Manifestation des livreurs Deliveroo : les quatre raisons de leur colère
Des livreurs de la plateforme Deliveroo ont manifesté, lundi, contre leur nouveau système de rémunération.
"On veut plus pédaler sans être payés. Deliveroo, tu vas manger." Les mots résonnaient dans les rues du 10e arrondissement de Paris, lundi 28 août. Les livreurs du service de commandes de repas Deliveroo ont manifesté. En cause : le changement du système tarifaire de la plateforme. Mais ce n’est pas la seule cause de leur colère. Franceinfo est allé les rencontrer et vous explique les raisons de leur mobilisation.
Le nouveau système de rémunération
C’est un changement au niveau de la rémunération des livreurs qui a poussé ces derniers à marcher, ce lundi 28 août. Si, auparavant, ils étaient rémunérés 7,50 euros de l’heure, avec un bonus de deux à quatre euros par course, la méthode a changé. "A partir d’aujourd’hui, on est payés à la course", expose Ousman, livreur Deliveroo présent lors de la manifestation. Désormais, une livraison rapportera en effet 5,75 euros pour les coursiers parisiens et 5 euros pour ceux ailleurs en France. "Il n’y a aucune rémunération pour l’attente, aucune prime de présence", continue le livreur de 21 ans.
Tous les livreurs ont des exemples de longs moments d’attente sans aucune commande à se mettre sous la dent. "Ce matin, j’ai attendu quarante minutes pour ne finalement faire qu’une seule course. Je suis en dessous du Smic", rapporte Yanis, 21 ans. "Une fois, j’ai attendu deux heures sans rien, dans le 5e arrondissement de Paris", raconte Ousman.
Avec cette rémunération à la course, les livreurs se plaignent d’une baisse importante de leurs revenus. "Pour moi, ça représente une baisse de 25 à 30%", explique Pierre, 34 ans. "Depuis le changement de tarif, que j’ai adopté avant l’obligation sans vraiment m'en rendre compte, j’ai perdu un gros tiers de mes revenus", ajoute Emile, étudiant à Nanterre.
Face à ces mises en cause, Deliveroo a réagi via un communiqué. La société assure que son nouveau système de tarification est "la plus attractive du marché" et qu'elle "permet aux livreurs de générer un revenu horaire moyen de 14 euros soit 40% de plus que le Smic horaire".
Le principe d'"astreinte gratuite"
Avec ce nouveau système de rémunération, c’est aussi le principe d’exclusivité réclamé par la plateforme qui fait gronder les cyclistes de Deliveroo. Car s’ils n’ont pas de course, et ne sont donc pas payés, ils ne peuvent pas pour autant livrer pour une autre plateforme. C'est ce que Jérôme Pimot, ancien livreur Deliveroo devenu voix de leur mobilisation, appelle "l’astreinte gratuite".
"Si on n’a pas de commande, on ne peut même pas travailler pour un autre service comme Foodora par exemple", décrit Pierre, venu à la manifestation avec vélo, casque et t-shirt estampillé "Deliveroo". "Ce n’est pas normal", regrette-t-il. Il réfléchit donc à changer de plateforme : "Jusqu’à présent, je n’avais aucune raison d’aller voir ailleurs. Ça fait deux ans que je travaille pour Deliveroo, mais là, il va falloir que je prenne une décision", envisage-t-il.
Des conditions de travail "infernales"
Un autre point qui déclenche l’ire des livreurs : les conditions de travail. "Si on a un accident, c’est à notre charge", reproche Yanis. Ce livreur est tombé sous la pluie, il y a huit mois. "J’ai glissé, je me suis cassé la cheville. J’ai été hospitalisé et immobilisé pendant une semaine", raconte-t-il. Pourtant, d’après lui, il n’avait pas vraiment le choix. En cause : la "prime pluie". Il s'agit d'un complément de rémunération en cas d'intempéries. "Dans ce cas-là, on pourrait nous dire qu’il faut faire plus attention. Mais non, la prime pluie est débloquée quand on va plus vite", décrit Emile, qui évoque un gain de six euros à partir de cinq commandes livrées.
Le matériel est également à la charge des livreurs. "Les casques ne sont pas fournis, les lumières non plus. Et après, Deliveroo nous dit 'Ride safe' ['Conduisez de manière sécurisée']. Si on a le moindre problème avec le vélo, si on crève ou autre, on se débrouille", rapporte Ousman. Ce dernier affirme dépenser 40 euros en moyenne par mois pour l’entretien ou les réparations de son vélo. "Mais Deliveroo est sympa, on a des réductions dans des magasins, ironise-t-il. Ils nous présentent ça comme un cadeau."
Et, selon les manifestants présents à Paris lundi 28 août, la situation ne va pas aller en s’arrangeant avec le nouveau système de rémunération mis en place par le service. "Si on est payés à la course, le but va être de la finir le plus vite possible pour en recommencer une autre", avance Jérôme Pimot. "C’est infernal, on doit aller toujours plus vite", regrette Guilhem, livreur lyonnais venu prêter main forte aux livreurs parisiens lors de la manifestation.
Là encore, la communication de Deliveroo France s'inscrit en faux, via Hugues Decosse, son directeur général : "Deliveroo propose une activité bien payée et la liberté que recherchent les livreurs. Aujourd’hui, nos investissements technologiques leur offrent davantage de liberté et de sécurité. Nous savons que les livreurs collaborant avec Deliveroo veulent organiser leur travail autour de leur vie et non l’inverse, et c’est précisément ce que nous leur offrons."
Les mauvaises relations avec Deliveroo
"Deliveroo, c’est des voyous", crient les manifestants sous les bureaux de la plateforme. Tous critiquent les méthodes de communication du service. "Ils se moquent de nous", dit l’un. "Ils veulent nous rouler dans la farine", lance l’autre.
Pour Pierre, le dernier exemple en date est la méthode employée pour annoncer le changement de tarification. "Mi-juillet, on a reçu un mail nous parlant du nouveau système. Si j’estimais que c’était rentable pour moi, je pouvais l’adopter, relate-t-il. Une semaine après, ils nous ont appelés pour nous faire comprendre qu’en fait ce n’était pas à la carte mais obligatoire." Pour ce livreur de 34 ans, le message passé n’est pas du tout "élégant".
J'ai l’impression qu’ils font tout pour qu’on ne soit pas au courant. On n'est jamais tenus au courant !
Pierre, livreur chez Deliverooà franceinfo
Dans son communiqué, Deliveroo France assure qu'elle "entretient un dialogue régulier avec les livreurs et reste à leur écoute pour améliorer leur collaboration". Pourtant lundi 28 août encore, les livreurs se sont trouvés devant une porte close. "Ils nous avaient laissé penser qu’ils nous recevraient, mais rien. Ce ne sont pas des manières de faire", déplore Jérôme Pimot. Mais les manifestants ne désespèrent pas. La prochaine étape pour eux : une importante mobilisation, prévue le 27 septembre.
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