dont nous avons besoin aux urgences, ce sont des effectifs supplémentaires et des lits. Nous demandons un moratoire sur toute fermeture de service et de lit, or madame Buzyn continue à donner des consignes aux agences régionales de santé, de fermer des lits dans les services de très nombreux hôpitaux. Entre le discours et la réalité sur le terrain, il y a de très grandes différences qui mettent mes collègues très en colère. Aujourd'hui, les gens sont épuisés, on demande des embauches massives. Il manque 10 000 aides-soignants, infirmiers, brancardiers ou personnels d'accueil dans les services d'urgence en France, et la ministre nous en propose 350. Cet été va être encore très difficile, l'hiver prochain également. C'est la crise en permanence aux urgences. Aujourd'hui, ce que nous demandons ce sont de vraies négociations et pas des shows médiatiques comme celui de ce matin où la ministre vient et fait de grandes annonces face à la presse.
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