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Réforme des retraites : sereins face à la baisse de la mobilisation, les syndicats se préparent à "passer à un stade supérieur" le 7 mars

En période de vacances scolaires pour une partie du pays, et après quatre précédentes journées de mobilisation, les manifestants étaient beaucoup moins nombreux, jeudi. Un recul anticipé par les syndicats, qui appellent à faire de la prochaine mobilisation, le 7 mars, un succès national.
Article rédigé par Marine Cardot, Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger et celui de la CGT Philippe Martinez lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 11 février 2023. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Une mobilisation en nette baisse… mais qui pourrait n'être qu'un répit pour le gouvernement. La cinquième journée de manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 16 février, a réuni 440 000 personnes dans la rue, d'après le ministère de l'Intérieur. Un chiffre en nette baisse par rapport aux quatre premières journées du mouvement, qui avaient rassemblé entre 757 000 et 1,3 million de manifestants, toujours selon la police. De son côté, la CGT a dénombré 1,3 million de manifestants en France, soit la mobilisation la plus faible depuis le début du mouvement social le 19 janvier.

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Le nombre de grévistes se tasse également. Dans l'éducation, le ministère a fait état d'un peu moins de 8% d'enseignants en grève, avec deux zones sur trois en vacances, soit moitié moins que le 7 février, où seule la zone A était en vacances. A la SNCF, 14% des agents étaient absents de leur poste de travail. Là aussi, un chiffre deux fois moins important que le 7 février. Pourtant, ce recul est loin d'effrayer les organisations syndicales, qui n'y voient qu'une étape vers un regain de la mobilisation, le 7 mars.

"Aujourd'hui, les chiffres importent peu"

"L'idée, c'est de maintenir la mobilisation", mais "aujourd'hui, les chiffres importent peu", a assuré jeudi matin le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, depuis Albi (Tarn), où il a défilé en compagnie des autres numéros 1 des organisations syndicales. "C'est les vacances scolaires, on le sait, il n'y a pas un objectif de chiffres", a renchéri Laurent Berger, son homologue de la CFDT. "Par quatre fois, on a eu une mobilisation importante : on sait que le mouvement est un succès", a aussi estimé auprès de franceinfo Cyril Chabanier, président de la CFTC.

Alors que le rythme des journées de mobilisation s'est intensifié ces dernières semaines, le coût de la grève se fait aussi sentir chez certains manifestants. "On a des gens qui nous disent : 'La quatrième ou la cinquième journée de grève, c'est compliqué, je vais faire une pause et reprendre le 7 mars'", rapporte Cyril Chabanier.

Ce recul n'a d'ailleurs pas surpris les syndicats, qui l'avaient anticipé. "On n'a pas appelé à la grève, mais à une simple journée d'action", a rappelé à franceinfo Patricia Drevon, secrétaire confédérale FO, qui dit "ne pas faire d'aujourd'hui un point de mesure du mouvement". Mais l'appel à la mobilisation restait nécessaire, selon l'intersyndicale, car les députés sont dans la dernière ligne droite de l'examen du texte, ce dernier devant s'achever vendredi en raison des règles du jeu imposées par l'exécutif. "On voulait absolument faire une dernière pression sur les députés avant que le texte ne parte au Sénat", confirme Cyril Chabanier. La veille, l'intersyndicale avait déjà adressé un courrier aux parlementaires, hormis ceux du RN, pour leur demander de rejeter la réforme "et plus particulièrement son article 7", qui porte l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.

"Un dernier avertissement"

Profitant d'une journée à faible enjeu, les leaders syndicaux ont donc voulu mettre l'accent sur l'importante mobilisation des petites et moyennes villes depuis le début du mouvement en se rendant à Albi.

"Albi, c'est symbolique, c'est la patrie de Jaurès. On voulait marquer le fait que le mouvement n'est pas parisien. C'est un mouvement de petites villes, de l'ensemble du territoire."

Patricia Drevon, secrétaire confédérale FO

à franceinfo

"Le 16 février est une étape, un dernier avertissement pour le gouvernement, résume Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l'Unsa. On a été assez responsables, et on l'est toujours, mais il faut que le gouvernement entende qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier." Sans quoi, l'intersyndicale compte bien "mettre la France à l'arrêt" le 7 mars. Ce jour-là, "on bloque tout, tout doit s'arrêter partout", a appuyé Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, dans le cortège de Montpellier, jeudi. "L'objectif est d'avoir vraiment un pays à l'arrêt, avec un maximum de personnes qui ne vont pas travailler (…) dans tous les secteurs. On veut avoir l'ensemble de la population avec nous, les commerçants qui tirent le rideau même une heure ou deux", détaille Cyril Chabanier.

Des grèves reconductibles pour "passer à un stade supérieur" ?

"Dans la mesure où le gouvernement, manifestement, ne veut rien entendre face à ce grand mouvement social, il est bien évident qu'il n'y a pas 36 solutions" pour les syndicats, décryptait, jeudi matin sur franceinfo, Stéphane Sirot, historien spécialiste des mouvements sociaux. "Soit ils renouvellent sempiternellement ces journées d'action classiques, qui ne font pas bouger les lignes – en tout cas pas de manière suffisamment forte. Soit ils passent à un stade supérieur." Avec le risque de perdre le soutien de la population ? L'appel à la grève générale début mars, après plusieurs journées de mobilisation classique, a pour l'instant l'approbation de près de 6 Français sur 10, selon un sondage Elabe pour BFMTV.

D'autres actions sont déjà prévues le lendemain, journée internationale des droits des femmes. Et alors que quelques lycées sont bloqués et des sites universitaires fermés, les principales organisations de jeunesse ont aussi annoncé une journée de mobilisation le 9 mars. De quoi donner des envies de grèves reconductibles. Les syndicats de la RATP y ont déjà appelé, ainsi que la CGT éboueurs, à partir du 7 mars. Si ce n'est pour l'instant pas le cas de l'intersyndicale, certaines confédérations comme Solidaires y sont favorables.

"Cette journée du 7 mars est importante, c'est aussi le signe que la population qui a manifesté jusqu'à présent peut aller plus loin s'il le faut. Mais une journée ne suffira pas", estime Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires, dans Le Journal du dimanche (article réservé aux abonnés). D'ici là, Philippe Martinez promet "d'autres initiatives", pour "que la mobilisation continue à s'exprimer, y compris dans une période de congés scolaires".

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