Panne d'internet : ce que l'on sait du sabotage de câbles de fibre optique dans plusieurs grandes villes de France
Mercredi, des câbles du réseau national de fibre optique ont été sectionnés, entraînant des coupures d'accès à internet dans plusieurs grandes villes de France. Une enquête a été ouverte.
"Eh hop, une matinée sans internet", "Panne internet et réseau mobile à Reims", "Grosse panne Freebox sur l'est de la France" : voici les messages que l'on pouvait lire sur Twitter, mercredi 27 avril. Dans la nuit précédente, des câbles de fibre optique transportant d'importantes quantités de données ont été sectionnés, entraînant de fortes perturbations du réseau dans plusieurs grandes villes françaises, dont Grenoble, Besançon, Reims et Strasbourg.
Si les ruptures de câbles de fibre optique sont régulières, elles sont généralement le fruit d'erreurs humaines, par exemple lors de travaux réalisés sur la voirie. Mais en début d'après-midi mercredi, le secrétaire d'Etat au numérique, Cédric O, a reconnu des "coupures de câbles", que l'opérateur Free a qualifié "d'actes de malveillance". Voici ce que l'on sait de cette "attaque d'une ampleur sans précédent", selon la Fédération française des télécoms (FFT).
Plusieurs grandes villes touchées
Mercredi matin, à l'aube, de nombreux Français avaient du mal à se connecter dans plusieurs grandes villes de la région grenobloise, à Besançon, Reims, Lyon, l'Alsace et en Ile-de-France. Très vite, les signalements d'internautes se sont multipliés sur les réseaux sociaux et sur le site spécialisé en détection des problèmes d'accès Down Detector.
Les abonnés de l'opérateur Free et, dans une moindre mesure, de SFR, ont affirmé être privés de connexion internet et de télévision. Leur concurrent, Bouygues Telecom, "n'utilise pas les liens concernés par ces dysfonctionnements", a expliqué le groupe, qui n'a donc pas été concerné par ces pannes, tout comme Orange.
En fin de journée, le site Zone ADSL avait recensé 9 741 pannes sur l'internet fixe en France lors des dernières 24 heures. A 18 heures, les connexions étaient "rétablies sur les zones touchées", a ensuite annoncé la FFT au nom de l'ensemble des opérateurs. "Les travaux de réparation sur les câbles sont néanmoins très lourds et se poursuivent toujours à l'heure actuelle", précisait-elle.
Des câbles "longue distance" inter-régionaux sectionnés
Selon les premières constatations, ce sont des câbles "longue distance" inter-régionaux en fibre optique qui passent le long des autoroutes, des voies ferrées et des voies navigables qui ont été sectionnés volontairement sur trois points des liaisons Paris-Lyon, Paris-Strasbourg et Paris-Lille.
Comme l'a révélé le site spécialisé Numerama, les ruptures de câbles seraient survenues quasi-simultanément, "vers 3h20, 3h40 et 5h20 du matin" dans la nuit de mardi à mercredi. Colonne vertébrale d'un réseau internet, le "backbone" sert à interconnecter le trafic internet entre différentes zones géographiques grâce à des fibres à très haut débit.
Opérateur le plus touché, Free a assuré sur Twitter à la mi-journée que les "incidents" étaient "circonscrits" et les "problèmes résiduels en cours de correction". Il a précisé qu'"environ 1% des abonnés ont été impactés depuis 4 heures du matin". L'opérateur a posté des photos montrant manifestement des câbles sectionnés, sans préciser où elles avaient été prises.
Multiples actes de malveillances sur infra fibre durant la nuit et la matinée. Incidents circonscrits, problèmes résiduels en cours de correction sur Reims et Graveline. Equipes Free mobilisées depuis 4h du matin.
— Free 1337 (@Free_1337) April 27, 2022
Les opérateurs se sont en effet rapidement organisés pour rétablir la connexion via des chemins alternatifs. "C'est un peu comme si des autoroutes étaient coupées et qu'il fallait rediriger le trafic sur des nationales", a expliqué à l'AFP Sami Slim, directeur général de Telehouse, l'une des plaques tournantes du trafic internet en France.
Des "actes de malveillance" probablement coordonnés
Pour les opérateurs concernés et les connaisseurs du sujet, il s'agit, sans aucun doute, d'un acte volontaire. Dans un communiqué publié mercredi soir, la Fédération française des télécoms et les opérateurs Bouygues Telecom, Orange, SFR et Free ont ainsi condamné "fermement ces actes de malveillance".
#Communiquédepresse ➡️ La #FFTélécoms, @bouyguestelecom, @orange, @AlticeFrance/@SFR et @free/@GroupeIliad condamnent fermement les actes de vandalisme commis sur leurs réseaux de #fibreoptique
— Fédération Française des Télécoms (@FFTelecoms) April 27, 2022
cc. @cedric_o @GDarmanin @Interieur_Gouv @Economie_Gouvhttps://t.co/vVxgu4iCOM
Le fait qu'il s'agisse de trois incidents, à trois endroits différents, distants de plusieurs centaines de kilomètres, rend en effet très peu plausible la thèse d'un accident. "Des pelleteuses ne coupent pas Internet en pleine nuit vers 3h40 du matin", a pointé Nicolas Guillaume, dirigeant de l'opérateur alternatif dédié aux professionnels Netalis, dans les colonnes de Numerama.
"C'est un acte quasiment professionnel, ce sont plusieurs attaques coordonnées à travers le pays avec quelques minutes d'intervalle."
Michel Combot, directeur général de la FFTà franceinfo
"Est-ce qu'il s'agit d'un acte de terrorisme numérique ? Peut-être. Il y a eu là un impact majeur, car la coordination des attaques sur les câbles a été bien faite, par des gens qui inévitablement connaissent le réseau", a de son côté renchéri Nicolas Guillaume. Pour Philippe Le Grand, président d'InfraNum, la fédération qui réunit l'ensemble des industriels des infrastructures numériques françaises, cette "agression irresponsable" est susceptible d'engendrer des "conséquences dramatiques, comme par exemple le retardement d'opérations de secours à la personne".
Aucune revendication n'a été retrouvée
Une enquête préliminaire a été ouverte mercredi pour "détérioration de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation", "entrave à un système de traitement automatisé de données" et "association de malfaiteurs", a annoncé le parquet de Paris. Les investigations ont été confiées à la DGSI, le renseignement intérieur et à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
La piste d'activistes politiques n'est pas exclue, selon les informations de franceinfo, même si, à ce stade, aucune revendication n'a été retrouvée par les gendarmes qui ont effectué les constatations sur les différents sites visés. "Cette opération nécessite une bonne connaissance technique", note une source du renseignement interrogée par franceinfo.
"Tout le monde ne sait pas où se trouve une trappe de tirage de câbles internet longue distance. C'est un premier indice."
une source du renseignementà franceinfo
Michel Combot constate auprès de franceinfo une "recrudescence d'actes de vandalisme, des pylônes brûlés, des câbles sectionnés pour lesquels les auteurs n'encourent pas assez de sanctions dissuasives". "Tout l'enjeu est de pouvoir pourchasser et condamner les auteurs de ces actes", ajoute-t-il.
Une attaque sans précédent
Ces deux dernières années, plus de 200 antennes-relais ont été dégradées, le plus souvent brûlées, par des militants anti 5G, de l'ultragauche ou de la mouvance anarchiste, daprès nos informations. Mais les actes de malveillance contre des fibres optiques sont beaucoup plus rares.
En mars 2020, des câbles télécoms ont été intentionnellement coupés en Ile-de-France, à Vitry et à Ivry (Val-de-Marne), privant momentanément d'accès à internet des dizaines de milliers d'abonnés d'Orange tandis que des centres de données ont vu leurs activités perturbées.
Rebelote en mai 2020 : en plein confinement, plus de 100 000 clients d'Orange ont été privés de services Internet ou mobile après la coupure de câbles à la disqueuse dans plusieurs communes du Val-de-Marne et d'une partie du sud-est de Paris. Là encore, il s'agissait d'actes de vandalisme, mais qui auraient été l'acte d'une seule personne, selon les éléments avancés par Orange à l'époque, contrairement à l'attaque de mercredi, qui seraient le fait de plusieurs auteurs. "Jamais une attaque de cette ampleur n'avait visé des infrastructures souterraines internet", assure Michel Combot.
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