: Reportage "Il y a beaucoup d'adrénaline, d'espérance, d'émotion" : le concept des "chariots mystère" fait fureur dans les supermarchés
Après Auchan, Carrefour propose également des chariots mystère remplis de petit électroménager, linge de maison, jouets ou encore articles de bricolage. Pas de produits alimentaires. Le tout vendu à prix cassés mais à l'aveugle. Impossible pour les clients de savoir à l'avance ce qu'ils achètent.
Dans l'hypermarché Carrefour de Drancy, dès huit heures et demie du matin, Jean fait partie des premiers clients. Mais il est là pour acheter un micro-onde, rien d'autre : "Si c'est pour avoir un truc qui ne me servira pas, ça ne m'intéresse pas du tout." Beaucoup plus hésitante, Bouchra examine les dix chariots emballés dans du plastique noir : "J'ai reçu le message ce matin. Un chariot d'une valeur de 150 euros à 49 euros... Je ne sais pas."
C'est comme déballer des cadeaux
Séverine est joueuse et avec le numéro fétiche de son mari, le 4, tous les espoirs sont permis : "Il y a peut-être un caddie sur dix qui est intéressant, ce sera peut-être le bon !" Après un passage à la caisse, pour Séverine, c'est un peu comme déballer des cadeaux : "Il y a de l'électroménager, j'ai l'impression ! Un repose-pieds, on fait beaucoup d'ordinateur, on sera bien installé ! Pour faire de la paella… C'est bien, je ne peux pas manger de poisson. Ah une machine à pâtes ! Cool, j'en voulais une ! Je n'ai pas tout perdu. Et le petit dernier… Une centrale vapeur. J'en ai déjà une, je vais l'offrir. Après sinon oui, je revends. Ça va, c'est rentable, peut-être qu'on renouvellera."
Auchan a commencé le premier à vendre des chariots surprise dans un magasin à Dieppe : une traînée de poudre, des millions de vues sur les réseaux sociaux.
Le consommateur a "l'impression d'économiser"
Le sociologue de la consommation Patrice Duchemin comprend parfaitement l'engouement des clients : "Il y a beaucoup d'adrénaline, d'espérance, d'émotion. On oublie que le futur n'est pas très porteur, qu'il y a de l'inflation, que le quotidien n'est pas forcément rigolo. On se fait plaisir et en plus on a quelque chose à raconter. Vous êtes le premier à avoir acheté le chariot mystère donc vous êtes VIP. Et donc la consommation peut aussi nourrir la fierté."
Dans le match pour ou contre, Jeanne Guien, philosophe, spécialiste de l'histoire de la consommation, n'y va pas par quatre chemins : "Le consommateur dépense et a l'impression d'économiser. Tandis que l'enseigne prétend perdre de l'argent alors qu'en fait c'est elle qui économise. L'enseigne se débarrasse d'objets qui n'allaient plus rien lui rapporter, voire qui lui aurait coûté parce qu'il n'y a plus de demande pour ces produits, ce sont des invendus. Les enseignes transfèrent sur le consommateur, la responsabilité de la surproduction. C'est toujours résoudre le problème du gaspillage en faisant consommer plus." À Drancy, en moins d'une heure et demie, les dix chariots et leurs surprises sont tous partis.
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