Logement : que sont devenues les promesses de Sarkozy ?
Eric Cantona veut mettre la crise du logement au cœur de la présidentielle de 2012. Mais qu'a fait Nicolas Sarkozy, qui avait promis de s'y attaquer dès 2007?
"Que des gens soient obligés de faire d'énormes sacrifices - sur l'éducation de leurs enfants, parfois même sur leur santé - pour se loger, c'est inacceptable", estime Eric Cantona dans Libération mardi 10 janvier. L'ex-footballeur s'engage dans la campagne présidentielle pour faire de la crise du logement une question prioritaire.
Dès la précédente élection, Nicolas Sarkozy avait placé l'immobilier au cœur de sa campagne. Il voulait transformer la France en un pays de propriétaires et s'attaquer pour de bon à l'explosion des loyers : "Depuis des années, on vous dit qu'on ne peut rien contre la crise du logement, et on laisse s’aggraver une pénurie qui a rendu la propriété impossible pour beaucoup d'entre vous et la location de plus en plus difficile." Ces promesses ont-elles été tenues ?
• Une lutte vaine contre "la crise du logement"
Lutter contre la hausse exponentielle des prix de l'immobilier et des loyers, faciliter l'accès au logement... Ces promesses figuraient en bonne place dans le programme du candidat Sarkozy.
La construction de logements en berne. "Il faut d’abord inciter à la construction de logements pour faire baisser les prix", préconisait Nicolas Sarkozy en 2007. Là encore, la réalité n'a pas suivi le discours, car la crise est passée par là. Même si depuis, les constructions de logements neufs remontent, les mises en chantier sont moins nombreuses en 2011 qu'elles ne l'étaient en 2007.
Le droit au logement opposable "pas pleinement assuré". "Je veux que le droit au logement soit opposable devant les tribunaux, afin que les pouvoirs publics soient obligés d’agir pour assurer la construction d’assez de logements dans toute la gamme des besoins", déclarait Nicolas Sarkozy. Il s'agit là d'une mesure qui a été définitivement votée en mars 2007, avant son arrivée à l'Elysée.
C'est donc sous son autorité que le droit au logement opposable (Dalo) a été mis en œuvre. Ce droit permet à toute personne ayant fait une demande de logement et n'ayant pas reçu de proposition adaptée de saisir la justice. Le dernier rapport officiel du Comité de suivi de la mise en œuvre du Dalo, publié en décembre 2010, a adressé un "message d'alerte" au gouvernement. "Force est de constater que le droit n'est pas pleinement assuré", notent les rapporteurs.
Suppression de la caution et du dépôt de garantie : promesse quasi tenue. "Je faciliterai la location en supprimant l’obligation de caution et de dépôt de garantie. En contrepartie, les propriétaires seront protégés contre les risques d’impayés de loyers", assurait Nicolas Sarkozy en 2007.
Cette promesse a en grande partie été tenue. Dès la fin 2007, le gouvernement a annoncé le passage du dépôt de garantie de deux mois à un mois de loyer. Une somme qui peut d'ailleurs être prise en charge par le biais d'une "avance loca-pass".
Quant à la caution solidaire, depuis 2009, elle ne peut plus être demandée par un bailleur qui a souscrit une assurance garantissant les obligations locatives du locataire, sauf en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti.
Mais il reste difficile de savoir si ces mesures ont réellement contribué à "faciliter la location".
La réforme contestée de l'hébergement d'urgence. "Je réformerai l’hébergement d’urgence, pour qu’il soit digne et permette la réinsertion", clamait le candidat Sarkozy en 2007. Mais la réforme n'est pas allée dans le sens espéré par les associations.
Quelques mois après avoir pris ses fonctions, en 2009, le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, a présenté ses nouvelles orientations pour l'hébergement d'urgence. Il a ainsi été décidé que la priorité serait donnée "au logement des personnes, sans nécessairement passer par un hébergement". C'est la politique du "logement d'abord", au détriment des crédits alloués au Samu social. Une orientation dénoncée par plusieurs associations et qui a abouti en juillet 2011 à la démission de Xavier Emmanuelli, président historique du Samu social.
• L'échec de la "France de propriétaires"
En 2007, la France comptait 15,6 millions de propriétaires de leur résidence principale, soit 57,5 % des ménages. Deux ans plus tard, en 2009, la proportion était de 57,9 %. Une augmentation de 0,4 point, semblable à celle qui est observée tous les deux ans depuis 1999. Mais il est difficile de tirer des conclusions à partir de ce chiffre qui porte sur moins de deux ans de pouvoir.
Quoiqu'il en soit, la France reste loin de la moyenne européenne (65 %), à la 22e place sur les 27 pays de l'Union européenne. Et encore plus loin de "la France à 70 % de propriétaires" évoquée en 2008 par Christine Boutin, alors ministre du Logement.
La volonté du président de la République s'est donc soldée par un échec. Pourtant, depuis 2007, plusieurs mécanismes ont été mis en place pour favoriser l'accession à la propriété.
Des avantages fiscaux souvent remaniés, puis abandonnés. "Je vous permettrai notamment de déduire de votre impôt sur le revenu les intérêts de votre emprunt immobilier", avait promis Nicolas Sarkozy en 2007. Promesse très vite tenue... puis abandonnée.
La mesure faisait partie du "paquet fiscal" voté en 2007 : elle permettait à l'acquéreur de sa résidence principale de bénéficier d'un crédit d'impôt de 40 % des intérêts la première année, puis de 20 % les quatre années suivantes. Mais les banques n'ont pas joué le jeu, rechignant à tenir compte de ces abattements pour accorder des prêts.
Après plusieurs modifications, ce crédit d'impôt a fini par être supprimé, remplacé par un prêt à taux zéro (PTZ+) pour les accédants à la propriété. Mais ce mécanisme a lui aussi fait long feu. Le plan de rigueur présenté par François Fillon en novembre 2011 prévoit en effet la fin du PTZ+ pour les logements anciens. Et le plan acte la fin du dispositif Scellier, ce qui pourrait fortement décourager l'investissement locatif et conduire... à une hausse des loyers.
Quant à la "maison à 15 euros par jour" proposée en 2008 par Christine Boutin, elle a connu de nombreuses et complexes difficultés de mise en œuvre sur le terrain avant d'être elle aussi abandonnée fin 2010. "Pour les ménages les plus modestes, les responsables politiques inventent des leurres ou des substituts à l’accession sociale à la propriété", tacle le rapport 2011 de la Fondation Abbé-Pierre (fichier PDF) à propos de ces maisons à 15 euros, dont "l'écho médiatique a sans aucun doute été plus fort que leur impact sur la réalité".
Le difficile rachat du parc HLM par ses locataires. C'était l'autre levier sur lequel comptait Nicolas Sarkozy en 2007 : "Je permettrai aux habitants du parc HLM de racheter leur logement afin de se réapproprier la vie de leur quartier."
Quatre ans plus tard, le nombre de HLM vendus chaque année à leurs locataires a fortement augmenté (4 500 en 2008, 7 000 en 2010). Mais on est loin des 40 000 logements espérés par le gouvernement au début du quinquennat.
Au final, l'accession à la propriété a donc connu un sérieux coup de mou durant la mandature de Nicolas Sarkozy. Pour autant, ce retard n'illustre en rien la bonne ou la mauvaise santé économique de la France, pas plus que le niveau de vie de ses habitants : au niveau européen, l'Allemagne est bonne dernière du classement (46 % de propriétaires), tandis que les taux atteignent plus de 80 % dans certains pays d'Europe de l'Est.
Dans son rapport, la Fondation Abbé-Pierre qualifie cette orientation politique de "discutable", estimant que la volonté de faire une "France de propriétaires" repose sur des postulats "erronés" et qu'elle génère des inégalités.
Alors, quel constat ?
Après quatre années de pouvoir, le bilan de Nicolas Sarkozy est donc mitigé. Après un fléchissement dû à la crise en 2008-2009, le prix des logements à l'achat a repris sa progression tambour battant, surtout à Paris, malgré une baisse du nombre de transactions. Côté loyers, en hausse continue depuis plusieurs années, la situation n'est guère plus brillante. Et l'immobilier risque de souffrir en 2012 : les mesures de rigueur devraient ralentir l'accès au crédit. La "France de propriétaires" est encore loin.
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