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Avec "Les Revenants", les séries françaises ressuscitées

Diffusée à partir de ce soir sur Canal+, cette création fait partie des séries françaises qui n'ont plus à rougir face aux cartons américains. Francetv info vous explique ce qui a changé.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
"Les Revenants", ou quand les morts reprennent vie dans un petit village de montagne. Le premier épisode de cette série est diffusé sur Canal+ lundi 26 novembre 2012. (JERÔME PREBOIS / HAUT ET COURT / CANAL+)

MEDIAS - Braquo, Un village français, Ainsi soient-ils ou Les Revenants, dont le premier épisode est diffusé lundi 26 novembre sur Canal+… Les années 2000 signent le retour en grâce des séries françaises, qui n'ont plus à rougir d'être comparées aux cartons de la télé américaine.

Diffusion en prime time, traitement ultraréaliste, gros budgets, francetv info vous donne la recette de ces nouvelles fictions couronnées de succès.

De l'audace, comme aux Etats-Unis

Lasse de ne voir que des séries françaises destinées à la fameuse ménagère de plus ou moins 50 ans dans les grilles des programmes, de nouveaux venus ont pris les choses en main. "Nous assistons clairement à l'émergence d'une génération d'auteurs issue de la nouvelle génération de spectateurs", se réjouit Arnaud Jalbert, chargé de programmes à Arte, dans le numéro de novembre 2012 des Inrocks.

Illustrant l'adage selon lequel on n'est jamais si bien servi que par soi-même, ces scénaristes et réalisateurs français ont été bercés à Six Feet Under (la vie d'une famille de croque-morts), biberonnés aux Soprano (les péripéties d'un mafioso dépressif) et ont passé des nuits blanches devant The Wire (des flics de Baltimore qui tentent de nettoyer la ville de ses trafiquants de drogue). Tant d'audace et d'ambition, ça donne envie. "Quand on a vu les cinq saisons de The Wire, on a envie de s'essayer à cette forme incroyable, ça démange forcément", confie à l'hebdomadaire Fabrice Gobert, créateur des Revenants, où les morts reprennent vie dans un petit village de montagne, physiquement intacts.

Voilà comment naissent des séries ultraréalistes comme Les Hommes de l'ombre (France 2), dans les coulisses d'une campagne présidentielle, ou Engrenages (Canal+), où l'on s'invite au palais de justice de Paris avec au menu magouilles entre flics et avocats peu scrupuleux. La série, nommée aux International Emmy Awards en 2011, a été vendue à plus de 70 pays et même achetée par Netflix, un service de location de films et de séries américain qui compte plus de 25 millions d'abonnés.

Du temps et des moyens, comme au cinéma

Les Américains ont aussi cessé de considérer la série comme le parent pauvre du cinéma. Des créations comme Boardwalk Empire (réalisée par Martin Scorsese) ou Treme dégagent la même sophistication qu'un long métrage. Les décors sont léchés, la lumière impeccable, le rythme parfaitement maîtrisé. Les séries françaises n'hésitent pas à copier leurs grandes sœurs américaines et s'allongent (52 minutes pour Les Revenants). Ne plus se presser, prendre le temps d'installer une ambiance, creuser des personnages. Laisser les situations parler plutôt que des dialogues "explicatifs" trop présents, "le mal de la fiction française", estime Fabrice Gobert dans Télérama. Comme au cinéma, "les décors sont très importants, souligne-t-il dans une autre interview au même magazine. Ils sont tous filmés de la même manière, avec beaucoup de plans larges et le même genre de lumière. L'idée est que tout soit très cadré. Les travellings sont aussi préférés aux mouvements brusques".

Comme pour le grand écran, il faut aussi se donner les moyens de ses ambitions. Selon le site américain spécialisé Variety, la saison 1 des Revenants aurait coûté 11,4 millions d'euros, soit plus d'1,4 million pour chacun des huit épisodes. Dans L'Express, Vassili Clert, producteur d'Engrenages, estime le budget global de la saison 4 à "un peu moins de 12 millions d'euros". Et pour la nouveauté 2013 d'Arte, Odysseus, qui raconte le retour d'Ulysse à Ithaque, comptez 15 millions d'euros les 12 épisodes.

Désormais, la fiction française s'autorise aussi à solliciter des consultants : conseillers en communication politique (Les Hommes de l'ombre, France 2), juges d'instruction (Engrenages) ou historiens spécialistes de la seconde guerre mondiale (Un village français), tous sont là pour éviter bourdes anachroniques ou fantaisies scénaristiques et garantir le maximum de réalisme – le point fort de la french touch.

Et pour vraiment faire comme au cinéma, faites travailler des gens qui en viennent. Par exemple, le réalisateur de Braquo (Canal+) est Olivier Marchal (36, quai des Orfèvres). Pour écrire la deuxième saison, ce dernier a embauché Abdel Raouf Dafri, César du meilleur scénario original pour Un prophète, et scénariste des Mesrine de Jean-François Richet.

Du prime time, comme les autres

Mais pour cartonner, encore faut-il que votre création bénéficie d'une exposition correcte. Abonnée pendant longtemps aux sitcoms ou soaps à succès, comme Hélène et les garçons, Sous le soleil ou récemment Plus belle la vie, la France n'a pas pris l'habitude de diffuser ses créations autrement qu'en plein après-midi ou en "access prime-time", juste avant la première partie de soirée.

Aux Etats-Unis en revanche, il n'est pas rare de voir trois séries de vingt minutes s'enchaîner dès 21 heures. Chez nous, ce sont les "pastilles", ces séries à sketchs comme Scènes de ménages (M6) ou, avant elle, Un gars, une fille (France 2), qui s'attiraient jusqu'à présent les faveurs des chaînes.

Car si ces dernières ont toujours mis en avant leurs téléfilms originaux ou les productions américaines, les séries françaises, elles, ont dû faire leurs preuves avant d'accéder à ce privilège du prime time. La première saison de Fais pas ci, fais pas ça (France 2) était diffusée l'après-midi. Ses bonnes audiences lui ont octroyé une saison 2 et le passage en prime. Bien en a pris à la chaîne, puisque le 21 novembre, la sitcom (qui a d'ailleurs inspiré Modern Family, carton américain) a, d'après Métro, attiré 4 millions de téléspectateurs (16% de part d'audience), soit 700 000 de plus que Desperate Housewives sur M6.

Un village français (France 3), qui raconte la vie d'une sous-préfecture française sous l'Occupation a rassemblé en moyenne 3,7 millions de téléspectateurs par épisode pour sa quatrième saison, en mai. En comparaison, Esprits criminels, sur TF1, est suivie en moyenne par plus de 7 millions de spectateurs.

C'est Canal+ qui fait depuis longtemps la part belle à ses créations originales. Le 9 octobre, la diffusion (en première partie de soirée) du dernier épisode de la saison 4 d'Engrenages a réalisé 20,7% de part d'audience, un record pour la série, qui plus est sur une chaîne payante. Les flics ripoux de Braquo, sacrée meilleure série dramatique aux International Emmy Awards cette année, font en moyenne entre 18% et 21% de part de marché.

Tout récemment, Ainsi soient-ils, nouvelle série d'Arte qui suit cinq jeunes séminaristes, a battu le record d'audience pour la case série du jeudi sur la chaîne : 1,379 million de téléspectateurs en moyenne entre le 11 octobre et le 1er novembre. A son lancement, elle a même battu la première diffusion de l'énorme succès américain Homeland sur Canal+, avec 300 000 téléspectateurs de plus.

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