: Vidéo "J'ai encore des douleurs infectes la nuit" : le documentaire "Nous les ouvriers" met en lumière la destruction des corps des travailleurs
"Si on te met à la retraite à 50 ans, ce n'est pas pour te faire plaisir. C'est parce que tu es foutu." Les mots (et maux) d'Aimable Patin, mineur pendant près de trente ans, racontent une vie de labeur. Les heures passées à l'ouvrage, à trimer, ont peu à peu détruit les corps. Ces vies sont racontées avec finesse dans le documentaire Nous les ouvriers, réalisé par Fabien Béziat et Hugues Nancy. Diffusé mardi 10 octobre sur France 2, le film revient, à grand renfort d'images d'archives, sur le rôle majeur de ces travailleurs, au prix de grands sacrifices, depuis les débuts de l'industrialisation.
Ces hommes et femmes évoquent leurs luttes, leurs espérances et leurs conditions de travail. Ils plongent les téléspectateurs dans un univers souvent invisibilisé, même si les silhouettes d'ouvriers ont été les premières à être immortalisées en 1895 par les caméras des frères Lumière, inventeurs du cinématographe.
Des chiffres qui restent effrayants
Mines, usines de textile, sites de sidérurgie ou chaînes de production automobiles... Quels que soient les secteurs dans lesquels évoluent les ouvriers, ces derniers sont exposés aux charges lourdes, aux poussières et autres produits chimiques. Christian Corouge, aujourd'hui retraité, était chargé de la "garniture", nom donné à la pose de revêtements en tissus à l'intérieur des voitures Peugeot dans l'usine de Sochaux (Doubs). Pour lui, le terme "pénibilité" n'est pas un vain mot. "Avec la garniture, les médecins du travail disaient : 'Au bout de six ans, tu auras une articulation usée.' Quand tu y restes 25 ans, ce n'est plus de l'usure. Tu vis avec les restes", confie l'ex-ouvrier dans le film. "Quand un mineur arrive à 55 ans, c'est que c'est un robuste", poursuit Aimable Patin.
Les difficultés liées aux conditions de travail ne s'arrêtent pas aux portes des usines. Elles entrent dans les foyers et ont une incidence sur la vie quotidienne, comme l'explique Christian Corouge. "Moi, c'était surtout le mal de mains (...) J'ai encore des douleurs infectes la nuit."
"C'est presque de l'humiliation de me dire que mes conditions de travail arrivent à influer sur ma vie sexuelle, ma vie sentimentale, ma vie avec mes enfants."
Christian Corouge, ancien ouvrier chez Peugeotdans le documentaire "Nous les ouvriers"
Surtout, la fréquence des accidents du travail qui endeuillent le monde ouvrier interpelle. Aujourd'hui encore, en France, près de deux personnes meurent chaque jour en moyenne à cause d'un accident professionnel, selon l'Assurance-maladie. Une campagne de prévention des accidents du travail a été lancée le 25 septembre pour alerter l'opinion publique.
Le documentaire Nous les ouvriers, réalisé par Fabien Béziat et Hugues Nancy est diffusé mardi 10 octobre sur France 2 à 21h10 et sur la plateforme france.tv.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.