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Contamination à l'arsenic : des taux anormalement élevés trouvés "chez des adultes qui vivent six mois par an à Conques-sur-Orbiel"

Quatre nouveaux cas d'enfants contaminés à l'arsenic ont été détectés la semaine dernière près de Salsigne, dans l'Aude, mais d'autres enfants et des adultes de la vallée de l'Orbiel seraient aussi concernés, explique Frédéric Ogé, spécialiste des sols pollués. 

Article rédigé par franceinfo
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Le site de l'ancienne mine d'or et d'arsenic de Salsigne, le 4 mars 2019.  (ERIC CABANIS / AFP)

Alors que quatre nouveaux cas d'enfants intoxiqués ont été enregistrés, mercredi 3 juillet, dans les communes de Mas-Cabardès et de Lastours, à proximité de l'ancienne mine d'arsenic de Salsigne, d'autres enfants en "en aval, à Conques-sur-Orbiel, seraient également impactés" a expliqué sur franceinfo Frédéric Ogé, chercheur retraité du CNRS et spécialiste des sols pollués. Des taux anormalement élevés d'arsenic ont aussi été détectés "chez des adultes en région parisienne qui passent six mois par an à Conques-sur-Orbiel" précise-t-il. Face à l'inquiétude de la population, l'Agence régionale de Santé organise une réunion publique ce lundi 8 juillet, dans la vallée de l'Orbiel.

Frédéric Ogé estime de son côté qu'il y a "10 millions 200 000 tonnes de produits toxiques" dans l'Aude. Interrogé sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour protéger les enfants et les habitants, le chercheur estime qu'"on n'y est pas encore".

franceinfo : Est-ce qu’il y a, selon vous, un fort motif d’inquiétude ?

Frédéric OgéOui parce que ce ne sont pas seulement les enfants de Lastours et de Mas-Cabardès qui sont concernés. Des enfants en aval, à Conques-sur-Orbiel, seraient également impactés d’après les informations parcellaires que j’ai reçues.

D'après vous, va-t-on détecter des taux anormalement élevés d’arsenic chez d’autres habitants de la vallée ?

C'est possible. On en a déjà trouvé, par analyses d'urine et de sang, chez des adultes en région parisienne qui passent six mois par an à Conques-sur-Orbiel. Le problème, c’est qu’il n’y a pas que de l’arsenic sur le territoire. Il y a du cobalt, du cadmium, de l’antimoine, du manganèse, du plomb, du nickel, très certainement du lithium, du radium et peut-être même des PCB (les polychlorobiphényles sont classés parmis les polluants organiques persistants). Il y a aussi eu une décharge chimique liée à l’exploitation minière mais aussi à des entreprises, qu’on pourrait qualifier de type mafieux, et qui se sont implantées ici à une époque pour utiliser de façon éhontée un four "water-jacket" qui était le plus grand four du monde.

Existe-il un lien avec les inondations de l’automne ?

La pollution était déjà là, mais ces inondations ont servi de déclencheur. Les stocks pollués de produits toxiques représentent, selon mon estimation, 10 millions 200 000 tonnes de produits toxiques, c’est-à-dire l'une des plus grandes décharges chimiques du monde, un Tchernobyl chimique. Ces stocks ont été lixiviés par les inondations qui ont été très importantes. Tout cela s’est remis en mouvement vers l’aval, s'est asséché et maintenant cela donne des poussières qui représentent un danger.

Quels sont les risques sanitaires ? Peut-on développer des maladies si on est intoxiqué à l'arsenic ?

Tout simplement à la fin, ça peut conduire à la mort. Le problème se pose en particulier pour les enfants et les femmes enceintes car ces personnes-là absorbent beaucoup plus ce type de produits. On peut avoir des molécules d’arsenic qui peuvent à terme déclencher un cancer à 5 ans, à 10 ans, à 20 ans... On a des problèmes de cancer avec le zinc, le chrome, le nickel, le sélénium. Le problème, c’est aussi l’effet cocktail. Qu’est-ce que ça donne arsenic plus cobalt ? Arsenic plus antimoine ? C’est très difficile à savoir parce qu’on a peu d’études.

Des mesures ont été mises en place, notamment des tests d’urine chez les habitants, des fermetures d’aires de jeux et terrains sportifs pour protéger les enfants. Ces mesures sont-elles à la hauteur de vos inquiétudes ?

Cela fait des mois que la sonnette d’alarme est tirée mais les arrêtés préfectoraux ont été pris la semaine dernière. Il vaut mieux trop tard que jamais, mais je pense qu’on n’y est pas encore. Dès six ans et demi, les parents ne sont plus remboursés pour d’éventuelles analyses. Il y a aussi tous les adultes qui vivent dans la vallée, environ 10 000 personnes, 20 000 si on élargit le périmètre. Il y a également tous les bénévoles, les pompiers, les gendarmes, les hommes de la protection civile qui sont venus travailler dans les boues de cette région pendant deux mois, entre le 15 octobre et le 15 décembre. Ils ne savent pas et on ne sait pas. Il faut recenser toutes les personnes qui sont venues sur cette zone et qui ont été en contact avec les boues. 

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