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Reportage "Ma première pensée va à mes salariés" : les craintes d'un patron après la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites

Le Conseil constitutionnel a validé vendredi le report de l'âge légal de départ en retraite à 64 ans. Dans cette entreprise de travaux publics en Seine-Saint-Denis, les places assises au bureau sont chères et les blessures courantes.
Article rédigé par Thomas Giraudeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Hakim Bensbaa est géomètre. À 55 ans, il continue de travailler sur les chantiers, malgré une opération au genou et une fatigue physique. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Il est presque 18 heures vendredi 14 avril quand l'information tombe sur franceinfo. "C'est l'info de cette soirée, le Conseil constitutionnel valide l'essentiel de la réforme des retraites...", peut-on entendre à la radio. Assis à son bureau, Francis Dubrac, patron d'une entreprise de travaux publics, ne réagit pas immédiatement, le visage impassible pendant quelques secondes, le temps de mesurer les impacts de la réforme sur sa société. Avec cette validation, le l'âge légal de départ est reporté de 62 à 64 ans, une mesure qui devrait entrer en vigueur dès le 1er septembre. Cette mesure, a du mal à passer dans cette entreprise de Seine-Saint-Denis

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"Ma première pensée, elle va vis-à-vis de mes salariés. Je suis dans un domaine d'activité un peu compliqué sur le plan de l'engagement physique de nos salariés. On allonge le départ à la retraite. Il y a un moment où les corps vont lâcher !", explique le chef d'entreprise, qui se réjouit, tout de même de la censure de "l'index seniors". Avec ce dispositif, chaque entreprise aurait dû mettre en place et calculer, pour mesurer l'intégration des salariés âgés de plus de 55 ans, les formations qui leur sont proposées pour évoluer professionnellement. "Une usine à gaz qui n'aurait servi à rien dans l'employabilité des seniors", selon le chef d'entreprise. 

"Ça ne sert à rien si c'est pour finir les deux dernières années en maladie"

Hakim connaît les blessures et les arrêts maladie. Ce géomètre a été opéré des genoux. A 55 ans, il continue de travailler sur les chantiers de voirie : routes, trottoir, enfouissement de câbles électriques, de tuyaux de gaz sous le bitume. "C'est un peu compliqué, lâche Hakim. On fait attention pour éviter les accidents du travail. Si je dois sauter dans des tranchées, mon genou peut ne pas tenir. Alors, jusqu'à 64 ans, c'est un problème !"

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Hakim a commencé à travailler après l'âge de 20 ans. Il ne bénéficie donc pas du dispositif carrières longues et ne peut pas partir sans décote avant 64 ans. Le calcul est le même pour son collègue, Ahmed, conducteur de travaux. "J'ai pas manifesté mais sincèrement je suis très solidaire avec le mouvement, lance Ahmed. Ça sert à rien de faire des réformes comme ça, si c'est pour finir les deux ou trois dernières années en maladie. Maintenant, j'ai un poste à responsabilité. Je travaille moins sur les chantiers qu'avant. Mais c'est pas à la portée de tout le monde."

Comme dans toutes les entreprises du BTP, les places assises, au bureau, sont chères dans la société de Francis Dubrac, avec à peine une trentaine pour 400 salariés. 

"Bien souvent, les gens de terrain ne peuvent pas être recasés, même avec une formation tardive, dans des tâches administratives. On ne trouve malheureusement pas de postes de reclassement pour ces salariés inaptes définitifs."

Francis Dubrac, chef d'entreprise

à franceinfo

Le dirigeant ne voit que les avancées technologiques et les nouvelles machines pour réduire la pénibilité sur les chantiers et pouvoir garder ses ouvriers du bâtiment jusqu'à leur nouvel âge légal de départ. 

Réforme des retraites : la décision du Conseil constitutionnel vue par un patron et ses salariés - Reportage de Thomas Giraudeau

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