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Baisse des charges patronales : peut-on aller plus loin sans augmenter les impôts ?

Le Premier ministre a annoncé une réforme "pour que le financement de la protection sociale, et de la branche famille en particulier, pèse moins sur le coût du travail". Mais elle ne s'annonce pas sans risques.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault (C), avec le ministre du Travail, Michel Sapin (D), après la présentation de la réforme des retraites, le 27 août 2013 à Matignon. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Le débat sur la compétitivité et la baisse des charges revient sur le devant de la scène. Jeudi 29 août, Pierre Moscovici, le ministre des Finances, a assuré lors de l'université d'été du Medef : "Le niveau de prélèvement des entreprises n'est pas bon et nous devons baisser le coût du travail." En présentant mardi 27 août sa réforme des retraites, le Premier ministre avait déjà fait un geste en direction du patronat.

Alors qu'une hausse des cotisations était actée pour financer la réforme, Jean-Marc Ayrault a annoncé en parallèle des actions "pour que le financement de la protection sociale, et de la branche famille en particulier, pèse moins sur le coût du travail", sans plus de détail. Le problème, c'est qu'il faut bien compenser ce transfert des cotisations... alors même que le "ras-le-bol fiscal" s'invite dans le débat politique.

Pourquoi baisser les cotisations famille ?

En présentant la réforme de retraites, Jean-Marc Ayrault a annoncé une hausse des cotisations vieillesse. Pour ne pas peser sur le coût du travail et sur la compétitivité des entreprises, l'exécutif prévoit donc de compenser cette augmentation par une baisse des cotisations famille.

Pour le gouvernement, il s'agit d'éviter une grogne des patrons et de se montrer sensible à la compétitivité des entreprises, dans le droit fil de la philosophie qui a présidé à l'instauration du CICE, le crédit d'impôt compétitivité emploi.

Ce geste est réclamé de longue date par le patronat, qui estime que les entreprises n'ont pas à financer les allocations familiales. Les cotisations patronales qui vont à la branche famille sont évaluées à 31 milliards d'euros, soit plus de 57% des apports totaux de cette branche. La branche famille est également alimentée, entre autres, par la CSG (9,7 milliards), une taxe sur les salaires (3,4 milliards), des droits à la consommation sur les tabacs (1,1 milliard), une taxe sur les contrats d'assurance-maladie, mais aussi un prélèvement social sur les revenus du capital. 

Pour Eric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cette mesure a un "intérêt de justice et de clarification""Les prestations famille et maladie sont universelles, tout le monde y a droit. Il peut donc paraître curieux que ces prestations reposent sur les salaires", explique Eric Heyer à francetv info. L'économiste fait une distinction entre les prestations sociales universelles (famille, assurance-maladie) et celles qu'il appelle "assurantielles" (comme pour les retraites ou le chômage, la prestation dépend de ce que vous avez cotisé : plus vous payez, plus vous avez droit à une prestation élevée). Conclusion : "Il n'est pas illogique de dire que les prestations touchées par tout le monde soient financées par tout le monde et non plus seulement par les cotisations patronales", souligne Eric Heyer.

Faut-il compenser par une hausse d'impôt...

Pour compenser la hausse des cotisations vieillesse, la baisse des cotisations famille devrait atteindre 1 milliard d'euros en 2014, et plus de 2 milliards d'euros à terme. Mais comment le faire ? Le gouvernement refuse pour le moment de donner ses pistes de travail. Plusieurs solutions s'offrent à lui, comme l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), ou celle de la TVA. "Permettez-nous de considérer que c'est dans la discussion", a indiqué Michel Sapin. Une concertation doit être menée sur ce sujet et la "décision" interviendra dans "trois semaines", a promis le ministre. 

Le gouvernement prendra-t-il le risque politique d'une augmentation de la CSG ou de la TVA alors même que le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, s'est dit le 20 août très sensible au "ras-le-bol fiscal" ? Si la CSG apparaît comme l'outil idéal (basé sur les revenus et non la consommation, contrairement à la TVA), cette piste est épineuse. "Politiquement, cela n'a pas de sens, on ne va pas augmenter la CSG trois semaines après avoir déclaré que l’on y renonçait pour préserver la consommation des ménages", explique un conseiller ministériel à Libération (article payant). Mais l'hypothèse d'une augmentation de la CSG reste probable au-delà de 2014. 

... ou trouver d'autres solutions ?

Le Parisien (article payant) avance d'autres pistes encore pour financer ce transfert de cotisations : les "dépenses (de la branche famille) étant calculées sur l'évolution des prix et ses recettes sur les salaires, son budget augmente mécaniquement en cette période de stagnation des prix". Par ailleurs, la baisse du quotient familial devrait faire économiser 1 milliard d'euros en 2014. Le quotidien évoque aussi la possibilité de moduler les taxes sur l'alcool, le tabac ou encore l'assurance-vie, qui participent "pour 7 milliards d'euros au budget de la branche famille"

Le gouvernement pourrait ne pas vouloir augmenter la pression fiscale pour concilier compétitivité des entreprises et consommation des ménages. C'est que sa marge de manœuvre est réduite s'il veut préserver le pouvoir d'achat des français et ne pas alourdir le coût du travail. Eric Heyer prévient : "En cas de hausse d'impôt, les effets bénéfiques sur les entreprises risquent d'être en partie ou intégralement rognés par des effets négatifs sur la consommation." "Aujourd'hui, au vu des études de conjoncture, la contrainte principale des entreprises, c'est une contrainte de demande : leurs carnets de commandes sont vides. Donc, en pénalisant la demande (la consommation), il ne faut pas attendre de miracles à court terme, on ne va pas relancer l'économie", complète l'économiste de l'OFCE. 

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