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Vidéos Pots-de-vin, loyers démesurés, charges indues… Six séquences à retenir de l'émission "Cash Investigation" sur les HLM

L'émission présentée par Elise Lucet et diffusée lundi soir sur France 2 a enquêté sur le business des logements HLM. Elle révèle plusieurs pratiques abusives de la part des bailleurs sociaux.

Article rédigé par franceinfo
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Une carte postale d'époque représentant des HLM à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) dans les années 60. (LEEMAGE / AFP)

En France, dix millions de personnes vivent dans un HLM. Le logement social est devenu un juteux business pour de nombreuses entreprises, comme le montre l'enquête de "Cash Investigation", "Sociétés HLM : loyer modéré pour business démesuré", diffusée mardi 23 avril sur France 2. Un marché qui représente 21 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Franceinfo vous propose de revoir six séquences fortes de cette enquête édifiante.

1Quand une locataire dénonce la pratique des enveloppes

L'obtention d'un logement social est une affaire de patience. En France, il faut en moyenne trois ans d'attente. Le délai monte même à huit ans en Ile-de-France. Par conséquent, certaines personnes tentent de contourner le système en versant de l'argent pour obtenir un logement, dénonce Fatiha : "Au fur et à mesure que j'apprenais l'existence de pots-de-vin, j'apprenais qu'il y en avait un et deux et trois et puis le quatrième et puis le cinquième…"

Cette habitante de Cergy (Val-d'Oise) se dit révoltée par "l'exploitation de la misère" : "On leur a pris leurs économies, il y en a qui ont dû prendre un crédit, il y en a qui ont dû vendre leurs biens. Depuis quand on donne une enveloppe pour avoir un logement social ? Il est où le social ? Il n'y a plus de social."

2Quand un autre raconte comment il a "acheté" sa place

Elyamine vit dans un deux-pièces de 46 m2 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Mais, pour l'obtenir, il a été contraint de contourner le système. Avant, il vivait de petits boulots pas toujours déclarés et dormait dans sa voiture – difficile dans ces conditions d'accéder à une location. Un client lui a alors fait une proposition : un appartement HLM contre une enveloppe. "Il m'a dit de ne pas m'inquiéter, qu'il allait faire le dossier et que je devais donner 3 000 euros", témoigne Elyamine

Pour ce tarif, l'homme se charge donc de constituer un dossier avec de fausses fiches de paye. Sur le papier, Elyamine devient chef de travaux avec un salaire de 2 700 euros par mois : "Je ne les ai jamais touchés… même dans mes rêves." Elyamine est ensuite mis en contact avec la chargée de clientèle pour Aubervilliers au sein de l'Immobilière du Moulin Vert. Rendez-vous est pris pour déposer le dossier. Elle ne pose aucune question alors que, selon l'avis d'Elyamine, elle savait très bien que ce dossier était faux.

3Quand la direction de l'Immobilière du Moulin Vert reconnaît des faits de corruption

L'organisme HLM de Fatiha et Elyamine se nomme l'Immobilière du Moulin vert, un bailleur social privé basé à Paris et qui réalise 56 millions d'euros de chiffre d'affaires avec un parc de 8 000 logements répartis dans 64 villes. Au Moulin Vert, un réseau de rabatteurs, de gardiens, de chargés de clientèle aurait touché des enveloppes en liquide pour fournir des logements sociaux. Selon les calculs de "Cash Investigation", 100 000 euros auraient été versés par une trentaine de familles.

Pour parvenir à faire accepter le dossier, le chargé de clientèle doit encore convaincre la commission d'attribution des logements, composée (en théorie) de six membres minimum. Il semble donc difficile de contourner la loi. La direction de l'Immobilière du Moulin Vert reconnaît pourtant l'existence de faits de corruption, estimant qu'il s'agit d'agissements de personnes isolées au sein de l'entreprise : "Les dossiers falsifiés sont passés en commission d'attribution des logements soutenus par le chargé de clientèle (…) On ne peut pas vérifier le travail de chacun, ce n'est pas possible."

4Quand Elise Lucet court derrière le patron de l'Immobilière du Moulin Vert

Pour obtenir des réponses, "Cash Investigation" se tourne vers l'Immobilière du Moulin Vert. La consigne a été donnée de ne pas parler aux journalistes. Elise Lucet se rend alors avec son équipe à l'inauguration de logements HLM où doit se rendre Fabrice Grandclerc, le dirigeant du bailleur social. Mais il préfère partir en courant pour ne pas répondre aux questions des journalistes.

5Quand la direction du Moulin Vert se justifie sur le montant élevé de ses loyers

Un autre problème pointé du doigt par "Cash Investigation" concerne le montant des loyers des HLM de l'Immobilière du Moulin Vert, qui ne sont pas toujours si modérés. L'émission retourne voir Elyamine, qui paye 839,35 euros pour son deux-pièces de 46 m2 à Aubervilliers. Il assure avoir découvert ce montant à la signature du bail : "Au début je payais, et après j'ai compris que ce n'était pas normal." Avec son salaire, il est incapable d'honorer son loyer et doit plus de 10 000 euros au Moulin Vert. Il est aujourd'hui menacé d'expulsion.

Le montant de ces loyers s'explique par le fait qu'il s'agisse de HLM de type PLS (prêt locatif social), une catégorie adaptée aux classes moyennes, et très rentable pour les bailleurs sociaux. L'Immobilière du Moulin Vert a massivement investi dans ce type de HLM à Aubervilliers. Le bailleur social a finalement accepté une interview et répond à cette question des loyers : "Cela fait partie des mesures anti-ghetto de l'Etat, notre mission est de faire de la mixité sociale."

6Quand un bailleur rembourse 146 000 euros à une locataire marseillaise

Changement d'ambiance pour l'enquête de "Cash Investigation". Elle part à la rencontre de locataires marseillais qui ont obtenu des remboursements de charges de la part de leur bailleur social. Au total, 750 locataires ont perçu 3,5 millions d'euros de leur bailleur, la Sogima. Pendant des années, cet organisme a perçu des charges trop élevées de la part de ses locataires. Chadia Tachouaft a reçu une proposition de 54 000 euros pour le remboursement de ses charges, mais cela correspond à trois fois moins que ses calculs.

Chadia se rend à la Sogima pour négocier. Au cours de la conversation, la proposition monte à 88 000 euros, mais cela reste insuffisant. "Vous dites que vous faites des efforts, mais pour nous, c'est de l'argent qui a été indûment pris, explique la locataire à son interlocutrice. Vous faites un effort, mais pour moi, il n'est pas conséquent. Si vous voulez qu'on reparte dans des débats, des procédures, il n'y a pas de problème." Finalement, Chadia obtient gain de cause et la somme grimpe à 145 600 euros. 

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