Le groupe LVMH de l'homme d'affaires Bernard Arnault s'est offert le joaillier italien Bulgari
Bulgari, maison fondée en 1884 et basée à Rome, a été créée par une famille d'orfèvres grecs émigrés en Italie. C'est l'un des grands noms de la joaillerie-horlogerie (66% de son activité) dans le monde.
Selon des sources concordantes, "beaucoup d'acteurs du luxe étaient intéressés par la griffe italienne", dont le groupe suisse Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels ou Mont Blanc), et le groupe français PPR (Boucheron, Gucci etc.).
Le géant du luxe doublera son chiffre d'affaires dans l'activité joaillerie-horlogerie
Cette acquisition, soulignent les analystes, permet au géant mondial du luxe de doubler son chiffre d'affaires dans l'activité joaillerie-horlogerie en 2011 qui pourrait atteindre 1,8 milliard d'euros contre 985 millions en 2010. Elle représenterait alors 8,5% du total des activités du groupe, contre 4,85% actuellement.
"Avec Bulgari, nous allons pouvoir devenir un véritable challenger de Cartier", a indiqué une source proche du dossier, évoquant une "opportunité rare et stratégique".
LVMH, qui détient déjà Chaumet, Fred et est à 50/50 avec le sud-africain De Beers dans ses boutiques, nourrit de fortes ambitions dans la joaillerie, après l'horlogerie (Tag Heuer, Hublot, etc).
François Arpels, de la banque d'affaires Bryan Garnier, juge que "LVMH n'avait pas pour l'instant de véritable marque ayant un rayonnement international" dans la joaillerie, qui avec l'horlogerie, est un secteur du luxe où "les marges sont les plus importantes".
Dans le même esprit, Louis Vuitton va ouvrir en novembre, place Vendôme à Paris, temple de la haute joaillerie, son premier atelier du genre au-dessus d'un magasin où aucun sac à main ne sera vendu.
Accord avec les héritiers Bulgari
L'annonce de la reprise de Bulgari a été faite après accord des héritiers du fondateur Sotirio Bulgari, ce week-end, et le feu vert du conseil d'administration de LVMH.
L'opération tranche avec le précédent "coup" de Bernard Arnault, le rachat en catimini de 20% du capital du sellier Hermès, qui a provoqué la colère de la famille.
Pour Bulgari, Bernard Arnault a choisi la méthode de l'échange d'actions, assortie d'une OPA pour les actionnaires minoritaires, le groupe italien étant coté en Bourse. En échange de ses 51% du capital de Bulgari, la famille Bulgari obtient 16 millions d'actions nouvelles de LVMH, soit 3,5% du capital, devenant le deuxième actionnaire familial du groupe.
Pour les actionnaires minoritaires, LVMH va lancer une OPA au prix très attractif de 12,25 euros par action, soit 63% de plus que le cours de bourse de vendredi dernier (7,50 euros), une "prime élevée", pour certains analystes, qui s'explique par l'intérêt pour la griffe, mais un prix "sans importance", dit une source proche du dossier, "à moyen et long terme". La valorisation de Bulgari ressort à 3,7 milliards d'euros.
L'actuel directeur exécutif de Bulgari, Francesco Trapani, entre au comité exécutif de LVMH, où il va diriger l'ensemble du pôle montres et joaillerie. "C'est un deal gagnant-gagnant", selon une source proche du groupe français, "parce que l'opération est totalement amicale, que la famille s'associe à LVMH et qu'elle a envie de travailler avec Bernard Arnault".
Comme un message à la famille Hermès qui depuis l'arrivée surprise de LVMH dans son capital la presse de se retirer et s'emploie à bâtir des murs de protection pour empêcher toute prise de contrôle.
Première fortune d'Europe et quatrième mondiale selon Forbes, Bernard Arnault, 61 ans, patron de LVMH, a bâti en 20 ans le premier empire mondial du luxe à coups d'opérations souvent fracassantes qui ont forgé sa réputation d'homme d'affaires redoutable.
Bernard Arnault est "un personnage réservé qui fonctionne à la raison", déclare à l'AFP l'essayiste Alain Minc, proche de François Pinault, ex-PDG du groupe PPR contre lequel Bernard Arnault s'est battu en vain pour le contrôle de Gucci à la fin des années 1990. L'un de ses meilleurs amis, le milliardaire belge Albert Frère, rencontré il y a une trentaine d'années, assure pour sa part à l'AFP que Bernard Arnault a "énormément d'humour".
Né le 5 mars 1949 à Croix, près de Roubaix, Bernard Arnault assure, à sa sortie de Polytechnique, le développement de l'entreprise de bâtiments et travaux publics de son père. Après la victoire de la gauche en 1981, ce libéral revendiqué s'exile aux Etats-Unis. Il rentre en France trois ans plus tard et cherche un projet d'entreprise. Avec la bénédiction de Laurent Fabius, alors Premier ministre, il reprend les textiles Boussac, criblés de dettes. Leur remise à flot se fait au prix d'un plan social drastique et de la cession d'une grande partie des activités. Bernard Arnault garde le joyau du groupe, la maison de couture Christian Dior.
Sa réputation de prédateur grandit à la fin des années 1980 quand il s'arroge la présidence de Louis Vuitton-Moët Hennessy, profitant des dissensions entre les dirigeants des deux maisons pour l'emporter au terme d'un long combat juridico-financier.
Mode, champagnes, parfums: 20 ans plus tard, LVMH truste une soixantaine de marques (Givenchy, Fendi, Céline, Hublot, Tag Heuer, Château d'Yquem, Veuve Clicquot, Hennessy, Sephora) et emploie 80.000 personnes dans le monde pour des ventes attendues autour de 20 milliards d'euros fin 2010. Le credo du patron: innover tout en préservant l'histoire des maisons, atout essentiel pour conquérir les marchés mondiaux.
"S'il était seulement un raider financier, il aurait scindé son groupe en deux depuis longtemps entre le luxe et l'alcool", estime Alain Minc, pour qui "la volonté de construire un empire est déterminante chez lui". Bernard Arnault connaît bien lui aussi le chef de l'Etat: il était l'un des convives de la soirée du Fouquet's au soir de son élection en mai 2007. Pianiste émérite, il fait également partie des grands mécènes français. Son prochain grand projet, mêlant art et architecture, est la "Fondation Louis Vuitton pour la création", en région parisienne, dont le permis de construire a été annulé début janvier.
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