: Infographies Réforme des retraites : plongée dans les 40 000 amendements qui paralysent l'Assemblée
Après des premiers débats parfois agités lundi, l'Assemblée nationale a commencé mardi à se plonger dans les milliers d'amendements des oppositions au projet de réforme des retraites.
S'il fallait tous les lire cela prendrait 33 jours – à raison de 10 heures quotidiennes pour un adulte qui lirait 300 mots à la minute. Mais l'Assemblée n'en aura qu'une quinzaine pour débattre des 40 000 amendements déposés sur la réforme des retraites et les soumettre au vote. La tâche pourrait sembler titanesque, mais derrière ce chiffre symbolique se mêlent profondes oppositions, copier-coller et effets d'annonce.
La deuxième année la plus chargée en amendements depuis plus de vingt ans
Plus de 40 000 amendements, c'est un record pour cette législature. Cela représente la moitié du nombre d'amendements qui avaient jusque-là été déposés depuis mai 2017. Ainsi, l'année 2019-2020 est la deuxième plus volumineuse en termes d'amendements déposés à l'Assemblée, derrière l'année parlementaire 2006-2007. A l'époque, les députés socialistes et communistes avaient dégainé plus de 130 000 amendements contre la loi autorisant la privatisation de GDF.
Mais si le nombre d'amendements déposés explose certaines années, le nombre d'amendements adoptés, lui, oscille chaque année entre 2 000 et 4 000.
La France insoumise à l'origine de la moitié des amendements
Les 40 000 amendements sur la réforme des retraites sont en grande majorité le fait des députés de gauche, des groupes de La France insoumise (56%) et de la Gauche démocrate et républicaine (32%), selon un décompte réalisé par l'Assemblée nationale vendredi en fin de journée.
Cette stratégie est assumée depuis les travaux en commission par les députés "insoumis", mais certains y voient une manière de pousser le gouvernement à faire usage du 49.3. D'autant qu'un grand nombre d'amendements sont identiques. Des accusations d'obstruction balayées par Adrien Quatennens mardi à l'Assemblée : "Parfois la répétition fixe la notion. En commission, cet effet de répétition nous a permis de lever des lièvres. Quand on nous remet une étude d'impact qui est truquée alors que vous êtes garant de la sincérité du débat, je pourrais considérer que c'est une volonté manifeste d'obstruction."
Guillaume Gouffier-Cha, député LREM et rapporteur du projet de loi, regrette une "volonté de la part d'une minorité d'obstruer les débats" et se veut optimiste. "Mon état d'esprit est d'aller au bout de ce débat parce que c'est une réforme majeure", affirme-t-il, tout en rejetant un recours au 49.3. "On va se retrouver avec un débat parlementaire stérile, déplore le député Matthieu Orphelin, ancien de LREM. Quand vous passez des milliers d'amendements à la suite, c'est compliqué d'avoir un débat éclairé. Mais le gouvernement avait donné le bâton pour se faire battre, avec des problèmes de fond sur la réforme en elle-même ou l'étude d'impact."
Seuls 6 593 amendements sont uniques
Le chiffre de 40 000 amendements déposés est presque historique, mais il cache un très grand nombre de textes similaires, sinon identiques. Si l'on supprime les doublons, il ne reste en fait plus que 6 593 amendements exactement uniques, tant sur la modification de la loi proposée, que sur l'exposé qui accompagne cet amendement. Et 76% des amendements sont des textes répétés 15 fois ou plus.
A 291 reprises, les 17 députés "insoumis" ont déposé exactement le même texte. Cela représente donc un volume de près de 5 000 amendements. Mais une nouvelle règle à l'Assemblée nationale va alléger le poids de ce cas de figure, qui n'est pas propre à La France insoumise : si des députés d'un groupe parlementaire déposent chacun le même amendement, le groupe politique ne pourra défendre cet amendement qu'une fois.
Par ailleurs, les députés de l'opposition ont martelé leur désapprobation avec une même phrase, répétée au début de pas moins de 18 400 amendements : "Comme la majorité des Français.es, nous nous opposons totalement à l'ensemble de ce projet de loi et demandons le retrait de l'ensemble de ses dispositions."
Plus de 19 700 amendements demandent non pas la modification d'un article ou d'un alinéa, mais sa suppression pure et simple. Et en plus de ceux qui apportent une réelle proposition de modification de paramètres, on trouve également des exemples surprenants : des députés, majoritairement du groupe Gauche démocrate et républicaine, ont déposé un amendement pour renommer chaque occurrence du "système universel de retraite" en "système inégalitaire de retraite". Et ce environ... 1 200 fois.
"Si on conteste l'emploi de ce mot à un endroit, il faut le contester partout", se justifie le député communiste Pierre Dharréville, qui souhaite le retrait du texte, et déplore qu'un certain nombre d'amendements qui visaient à modifier des paramètres de la loi aient été déclarés irrecevables. Et sur le fait que les 16 députés ont parfois repris en masse les mêmes amendements, il estime que "le droit d'amendement est individuel et chaque député représente sa circonscription".
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