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Loi Macron : dans une ambiance atone, les députés rejettent la motion de censure

Le texte porté par la droite et le centre n'a récolté que 198 voix alors qu'il avait besoin de 289 suffrages pour s'imposer. Et dans l'hémicycle, on était loin de l'effervescence qui régnait il y a deux jours. Reportage.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron, ministre de l'Economie (à gauche), et Manuel Valls, Premier ministre, à l'Assemblée nationale, le 18 juin 2015. (BERTRAND GUAY / AFP)

"C'est la corvée", soupirait un journaliste dans la salle des quatre colonnes. Les députés ont examiné, jeudi 18 juin, la motion de censure de la droite contre le gouvernement, qui a eu recours à l'article 49.3 pour faire passer la loi Macron. Le texte a été rejeté : il n'a récolté que 198 voix alors qu'il avait besoin de 289 suffrages pour passer. C'est bien moins qu'en février. La motion de censure avait alors réuni 234 voix.

On était loin de l'effervescence et de l'électricité qui régnait il y a deux jours, lorsque Manuel Valls avait annoncé que le gouvernement allait une nouvelle fois solliciter "l'arme nucléaire" constitutionnelle qu'est l'article 49.3. A 15 heures, une heure avant le lancement des débats, les couloirs de l'Assemblée étaient quasi-déserts. Il y avait davantage d'enfants en visite à l'Assemblée que de journalistes. 

"Beaucoup de députés ne seront pas là"

Philippe Vigier, chef de file du groupe UDI, avait indiqué, dans la matinée, qu'une faible présence des élus était à prévoir : "Beaucoup de députés ne seront pas là, car ils seront dans leurs circonscriptions pour les cérémonies commémoratives de l'appel du général de Gaulle." Sans compter que rien ne figure à l'ordre du jour de l'hémicycle pour les journées de jeudi et vendredi, mis à part la motion de censure.

Lorsque Christian Jacob, patron des députés des Républicains, prend la parole à 16 heures, l'hémicycle est presque vide. Seul un siège sur quatre est occupé. Sur cette photo prise par une journaliste, on voit principalement les rangs de l'opposition, clairsemés.

Christian Jacob déclame son texte de façon hésitante. On a presque l'impression qu'il le découvre en même temps qu'il le lit. Mais il soigne malgré tout ses attaques, comme lorsqu'il estime que Manuel Valls a "violenté le Parlement".

Non seulement, vous mentez en prétendant que les amendements du gouvernement sont des amendements de forme mais, plus grave, vous violez notre Constitution, modifiée en 2008.

Christian Jacob, chef de file des députés des Républicains

à l'Assemblée nationale

Les prises de parole s'enchaînent. Montent à la tribune Philippe Vigier (UDI), l'écologiste Barbara Pompili, Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste. On peine à compter les députés et les journalistes qui les écoutent, surtout quand Roger-Gérard Scwhartzenberg cite Saint-Just ou La Génèse.

De temps à autre, des élus de l'opposition s'exclament, et réagissent à ce qu'il est en train de se dire. Signe qu'il y a bien quelques personnes attentives dans l'audience. "A gauche, il n'y en a pas un seul qui écoute. Ils sont tous sur leur portable", remarque un journaliste présent dans la tribune réservée à la presse. Pas davantage d'engouement lorsque le communiste André Chassaigne prend le micro au nom des députés du Front de gauche.

Valls réveille timidement l'opposition

Sur les bancs du gouvernement, Manuel Valls a le nez dans ses dossiers, stylo à la main, tournant et retournant les feuilles. A côté, au premier rang, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, papote avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Et même lorsque Bruno Le Roux, chef des députés socialistes, prend la parole, le Premier ministre est rivé sur ses dossiers alors qu'un député des Républicains ironise et demande si un temps de parole est prévu pour les frondeurs socialistes.

La séquence la plus animée et la plus bruyante de la journée survient quand le chef du gouvernement monte à la tribune. Christian Jacob et Patrick Balkany, entre autres, donnent volontiers de la voix alors qu'ils riaient quelques minutes auparavant. Des remarques aux auteurs non-identifiés fusent : "Et les chômeurs ? (...) Mille par jour !" entend-on jaillir lorsque Manuel Valls affirme que le gouvernement a énormément fait pour le pouvoir d'achat des Français. Reste que nous sommes à mille lieux de l'agitation qu'il peut y avoir parfois lors des questions au gouvernement ou lors de certains débats.

"La droite n'est même pas capable de faire le plein de voix"

De façon surprenante, le locataire de Matignon quitte la tribune au bout de 22 minutes alors que 30 minutes lui étaient imparties. "Tout le monde en a marre, en fait", commente une journaliste sur Twitter. Une autre, présente dans les tribunes, trouve le Premier ministre en petite forme : "Ce n'est pas un grand discours (...) Je l'ai rarement vu aussi mauvais."

Si l'exécutif a montré une forme de lassitude, la motion de censure portée par la droite n'a même pas mobilisé au sein de l'opposition, puisqu'elle a moins réuni qu'en février. "La droite n'est même pas capable de faire le plein de voix !" remarque sur Twitter Jean-Jacques Urvoas, député PS du Finistère. Le texte doit être examiné une dernière fois au Sénat, à partir du 29 juin. Dans l'indifférence ou dans l'effervescence ?

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