Réforme des retraites : comment l'opposition et les syndicats occupent le terrain avant la prochaine journée de mobilisation
Il semblait lointain, le mardi 6 juin, lorsque l'intersyndicale a fixé, le 2 mai, la date de la quatorzième mobilisation contre la réforme des retraites, la première après la promulgation de la loi. Les syndicats ont choisi d'appeler à la grève et à la manifestation deux jours avant l'examen à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi d'abrogation du texte, à l'initiative du groupe indépendant Liot.
L'idée était de se donner un peu de temps, afin d'"aller rencontrer les députés partout pour les appeler à voter cette proposition de loi", écrivait l'intersyndicale dans son communiqué du 2 mai. Car les opposants à la réforme et les syndicats ont bien l'intention d'occuper le terrain durant les quatre prochaines semaines.
Plusieurs initiatives parlementaires
Dès le 4 mai, le groupe Rassemblement national à l'Assemblée a annoncé par un communiqué le dépôt d'une proposition de loi pour fixer l'âge de la retraite à 62 ans. Le même jour, le député LFI François Ruffin a évoqué sur Twitter un texte pour légaliser le référendum d'initiative citoyenne, au lendemain du rejet d'un référendum d'initiative partagée sur les retraites par le Conseil constitutionnel.
Deux initiatives qui n'ont quasiment aucune chance d'aboutir : sans niche parlementaire prévue pour le groupe RN et celui de La France insoumise, ces deux textes ne seront pas inscrits à l'agenda de l'Assemblée avant plusieurs mois. Ces décisions sont surtout symboliques et permettent de donner l'image d'une contestation qui se poursuit, près de cinq mois après la toute première manifestation contre la réforme des retraites, le 19 janvier 2023.
La proposition de loi portée par le groupe Liot inquiète davantage la majorité. Ce groupe hétéroclite de 21 députés profite du calendrier parlementaire : sa niche parlementaire, prévue de longue date le 8 juin, lui permettra de soumettre au débat un texte qui prévoit de ramener l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Il devrait recevoir le soutien de la Nupes, du RN et de quelques députés LR.
Lors du vote sur la motion de censure portée par le groupe Liot, le 20 mars, il n'avait manqué que neuf voix aux opposants pour faire tomber le gouvernement. Le 8 juin, le vote se déroulera cette fois à la majorité des élus présents, ce qui accroît les chances d'adoption du texte. Il devrait ensuite être rejeté par le Sénat, comme l'a souligné jeudi 11 mai la présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée. "Il n'y aura pas de majorité au Sénat [sur ce texte] puisqu'il y a une majorité au Sénat pour la réforme des retraites", a déclaré Aurore Bergé sur France Inter.
Les syndicats reçus à Matignon les 16 et 17 mai
Les organisations syndicales multiplient également les prises de parole. Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, s'est d'ailleurs affichée le 10 mai aux côtés des parlementaires Liot, pour soutenir leur proposition de loi et "appeler l'ensemble des députés" à la voter.
Une façon d'accentuer la pression sur la majorité, une semaine avant une série de rendez-vous à Matignon entre les syndicats et la Première ministre, Elisabeth Borne. La CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et Force ouvrière seront reçues individuellement les 16 et 17 mai. Ces deux dates vont à nouveau permettre aux syndicats de faire entendre leurs revendications. "Nous sommes toujours sur l'exigence de retrait de cette mauvaise réforme des retraites", a prévenu sur franceinfo la secrétaire confédérale de la CGT Céline Verzeletti, le 7 mai, ajoutant que "le rendez-vous [pourrait tourner] vite court".
Des manifestations les 11 et 23 mai
Pour l'opposition, et surtout La France insoumise, la contestation doit aussi se faire entendre dans la rue, sans attendre l'appel national du 6 juin. "Partout, nous allons multiplier les actions pour faire tomber cette loi de la honte", promet le député LFI Thomas Portes sur Twitter.
Outre les multiples "casserolades" accueillant les déplacements de ministres, des manifestations ont aussi lieu jeudi 11 mai dans plusieurs grandes villes, dont Rennes, Paris, Lille et Rouen, à l'appel des organisations de jeunesse. "Personne ne souhaite un retour à la normale, mais tout le monde veut le retrait", écrivent-elles dans un communiqué commun.
Localement, d'autres manifestations pourront être organisées avant le 6 juin, comme en Ille-et-Vilaine, où l'intersyndicale appelle à des rassemblements dans plusieurs villes du département le 23 mai, dans un communiqué cité par France 3.
Un appel national à la grève le 6 juin
La gauche et les syndicats misent bien évidemment sur la journée du 6 juin pour obtenir le retrait du texte. Cette mobilisation est également censée peser sur le vote du 8 juin sur la proposition de loi Liot abrogeant la loi. "J'appelle les Français à être mobilisés le 6 juin" a lancé Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, au micro de franceinfo. "Le 8 juin, nous allons tout faire pour avoir cette majorité à l'Assemblée."
Les détracteurs de la retraite à 64 ans prévoient déjà de poursuivre leur combat après cette échéance. Les syndicats ont notamment prévu de contester les décrets d'application, qui seront publiés avant le 1er septembre.
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