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Réforme des retraites : pourquoi des réquisitions "ultra-ciblées" dans les raffineries

Le mouvement contre la réforme des retraites se poursuit dans les raffineries et il touche à la fois la production et les expéditions. Le gouvernement assure procéder à des réquisitions "ultra-ciblées".
Article rédigé par franceinfo - Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Face-à-face entre CRS et grévistes de la raffinerie de Gonfreville-L'Orcher, en présence d'élus, le 24 mars 2023. (LOU BENOIST / AFP)

Quatre salariés de la raffinerie de TotalEnergies à Gonfreville-L'Orcher, près du Havre (Seine-Maritime) ont été réquisitionnés, vendredi 24 mars. Trois autres l'ont été à Donges (Loire-Atlantique), alors que la mobilisation contre la réforme des retraites continue et que les effets sur les approvisionnements en carburant commencent à se faire sentir. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, assure qu'il s'agit de "réquisitions ultra-ciblées" : "On parle de trois ou quatre salariés qui doivent prendre leur service", a-t-elle expliqué. Avec ces réquisitions, le gouvernement tente de colmater deux types de problèmes différents.

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Kérosène : une situation critique pour les aéroports d'Orly et de Roissy

Pour la raffinerie normande, Gonfreville-L'Orcher, c'est surtout pour envoyer du kérosène dans les aéroports. C'est un représentant CGT de TotalEnergies, Adrien Cornet, qui résume encore le mieux l'enjeu autour du carburant aviation : "Si une goutte de 'kéro' sort de Normandie, on est morts, les camarades", lançait-il lors d'un rassemblement jeudi, devant la raffinerie.

Gonfreville produit en effet une partie du kérosène qui est envoyé dans les réserves des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly. Or, depuis quelques jours, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) agite des drapeaux rouges concernant le niveau des stocks sur les aéroports parisiens.Il y a entre dix et quinze jours de consommation en réserve et avec les grèves et les ralentissements dans l'envoi de kérosène depuis le début du conflit des retraites, cette capacité commence à être mise à l'épreuve, et la situation devient "critique".

Le problème se pose pour les compagnies étrangères qui font du long-courrier et qui doivent ravitailler avant de repartir, mais aussi, pour les mêmes raisons, pour les compagnies françaises. C'est moins sensible sur les vols moyen-courriers qui peuvent ravitailler sur d'autres aéroports proches.

C'est pour cette raison que le gouvernement, sur désignation de l'employeur, a réquisitionné quatre salariés pour prendre la relève de l'équipe qui se trouvait à l'intérieur de l'usine depuis 24 heures. Elle ne pouvait plus travailler puisque les opérateurs n'ont pas le droit d'effectuer plus de 12 heures de rang pour des raisons de sécurité. Et les équipes de relève, en grève, refusaient d'entrer. Vers 4 heures du matin vendredi, les gendarmes ont donc débloqué les entrées pour permettre aux salariés réquisitionnés d'aller prendre leurs postes.

Essence : des pénuries dans les stations en Loire-Atlantique et en Bretagne

A Donges (Loire-Atlantique), comme à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), il s'agit de reprendre l'alimentation des stations essence en carburant. Trois salariés y ont été réquisitionnés. La décision a été prise en fin de matinée par la préfecture de Loire-Atlantique. Les salariés devront libérer du carburant qui prendra la direction du dépôt pétrolier de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), débloqué mercredi matin par les forces de l'ordre. On ne parle donc plus des avions, mais des automobiles. Le site de Donges alimente une partie du Grand Ouest et la Loire-Atlantique et la Bretagne sont particulièrement touchées par les pénuries de carburant. Ce qui n'est pas encore le cas en Île-de-France, où les dépôts permettent d'alimenter correctement les stations et où les automobilistes ont visiblement été moins gourmands qu'en octobre-novembre.

Ces réquisitions vont soulager un peu les aéroports parce qu'elles permettent d'envoyer un minimum de carburant dans leurs cuves. La raffinerie de Gronfreville elle-même ne produit pas tout le kérosène consommé à Roissy et Orly. Et d'ailleurs, ce n'est pas la production qui est relancée puisque la raffinerie est à l'arrêt de fait depuis mardi et ne peut pas être relancée en quelques heures. Ce sont les expéditions qui ont repris. C'est le secteur le plus touché par les grèves.

En tout état de cause, ça ne permettra pas de retrouver une situation normale, car le kérosène envoyé aux aéroports parisiens est tributaire du pétrole brut importé sur le port pétrolier du Havre, par le même pipeline. Et là, la CGT qui contrôle le port, n'envoie plus rien dans les tuyaux. Pour le moment, aucune réquisition ne concerne ce bastion syndical. Une fois les stocks de la raffinerie de Gonfreville consommés, il n'y aura donc plus rien à envoyer.

 

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