Nationaliser Florange ? Possible, mais finalement très compliqué
Il y a eu des nationalisations-sanctions : Renault en 1945, qui payait ainsi sa collaboration avec l'occupant. Il y a eu des nationalisations "idéologiques" : celles qui ont suivi l'arrivée de la gauche au pouvoir. En 1982, les cinq premiers groupes industriels français, 39 banques et deux compagnies financières sont nationalisées. Un programme ambitieux rapidement suivi par des privatisations tout autant importantes, dès 1986, lorsque la droite revient aux affaires.
Mais une nationalisation n'est pas forcément de gauche : en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, nationalise Alstom, alors en grandes difficultés financières. Les négociations sont âpres, notamment avec la Commission européenne, mais elles réussissent. Alstom sort la tête de l'eau. Et deux ans, plus tard l'Etat revend ses parts.
Partout dans le monde
Une nationalisation temporaire d'ArcelorMittal, comme l'a envisagée Arnaud Montebourg, serait donc possible. D'autant plus que c'est une pratique utilisée dans d'autres pays. "C'est une arme utilisée par tous les Etats dans le monde ", constate Jean-Luc Gaffard, directeur du département de recherches sur l'innovation et la concurrence à l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques. Et de citer Ronald Reagan et Chrysler, Barack Obama et General Motors ; ou, lors de la crise bancaire de 2008, David Cameron qui nationalise six banques britanniques.
Mais l'Etat peut aussi reprendre une entreprise sans que son propriétaire n'ait son mot à dire. Moyennant indemnisation évidemment. L'Europe n'a rien à y redire, à condition de respecter les règles communautaires : "Ponctuellement, rien n'interdit au niveau européen qu'un établissement industriel, bancaire, fasse l'objet d'une prise de participation de l'Etat ", estime Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur.
Qui ajoute : "Un pays comme la France a raison de vouloir préserver ou consolider sa base industrielle, et s'il le faut avec du volontarisme public. " Le danger étant tout de même que la France perde en attractivité auprès des investisseurs... Ce que Pierre Moscovici balaie du revers de la manche. Le ministre de l'Economie, qui accueillait aujourd'hui des investisseurs anglo-saxons, dit avoir été surpris de ne pas avoir eu à répondre à des questions sur le dossier.
Très encadrée par le droit
Si la nationalisation est prévue par la Constitution française, l'article 34 prévoit tout de même qu'il faut en passer par la loi.
Me Dominique Payet, avocat spécialisé en droit des sociétés, explique qu'une nationalisation doit répondre à des conditions juridiques très strictes : une loi donc, qui établisse "que l'on se trouve en présence d'une situation de nécessité publique, ce qui peut être contesté par le Conseil constitutionnel ; et une juste et préalable indemnisation ".
Car le droit de propriété est** "**inviolable et sacré ", selon la Déclaration des droits de l'Homme de 1789. Il faut donc prévoir une indemnisation au prix du marché. En clair, dans le cas d'une nationalisation de Florange, l'Etat devra trouver un accord financier avec Mittal.
De nombreux recours possibles
Une fois la nationalisation d'ArcelorMittal lancée, l'histoire ne serait pas terminée pour autant . Les recours de Mittal seraient nombreux : le groupe pourrait contester l'absence de nécessité publique ; il pourrait aussi contester le montant des indemnisations ; enfin, il pourrait exercer des recours à l'échelon européen, en se basant sur les règles relatives à la concurrence, et au démantèlement des monopoles.
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