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Impôt mondial minimal sur les sociétés : "Cela lance le ménage contre les paradis fiscaux", selon l'économiste Henri Sterdyniak

"L'intérêt pour la France, c'est avant tout d'éviter que les multinationales installées en France ne transfèrent des fonds vers des pays à fiscalité plus satisfaisante", estime sur franceinfo l'économiste.

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Le ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, est accueilli par le chancelier de l'Échiquier britannique, Rishi Sunak, lors de la réunion des ministres des Finances du G7 à Lancaster House, au centre de Londres, le 4 juin 2021. (STEVE REIGATE / AFP)

Un impôt mondial minimum a été conclu samedi 5 juin entre les ministres des Finances du G7. À l'issue d'une réunion de deux jours à Londres, les ministres ont annoncé une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, particulièrement les géants du numérique.

"Cela lance le ménage contre les paradis fiscaux", a affirmé sur franceinfo Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE et membre des Économistes atterrés.
Pour que cet accord fonctionne, "il faut tordre le bras à un certain nombre de pays qui sont des paradis fiscaux", note Henri Sterdyniak. Selon lui, il y a notamment "un grand ménage à faire" même en France. Il cite Renault qui a "préféré mettre une partie de ses sièges sociaux aux Pays-Bas."

franceinfo : Est-ce que cet accord va mettre fin au dumping fiscal, comme l'a affirmé Bruno Le Maire ?

Henri Sterdyniak : La concurrence fiscale et l'optimisation fiscale vont être moins rentables. Il y a un taux plancher de 15% qui a été décidé. Mais vous remarquerez qu'il y a une marche entre les 15% et les 25%, qui est le taux d'imposition sur les sociétés en France, qui devient une moyenne dans beaucoup de pays. Donc il y a encore une petite marge, moins intéressante, pour l'optimisation fiscale et la concurrence fiscale. L'enjeu, c'est de réussir à l'augmenter, puisqu'il n'y a aucune raison pour qu'une grande société multinationale paie 15% sur les profits qu'elle ferait en France, alors qu'une entreprise française paierait 25%. Donc il y a toujours un écart qui persiste. C'est pour ça qu'il aurait été sympathique d'avoir un accord à 25%, et même peut-être plus. Puisqu'il faut se rappeler que ces grandes sociétés multinationales sont très riches et font beaucoup de profits. Donc elles peuvent supporter un taux plus élevé.

S'il faut qu'un maximum de pays signent cet accord, est-ce que 25% ce n'est pas trop ?

Le fait est que, pour que cet accord fonctionne, il faut tordre le bras à un certain nombre de pays qui sont des paradis fiscaux, comme l'Irlande, et des pays qui organisent l'optimisation fiscale, comme les Pays-Bas, comme Malte, comme Chypre. Et puis, il y a toutes les dépendances de la Grande-Bretagne, les îles Caïman, les îles Anglo-Normandes. Tous ces pays, il faut leur tordre le bras. Soit ils taxent à 15%, soit les fonds qui vont aller dans ces pays, la France ou d'autres pays auront le droit de les taxer à 15%. Donc, c'est conflictuel.

"On engage un combat contre un certain nombre de paradis fiscaux réglementaires."

Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE

à franceinfo

Il va falloir aussi convaincre l'Asie. Est-ce que c'est possible que des pays comme la Chine augmentent leurs taux d'imposition ?

Oui. D'abord, la Chine a un taux d'imposition de 20%. Ce n'est pas là vraiment le problème. Et puis, les pays asiatiques, les pays en développement, ont tout à fait le droit de taxer les multinationales qui opèrent sur leur territoire. Donc ils peuvent bénéficier eux aussi de la mesure. Il faut bien voir qu'il y a deux piliers. Les États-Unis ont accepté le pilier 1, c'est-à-dire le fait qu'ils vont partager le droit de taxer les multinationales, en contrepartie du pilier 2, qui est qu'ils pourront taxer les profits faits par les entreprises américaines à l'étranger. Donc, c'est un compromis pour les États-Unis, mais cela peut être une bonne chose pour les pays en développement s'ils réussissent à obtenir le droit de taxer les multinationales qui opèrent dans leur pays, et en particulier un certain nombre de multinationales françaises qui opèrent en Afrique.

Est-ce que même à 15%, cela peut être intéressant pour la France pour attirer des sièges de multinationales sur son sol ?

L'intérêt pour la France, c'est avant tout d'éviter que les multinationales installées en France ne transfèrent des fonds vers des pays à fiscalité plus satisfaisante. Par ailleurs, la mesure rend moins intéressant le transfert des sièges dans les autres pays. En particulier, il va falloir être très vigilant sur les Pays-Bas et la Belgique qui ont des dispositifs qui permettent aux multinationales d'échapper à l'impôt. Et une fois qu'on aura fait disparaître tous ces dispositifs, les multinationales pourront avoir leur siège en France. On a vu que Renault, par exemple, entreprise soi-disant prétendue française, a préféré mettre une partie de ses sièges sociaux aux Pays-Bas, justement parce que les Pays-Bas sont un paradis réglementaire. Il y a un grand ménage à faire. Et cet accord lance le ménage contre les paradis fiscaux et les paradis réglementaires.

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