"Bonnets rouges" : François Palut, éleveur, "étouffé par des normes"
Alors que la contestation ne faiblit pas en Bretagne, francetv info a rencontré cet agriculteur qui dénonce la politique du gouvernement et de l'Union européenne.
Il n'a pas que ça à faire, François Palut. Méfiant au premier abord, le président de l'Association pour le maintien de l'élevage en Bretagne et membre de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) du Finistère, en pointe dans le combat des "Bonnets rouges", reçoit à l'arrière de son exploitation d'élevage de porcs à Calarnou, sur la commune de Plouvorn. Directement au pied de son tracteur rouge, dont le moteur ronronne encore. "J'alerte depuis quinze ans. Aujourd'hui, on est dos au mur parce que les gens qui sont au pouvoir ont les mains blanches, voire mettent des gants pour ne pas se salir" quand ils considèrent les agriculteurs, assène-t-il, les poings enfoncés dans les poches.
Il a enfilé le bonnet rouge pour dénoncer l'écotaxe : "C'est impensable que des énarques aient pu penser un truc pareil, qui déstabilise toute une économie." Mais, plus généralement, il s'en prend aussi à "toutes les distorsions de concurrence" avec les autres pays européens, expression qu'il martèle et décline à longueur d'entretien : "Tant que les Espagnols, les Italiens, auront des règles différentes des nôtres sur la taxation du carburant, les écotaxes, la TVA, ça ne pourra pas aller."
"On va avoir 600 salariés à la rue"
Solidement planté dans des godillots de travail, ce grand costaud aux yeux gris perçants est catégorique : "Aujourd'hui, en France, un agriculteur seul a quasi les mêmes contraintes qu'une grande entreprise. On est envahi par la paperasse."
Il fustige l'Union européenne, dont certaines décisions pourront engendrer la suppression de près de 50 000 truies à l'échelle de la Bretagne. "Cela correspond à la production d'un million de porcs charcutiers, détaille-t-il, de quoi faire fonctionner un abattoir. On va avoir 600 salariés à la rue, et autant de familles en difficulté." Et de citer les chiffres des chambres de commerce et d'industrie : "Un emploi d'exploitant agricole, c'est cinq emplois induits." Tout ça "à cause des normes sur le bien-être animal imposées par Bruxelles et appliquées de façon plus draconienne en France où on lave plus blanc que blanc", soupire-t-il.
François Palut est parti de rien à l'âge de 20 ans. Quarante ans plus tard, à la tête d'une exploitation de 20 000 porcs que font tourner une demi-douzaine de salariés, il est à la peine. Avec un prix au kilo dans les rayons inférieur de près de 30 centimes au prix de revient, "tout est compté, minuté" pour ne pas avoir à se séparer de ses employés. Alors, quand un "gars de chez Gad" vient lui "demander du boulot avec son gamin de 8 ans, ça [lui] fend le cœur". "Dans la région, toutes les familles sont affectées et tout le monde est mobilisé", conclut-il.
"La prochaine mise aux normes, je ne pourrai pas la faire"
Il y a trois ans, il a dépensé 650 000 euros, soit un quart de son chiffre d'affaires, pour "la mise aux normes de luminosité et d'espace pour les animaux reproducteurs, c'est-à-dire les truies". Du coup, il prévient tout net : "La prochaine, je pourrai pas la faire." "Il faut se battre tous les matins", insiste-t-il. Quitte à démonter des portiques écotaxe ? Il refuse de répondre, mais l'étincelle dans ses yeux et un demi-sourire sur ses lèvres gercées laissent peu de place au doute. Tout comme la réputation de durs à cuire des agriculteurs du cru. "Nous sommes condamnés par la non-écoute", glisse-t-il en se définissant comme "un besogneux".
D'ailleurs, François Palut envisage sérieusement, comme le rapporte Ouest France, une candidature aux municipales, "pour le territoire". "Pour l'instant, j'ai rien vu sur le terrain, juste de la réunionnite", balance l'éleveur, qui vise les consultations sur l'avenir de la Bretagne organisées au conseil régional. Et il l'assure, non sans malice : "Je connais les hommes ici, c'est chaud." De son côté, la tension n'est pas près de retomber.
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