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Vivarte : les trois raisons du naufrage du géant français de l'habillement

Les syndicats de Vivarte sont reçus jeudi à Bercy pour alerter le gouvernement sur la situation critique du groupe. Des rumeurs font état de cessions de magasins.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un magasin La Halle, du groupe Vivarte, dans la banlieue de Rennes, photographié en avril 2015. (DAMIEN MEYER / AFP)

Les salariés de La Halle, André ou encore Kookaï et Chevignon, des marques propriétés du groupe Vivarte, ont rendez-vous jeudi 5 janvier à la mi-journée à Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris, devant les grilles du ministère de l'Économie et des Finances. L'intersyndicale sera reçue dans la foulée.

Mercredi, le groupe Vivarte a dû démentir l'information selon laquelle il pourrait être amené à se séparer de l'enseigne de chaussures André, qui emploie 750 personnes. À la mi-novembre, les syndicats du groupe aux 15 000 salariés avaient adressé une lettre au Premier ministre de l'époque, Manuel Valls, ainsi qu'aux ministères du Travail et de l'Économie, afin d'alerter le gouvernement sur une situation inquiétante. Ils craignent une "accélération des restructurations" et des cessions de magasins. Comment expliquer ces difficultés ? franceinfo décrypte les trois raisons d'un naufrage.

1Une dette astronomique

Le principal problème du groupe Vivarte reste le trou d'1,3 milliard d'euros dans ses finances. Cette dette provient essentiellement du rachat du groupe en 2006. Le système utilisé à l'époque était celui du LBO, le rachat par endettement. Le principe est de racheter une entreprise en lui demandant de financer elle-même ce rachat. Les syndicats ont bon espoir qu'une partie de cette dette soit effacée prochainement.

Il reste en revanche encore 500 millions d'euros à rembourser. "Sur cette dette à l'heure actuelle, nous remboursons des intérêts à hauteur de 12%", dénonce le délégué Force ouvrière Gérald Gautier.

Ils sont à la fois les prêteurs et les patrons, c'est le serpent qui se mord la queue !

Gérald Gautier, délégué FO

à franceinfo

"Les prêteurs ne prennent que des décisions qui vont dans leur intérêt", explique le délégué syndical. Le fait de rembourser ces actionnaires en permanence et le fait qu'ils essayent de rapatrier des bénéfices vers eux, cela nous empêche de dégager des bénéfices correctement depuis des années."

Cette stratégie "court-termiste", purement financière, s'est faite aux dépens d'investissements indispensables, renchérit Karim Cheboub de la CGT. "Ils ont râté par exemple le virage d'Internet dans les années 2007-2008, souligne-t-il. Aujourd'hui, le groupe ne fait que 3% de chiffre d'affaire sur Internet, alors que d'autres vont jusqu'à 15-20%. On a pris dix ans de retard. C'est catastrophique !"

2Cinq PDG en seulement six ans

À cette dette astronomique s'ajoute une valse des patrons peu commune. Le dernier en date, Patrick Puy, le cinquième PDG en six ans, est aux manettes depuis début novembre. Son CV fait trembler les syndicats : 4 000 suppressions de postes chez Moulinex en 2000, 400 chez Arc International en 2014. 

Cette absence de stabilité ne favorise pas une stratégie d'entreprise sur le long terme. D'autant qu'il y a urgence à reconquérir la clientèle. Le constat est particulièrement valable pour le navire amiral du groupe : La Halle (chaussures et vêtements). Avec son millier de boutiques et ses 7 000 salariés, l'enseigne est la quatrième du secteur en France. Elle a amorcé une montée en gamme il y a quelques années, avec une campagne de publicité mettant en scène la chanteuse Jenifer. L'objectif était d'effacer l'image discount de La Halle.

Un échec, selon Anne-Marie Papeget, responsable du magasin La Halle aux chaussures d'Arcachon. "Un produit qui était auparavant vendu dans une boîte neutre est désormais vendu dans une boîte Kookaï. Son prix a grimpé de 30 à 50 euros pour exactement le même produit, avec la même qualité, déplore-t-elle. Les clients s'en sont aperçu et nous avons perdu la majorité d'entre eux."

3Une priorité donnée aux actionnaires

Une centaine de magasins La Halle aux chaussures sont à vendre. Les syndicats redoutent des plans de licenciements. D'autres enseignes ont été mises en vente depuis plusieurs mois, notamment Kookaï, Chevignon et Pataugas.

"D'après nos informations, si une filiale est vendue, deux tiers de l'argent va aux actionnaires et un tiers est réinjecté dans le groupe", explique le délégué Sud, Arnaud Moujol, qui craint que les actionnaires ne s'arrêtent pas là. "Comment voulez-vous redresser une entreprise, si vous ne lui donnez pas les moyens financiers de le faire ?", conclut-il. Afin que cesse enfin cette spirale, l'intersyndicale de Vivarte en appelle désormais au gouvernement. 

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