Si vous n'avez rien compris à l'écotaxe
Issue du Grenelle de l'environnement en 2009, l'écotaxe suscite une levée de boucliers, à trois mois de son application. Francetv info vous dit tout de cette taxe polémique.
Seine-Maritime, région parisienne et Bretagne : mardi 22 octobre, les actions d'agriculteurs en colère se multiplient contre l'écotaxe. Cette taxe poids lourds, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2014, cristallise les inquiétudes du monde agricole et fait enrager les compagnies de transport et leurs clients. La taxe polémique était pourtant dans les tuyaux depuis 2007.
D'où vient cette écotaxe ?
La "taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises" (ou "écotaxe poids lourds") a été décidée en 2009, à l'issue du Grenelle de l'environnement, initiative de Nicolas Sarkozy dans la lignée de la signature, en 2007, du Pacte écologique de la Fondation Nicolas Hulot.
Le texte a été voté à l'Assemblée par 59 voix pour, 14 contre et trois abstentions, au mois d'avril. Le PS, les écologistes et les radicaux de gauche l'ont soutenu, l'UMP et le Front de gauche se sont prononcés contre, tandis que les centristes se sont abstenus.
A quoi sert-elle ?
Elle instaure une taxe sur tous les camions de plus de 3,5 tonnes, quelle que soit leur nationalité, à partir du moment où ils empruntent certaines routes : 10 000 km d'autoroutes et routes nationales (non payantes), et 5 000 km de départementales ou communales sont concernés.
Pour fonctionner, il faut que chaque poids lourd soit enregistré auprès d'une société habilitée de télépéage ou d'Ecomouv', chargée par l'État de la mise en œuvre et de la collecte de l'écotaxe. Ils seront munis de boîtiers GPS qui leur permettront de "pointer" via des portiques installés sur l'ensemble des routes taxables, tous les quatre kilomètres environ. Le montant à payer dépendra de la distance parcourue, mais aussi du poids et de l'âge du véhicule. Plus le camion est lourd et vieux, plus il lui coûtera.
L'objectif : inciter les entreprises à privilégier des modes de transport moins polluants et des circuits plus courts pour leurs marchandises
Qui doit payer et combien ?
Selon des fédérations de transporteurs, le coût du transport routier est actuellement compris entre 1,20 et 1,30 euro le kilomètre. L'écotaxe devrait engendrer un surcoût de 13 centimes, selon le ministère de l'Ecologie. Le transporteur ne paie rien mais devra facturer le coût de l'écotaxe à ses clients, via une majoration forfaitaire dont le taux varie en fonction des régions : de 2,10% en Languedoc-Roussillon à 7% en Ile-de-France. Lorsqu'un camion traverse plusieurs régions, un taux national moyen de 5,2% est appliqué.
Au total, l'écotaxe représentera une augmentation du prix du transport de l'ordre de 4,1%, estime le ministère. De quoi, espère-t-il, inciter au changement. Mais les clients pourraient être tentés de répercuter son impact sur le prix à la vente des marchandises. "Il est donc possible que le prix final des produits transportés par la route augmente légèrement, concède le ministère. Mais comme la part moyenne du transport dans les prix aux consommateurs des marchandises est d’environ 10%, une majoration moyenne de 4,1% sur 10 % ne sera que très peu perceptible", promet-il.
Combien va rapporter l'écotaxe ?
L'écotaxe doit rapporter 1,1 milliard d'euros par an. Quelque 760 millions d'euros seront reversés à l'Etat, destinés à la construction, notamment, de voies ferroviaires et fluviales. Ces moyens de transport sont moins polluants mais demandent de lourds investissements. Ainsi, assure le ministère, l'écotaxe devrait avoir des effets bénéfiques sur l'emploi dans le secteur des travaux publics des régions concernées.
Les collectivités toucheront par ailleurs environ 160 millions d'euros pour l'entretien du réseau routier, et 250 millions serviront à la gestion de l'écotaxe.
Pourquoi certaines régions y sont-elles hostiles ?
Les Bretons, eux, y sont farouchement opposés. Là où les autoroutes sont gratuites et les distances plus longues, les trajets seront aussi plus chers. Surtout, l'instauration de cette taxe se fait dans un contexte de difficultés économiques pour le secteur de l'agroalimentaire dans la région.
Il suffit de réaliser une estimation sur le site d'Ecomouv' pour le constater : un 38 tonnes qui va de Brest (Finistère) à La Roche-sur-Yon (Vendée) fait environ 365 km. Sur 3h50 de trajet, il en passe trois sur des routes taxables et doit s'acquitter de près de 28 euros au titre de l'écotaxe. A l'inverse, un même camion ne paiera qu'une dizaine d'euros pour aller de Villepinte (Seine-Saint-Denis), à Mâcon (Saône-et-Loire), quand bien même il effectue un trajet plus long (422 km) : seuls 76 km sont parcourus sur des routes taxables.
Mais pour limiter cette inégalité, les régions excentrées disposent d'un abattement : 30% en Aquitaine et Midi-Pyrénées, 50% en Bretagne. Le 38 tonnes parti de Brest arrive donc à La-Roche-Sur-Yon avec 14 euros au compteur. Autre coup de pouce : le dispositif a exclu la RN 164 du réseau taxable, le principal axe est-ouest local.
Que craignent les agriculteurs ?
L'écotaxe n'impactera pas seulement les géants de la distribution, dénoncent les agriculteurs. Les animaux et produits français seront taxés plusieurs fois, tandis qu'un produit importé ne le sera qu'une fois, argumentent-ils. Par exemple, un poulet sera taxé lors du transport du poussin vers le lieu d'élevage, puis du transfert de l'élevage vers l'abattoir, puis vers les centres logistiques et enfin le magasin. Même chose pour l'alimentation animale.
Par ailleurs, un produit transporté d'un département à un autre, voisin, sera taxé, tandis que celui qui parcourt de longues distances via les autoroutes ne le sera pas, expliquent-ils, battant en brèche l'argument en faveur des transports de proximité.
Que répond le gouvernement ?
En réponse à la grogne, Frédéric Cuvillier a assuré que le dispositif aura un "impact économique limité" et ne créera pas de concurrence déloyale avec les concurrents européens de la France. Plusieurs d'entre eux, comme l'Allemagne et la Suisse, ont d'ailleurs déjà instauré une telle taxe.
En ce qui concerne le cas breton, le ministre chargé des Transports assure que l'écotaxe acquittée par la région sera limitée à 42 millions d'euros, soit moins de 4% du montant prélevé à l'échelle nationale. La Bretagne devrait recevoir en retour, grâce à un système de péréquation, 135 millions d'euros chaque année pour l'amélioration de ses infrastructures de transport, souligne-t-il. Des arguments qui n'empêchent pas des ténors bretons du PS de demander un moratoire sur l'écotaxe.
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