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Infographies Réforme des retraites : qui sont les Français qui travaillent après 60 ans ?

Alors que le gouvernement dévoile mardi son projet visant à reculer l'âge légal de départ à la retraite, franceinfo se penche sur le profil des Français qui continuent de travailler après 60 ans.
Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
La proportion de seniors de plus de 60 ans qui continuent de travailler est en hausse constante en France depuis la fin des années 1990. Les cadres et les employés sont particulièrement concernés. (PAULINE LE NOURS / MATHIEU LEHOT-COUETTE / FRANCEINFO)

Elle est sur les rails et elle pourrait changer la donne pour de nombreux travailleurs et travailleuses en fin de carrière. Après plusieurs mois de négociations avec les syndicats et le patronat, et d'ultimes rencontres en tête-à-tête à Matignon la semaine dernière, la nouvelle mouture de la très discutée réforme des retraites, qui devait initialement être dévoilée mi-décembre, va être officiellement présentée mardi 10 janvier par Elisabeth Borne.

Le projet du gouvernement, qui vise à reculer l'âge légal de départ à la retraite (actuellement fixé à 62 ans) sans toucher au nombre d'années de cotisations nécessaires pour obtenir une pension à taux plein, doit être examiné en Conseil des ministres le 23 janvier, avant un débat à l'Assemblée nationale début février. Avec l'objectif que le "texte soit voté avant la fin du premier trimestre, pour une entrée en vigueur à la fin de cet été", a détaillé la Première ministre sur franceinfo, mardi 3 janvier.

Avec cette nouvelle réforme, un plus grand nombre de Français seront poussés à travailler plus longtemps, au-delà de 60 ans. Aujourd'hui, seuls un tiers des seniors âgés de 60 à 64 ans exercent toujours un emploi. Franceinfo dresse leur portrait à l'aide de trois graphiques, grâce aux résultats des enquêtes emploi de l'Insee.

Un effectif en constante augmentation ces dernières années

La proportion de seniors de plus de 60 ans toujours en activité professionnelle est en hausse constante depuis la fin des années 1990 (voir le graphique ci-dessous). Pas moins de 36% des 60-64 ans travaillaient en 2021, soit une hausse de 16 points de pourcentage en dix ans. Cette dynamique, en grande partie portée par les 60-61 ans, est d'abord le résultat des réformes des retraites successives votées depuis le début des années 2000. Mais pas seulement.

L'économiste Hippolyte d'Albis constate que la hausse du nombre de sexagénaires occupant un emploi a tendance à précéder l'entrée en application des réformes des retraites. "La réforme de François Fillon, votée en 2003, n'a été pleinement effective qu'en 2012. Et celle d'Eric Woerth en 2010, sur l'âge de départ à 62 ans, n'a commencé à faire effet qu'à partir de 2017", détaille-t-il.

Ce professeur de l'école d'économie de Paris évoque aussi l'arrivée parmi les seniors des baby-boomers, nés après la Seconde Guerre mondiale. "Une génération en meilleure santé et plus diplômée. Deux facteurs qui jouent beaucoup dans le maintien en emploi après 60 ans", précise-t-il.

Pour Annie Jolivet, ingénieure de recherche au Centre d'études de l'emploi et du travail du Centre national des arts et métiers (Cnam-CEET), cette tendance s'explique aussi par la montée de l’emploi des femmes, la quasi-suppression des préretraites publiques, des modifications de l'assurance-chômage (repoussant l'âge de la rupture de la relation d'emploi) et des règles de mise à la retraite.

La part des femmes est particulièrement élevée

Parmi les sexagénaires de 60 à 64 ans, le taux d'emploi des femmes est quasiment équivalent à celui des hommes (voir le graphique ci-dessous). Une particularité française, relève Hippolyte d'Albis, dans son livre Les seniors et l'emploi (éd. Presses de Sciences Po 2022). "Les taux d'emploi des femmes chez les seniors en France sont même plus élevés qu'en Suède". Un pays "qui est pourtant un modèle en matière d'égalité hommes-femmes", précise l'économiste.

Pour sa consœur Annie Jolivet, ce phénomène peut s'expliquer parce que les femmes partent plus tard à la retraite : 62,6 ans contre 62 ans pour les hommes, en 2020. "Elles ont des carrières plus hachées en moyenne, liées aux enfants notamment, et elles sont moins concernées par les dispositifs de préretraite et de carrières longues. Aussi, pour avoir une retraite, il faut qu'elles aillent le plus loin possible. Parfois jusqu'à 67 ans, l'âge limite à partir duquel il est possible de toucher une pension à taux plein même sans le nombre de trimestres requis", note la chercheuse.

Après 65 ans, la part d'hommes occupant un emploi se démarque en revanche davantage (9,8% contre 7,5%). Cet écart peut en partie s'expliquer par la différence d'âge au sein des couples hétérosexuels des générations actuelles de seniors. "Sur ces générations, monsieur est un peu plus âgé que madame. Et comme monsieur ne veut pas se retrouver seul à la maison, il va rester plus longtemps sur le marché du travail", analyse Hippolyte d'Albis.

Les cadres et les employés sont surreprésentés, à l'inverse des ouvriers

La proportion de cadres parmi les sexagénaires toujours en activité est beaucoup plus importante que chez les actifs de moins de 60 ans : 27% pour les premiers contre 21% pour les seconds (voir le graphique ci-dessous). Les employés, une catégorie qui rassemble beaucoup d'emplois peu qualifiés, continuent également de représenter une part importante des emplois en France, même après 60 ans. En revanche, la proportion d'ouvriers s'amenuise fortement parmi les seniors : ils ne constituent plus que 13% des travailleurs de plus de 60 ans.

Annie Jolivet explique cette répartition entre cadres et ouvriers par l'âge d'entrée sur le marché de l'emploi, qui permet aux seconds d'obtenir davantage d'annuités plus jeunes et de partir logiquement plus tôt à la retraite. "Les cadres font des études plus longues et partent donc plus tardivement", résume l'économiste. Elle avance aussi des différences de conditions de travail, "plus exigeantes et durables" pour les ouvriers et "des sorties d'activité par la retraite anticipée mais aussi par l'inaptitude".

Quant au taux élevé d'employés (une catégorie qui compte une part importante de femmes), Annie Jolivet le traduit notamment comme le fruit de carrières discontinues mais aussi par des conditions de travail exigeantes pour certains métiers mais moins prises en compte. "Les facteurs de pénibilité couvrent en particulier moins bien ces catégories d’emploi", explique-t-elle.

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