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Pauvreté en France : " C'est une bombe sociale que l'on a sous les yeux" alerte le Secours Catholique

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

L'association publie ce jeudi son rapport annuel sur la pauvreté. Alors qu'un million de personnes sont en situation de précarité, son directeur appelle au retour du "quoi qu'il en coûte".

Les Français en situation de précarité ont à peine "5 euros par jour et par personne" pour vivre, alerte sur franceinfo jeudi 17 novembre Jean Merckaert, directeur de l'action et du plaidoyer France au Secours Catholique. Cette misère économique est une "bombe sociale", affirme-t-il, alors que l'association publie ce jeudi son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France en 2021 au moment du Covid-19.

Jean Merckaert demande "un retour du quoiqu'il en coûte pour les personnes les plus précaires" et lance au gouvernement un "beau défi", celui "d'éliminer la grande pauvreté à l'horizon 2030". Selon lui, "il en a la capacité".

franceinfo : Quel bilan faites-vous de la pauvreté en France aujourd'hui ?

Jean Merckaert : On compte un million de personnes en situation de précarité chaque année. Nous avons souhaité regarder de près le budget des ménages en période Covid. Bien souvent, on mesure la pauvreté uniquement en regardant les revenus avec ce fameux seuil de pauvreté. On a voulu regarder les revenus, mais aussi les dépenses. Et c'est là qu'on se rend compte de ce que signifie la pauvreté dans le quotidien des personnes.

Le grand enseignement de ce rapport, c'est que le reste pour vivre a diminué pendant ce Covid. On est passé de 6 euros par jour et par personne à 5 euros par jour et par personne.

Jean Maerckaert

à franceinfo

Quand vous en êtes là, c'est un stress permanent. [Ces personnes] sont obligées de choisir en permanence entre se chauffer et se nourrir, entre se vêtir et payer des loisirs pour les enfants.

Combien faut-il par jour pour qu'une personne puisse se nourrir quotidiennement ?

On estime qu'il faut au moins 7 euros pour pouvoir ne serait-ce que se nourrir. Donc, avec 5 euros, on n'y arrive pas, ce qui fait que l'alimentation est bien souvent la variable d'ajustement. Ce sont des vies de sacrifices permanents. Les personnes nous disent : "On est des mathématiciens du quotidien. On compte chaque euro". Quand on est au 17 du mois, le reste du mois, c'est un enfer, un stress de savoir si elles vont y arriver. Et dans ce type de contexte, quand il n'existe aucune marge de manœuvre, le moindre coup de vent, le moindre imprévu devient une angoisse permanente. Par exemple, le frigo qui lâche, ce n’est juste pas possible.

Votre rapport ne tient pas compte de l'inflation. La situation s'est-elle dégradée après 2021 ?

Notre rapport regarde dans le rétroviseur. Mais il est très riche d'enseignements pour la période qui s'ouvre. L'inflation subie par l'ensemble des Français est subie à plus forte raison par ces ménages qui n'ont déjà plus aucune marge de manœuvre. Quand vous êtes à 5 euros par jour et par personne, ce n’est juste pas possible. C'est une bombe sociale que l'on a sous les yeux. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'on a les moyens de la désamorcer. On voudrait lancer un défi au gouvernement. Pendant le Covid, on a été les premiers à dire c'est bien de vouloir sauver l'économie coûte que coûte, mais il faut aussi sauver les personnes. Et on a été pour partie entendus avec la mise en place d'aides exceptionnelles.

Vous réclamez le retour du "quoiqu'il en coûte" ?

On demande un retour du quoiqu'il en coûte pour les personnes les plus précaires. Aujourd'hui, on a des aides qui ciblent l'ensemble de la population. On estime qu'il faut des aides plus ciblées, notamment sur les coûts de l'énergie. Le chèque énergie est aujourd'hui de 150 à 200 euros, c'est très insuffisant par rapport à des factures moyennes, qui peuvent s'élever à 2 000 euros pour les ménages français. On demande au minimum 700 euros.

Ce que l'on n'attend plus que des mesures ponctuelles, le chèque alimentation, le chèque énergie, le chèque inflation, etc, c'est une revalorisation des minimas sociaux. Ils ont été revalorisés de 4%, mais quand l'inflation est de 6,5%, ces ménages continuent de s'appauvrir.

Jean Maerckaert

à franceinfo

Le RSA, qui est à peine au-dessus de 500 euros, ne permet clairement pas de vivre dans notre pays. Le seuil de très grande pauvreté est à 750 euros. Donc, nous, on attend du gouvernement qu'il relève le défi et l'engagement qu'il a pris aux Nations unies d'éliminer la grande pauvreté à l'horizon 2030.

Vous croyez que c'est possible ?

La bonne nouvelle de notre rapport, c'est que le gouvernement était capable de cibler les populations qui en ont besoin. C'était conjoncturel, mais la bonne nouvelle, c'est que notre pays peut le faire s'il le veut. C'était des mesures ponctuelles, maintenant, il faut passer au structurel et ça, c'est quand même un beau défi pour notre pays de se dire que s'il veut éliminer la grande pauvreté, il en a la capacité.

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