Cet article date de plus d'un an.

Réforme des retraites : on vous explique la polémique sur la vidéo de "propagande politique" envoyée par Stanislas Guerini aux fonctionnaires

Pour défendre le projet de loi du gouvernement, le ministre de la Fonction publique a adressé un mail à l'ensemble des agents, jeudi, en leur écrivant parfois directement sur leur adresse personnelle.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Capture d'écran d'un message vidéo du ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, adressé aux agents de la fonction publique par mail le 26 janvier 2023. (GOUVERNEMENT)

C'est un message qui risque de faire du bruit dans les prochains cortèges contre la réforme des retraites. Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, est accusé par des syndicats d'avoir adressé un mail de "propagande politique" aux fonctionnaires de l'Etat, jeudi 26 janvier, pour défendre le projet de loi du gouvernement. Critiqué sur le fond, l'ancien patron de La République en marche l'est également sur la forme : certains agents ont reçu la missive sur leur adresse personnelle, ce qui constitue, selon Force ouvrière, un "détournement" de l'usage prévu lors de la collecte de telles données par l'administration.

Défendant une vidéo à visée "informative", le ministère de la Fonction publique assure n'avoir bénéficié d'"aucune transmission de fichier de contacts" pour parvenir à ses fins. En attendant que la Commission nationale de l'informatique et des libertés se prononce sur cette affaire, dont elle a été saisie, franceinfo remonte le fil de la polémique.

Acte 1 : le ministre écrit aux fonctionnaires

Des centaines de milliers de fonctionnaires et d'anciens agents publics découvrent dans leur boîte électronique, jeudi en fin de journée, un mail de la direction générale des finances publiques, intitulé "Réforme des retraites : Message de Stanislas GUERINI". "Quelques jours après la présentation de la réforme des retraites, j'ai souhaité m’adresser directement à vous pour vous présenter les mesures qui vous concernent", y écrit le ministre, avant d'inciter ses "chers agents" à découvrir sur sa vidéo sur le portail video.finances.gouv.fr.

Dans ce clip d'un peu plus de six minutes, Stanislas Guerini reconnaît d'emblée que "la réforme propose un effort collectif", avec notamment un recul de l'âge légal de départ à la retraite. "Il nous faut travailler plus longtemps pour préserver notre modèle de retraite par répartition", argumente-t-il, avant de vanter le maintien des "spécificités" du régime de retraite du public. La suite de la vidéo est ensuite consacrée aux "mesures de justice et de progrès" que contient, selon lui, le projet de loi : ouverture de la retraite progressive aux agents de la fonction publique, meilleure prise en compte des années des contractuels, fonds de prévention de l'usure professionnelle, etc. Le ministre ne s'en cache pas : il entend "démontrer" les bienfaits de cette réforme.

Acte 2 : les syndicats dénoncent une "propagande" aux moyens douteux

Le lendemain, plusieurs syndicats de la fonction publique contestent l'initiative du ministre. Soulignant que la réforme n'est "pas encore débattue et encore moins adoptée au Parlement", la CGT accuse Stanislas Guerini de "déni de démocratie" et de "propagande mensongère". Elle lui reproche d'avoir commis un "détournement de fichiers", au motif que certains fonctionnaires ont reçu le message "sur leur boîte perso". D'autres l'ont réceptionné dans leur espace professionnel, parfois avec un intitulé précédé de la mention *****PUB*****, comme en témoigne une documentaliste sur Twitter.

Le courriel a été envoyé "sans l'accord explicite des agents publics" sur l'adresse privée qu'ils "renseignent pour leur déclaration d'impôts", avance l'Unsa Fonction publique. Une hypothèse crédible, d'autant qu'une mention en fin de mail invite les agents ne souhaitant "plus recevoir ce type de courriel" à se désabonner depuis leur espace "Particulier" sur le site impots.gouv.fr. Pour la confédération FO, une telle indication "laisse supposer que le ministère de la Fonction publique a détourné la finalité de l'usage des adresses mails des administrés à des fins de propagande politique", une pratique jugée "scandaleuse".

Dans les rangs de l'administration pénitentiaire, le Snepap-FSU identifie une autre piste. Cette "propagande à peine voilée" pourrait avoir été envoyée au moyen des adresses "inscrites dans les comptes Ensap", c'est-à-dire l'espace numérique de stockage des documents de paie et de pension des agents publics, géré par Bercy. "Que fait le Trésor public avec nos données fiscales personnelles ?" interroge le syndicat.

Acte 3 : le ministère défend un message d'"information"

Muet depuis l'envoi de son mail, Stanislas Guerini a laissé à ses équipes le soin de justifier sa démarche. Sur le fond, le ministère dit assumer un "contenu de ressources humaines relayant de l'information sur leurs pensions aux agents de la fonction publique".

Sur la forme, il confirme à la presse que l'envoi du mail a été réalisé par la direction générale des finances publiques, "sur la base des adresses mail envoyées volontairement par les agents qui souhaitent avoir des informations régulières sur la paie ou la pension" sur l'Espace numérique sécurisé de l'agent public (Ensap). Selon le ministère, "cette procédure a déjà été appliquée par le passé", notamment pour des communications liées à la protection sociale, et "aucune transmission de fichier de contacts n'a été faite" entre la DGFIP et le ministère.

Acte 4 : la Cnil lance une procédure de "vérification"

Saisie à de nombreuses reprises, notamment par FO et le Snepap-FSU pour "faire respecter la protection des données personnelles de l'ensemble des agents", la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a annoncé, vendredi, l'ouverture d'une instruction des plaintes reçues. Elle dit s'être "immédiatement rapprochée du ministère" pour l'interroger sur "le ou les fichiers utilisés pour procéder à cette communication".

N'étant "pas encore en mesure de se prononcer sur la conformité de l’utilisation des données personnelles qui a été faite", la Cnil fait savoir qu'elle "vérifiera si l’envoi du message a respecté les principes généraux de protection des données personnelles et les règles spécifiques fixées par l’acte juridique créant le ou les fichiers concernés". Sa position sera communiquée "ultérieurement".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.