Cet article date de plus de deux ans.

Reportage Nucléaire : le redémarrage des réacteurs à l'arrêt a commencé, sous la menace des mouvements de grève contre la réforme des retraites

La remise en service des réacteurs nucléaires a débuté jeudi, après une série de problèmes techniques. Mais le redémarrage du parc reste soumis aux conséquences du mouvement contre la réforme des retraites.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un bâtiment réacteur de Civaux. La présence de fumées blanches de vapeur d'eau indique que le réacteur est en fonctionnement. (GRÉGOIRE LECALOT / FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

"C'est pas mal", se félicite Christophe Rieu, le directeur de la centrale de Civaux, dans la Vienne. "La vapeur d'eau, ça signifie que l'on est dans des opérations de redémarrage. C'est un vrai symbole, c'est là où l'on a découvert des premières traces de fines fissures sous contrainte". Le parc nucléaire d’EDF commence à sortir la tête de l'eau. Depuis jeudi 26 janvier, de la fumée blanche flotte au-dessus de l'immense cheminée réfrigérante de la centrale de Civaux, avec la remise en service du premier des réacteurs touchés par un problème technique sérieux à la fin de l'année 2021 : la corrosion sous contrainte, des microfissures sur des tuyauteries du cœur du réacteur.

>> Crise énergétique : pourquoi le risque de coupures d'électricité cet hiver s'éloigne progressivement en France

Plusieurs des 15 autres sites concernés doivent être remis en service dans les prochains mois, si le conflit sur la réforme des retraites ne vient pas ralentir le programme de maintenance des centrales nucléaires. Il aura fallu 17 mois pour que la centrale reprenne vie, entre les travaux de la grande visite décennale et ceux de la réparation de la corrosion sous contrainte. Désormais, la turbine Arabelle et son alternateur tournent à grande vitesse pour transformer la chaleur de la fission nucléaire en électricité.

"Cet alternateur est entraîné par la turbine, on fait donc tourner 600 tonnes à 1 500 tours par minute", poursuit Christophe Rieu. "Votre sèche-linge, quand il tourne, c'est 1 500 tours par minute, là ce sont 600 tonnes qui tournent...", fait-il remarquer.

La turbine Arabelle du réacteur numéro un de Civaux, sous surveillance après son redémarrage. (GRÉGOIRE LECALOT / FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Un effet de la mobilisation sur les redémarrages

Le responsable s'arrête un instant devant un portail blindé de sept mètres de haut au sein du bâtiment réacteur : "C'est dans ce bâtiment-là qu'on a effectivement détecté ces fines fissures sur quelques parties de tuyauterie lors des contrôles de la visite décennale", explique le responsable. C'est justement derrière ce portail qu'a lieu la réaction nucléaire, là où la série noire a débuté pour les centrales françaises. Il a donc fallu "découper et remplacer à neuf 44 mètres sur le réacteur numéro 1", détaille Christophe Rieu. 

Au total, 16 réacteurs sur 56 sont concernés par la corrosion sous contrainte. Après celui de Civaux 1, EDF a rodé ses méthodes et planifié ses chantiers. Le gestionnaire du réseau électrique, RTE, pourrait se montrer rassuré. Mais lors de son dernier point de situation, son directeur exécutif, Thomas Veyrenc a identifié un autre facteur de risque : "On a pu voir qu'en octobre-novembre dernier, les mouvements sociaux pourraient vraiment avoir un effet sur la vague de redémarrage de certains réacteurs."

"Nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas de prendre du retard dans la maintenance de nos réacteurs nucléaires."

Thomas Veyrenc

à franceinfo

D'autant que la maintenance des centrales est une cible d'actions, appuie Virginie Neumayer, en charge du nucléaire à la branche énergie de la CGT. "Les équipes de maintenance n'interviendront pas les jours où ils seront en grève et en arrêt de travail", confirme la responsable syndicale, pour qui cela représente "aussi des conséquences sur plus ou moins long terme, parce qu'on a de plus en plus de mal à reprogrammer dans de bonnes conditions ces interventions. Elles auront des retards qui pourraient être générés l'hiver prochain." En octobre 2022, EDF avait déjà retardé la remise en ligne de cinq réacteurs en raison des grèves sur les salaires.

Le reportage franceinfo de Grégoire Lecalot

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.