Suspension de l'écotaxe : trois questions auxquelles va devoir répondre le gouvernement
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, a annoncé jeudi la suspension "sine die" du péage de transit poids lourds. Cette décision a des conséquences et pose trois problèmes principaux.
L'écotaxe est renvoyée aux calendes grecques. La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a annoncé, jeudi 9 octobre, la suspension "sine die" du péage de transit poids lourds. Cette décision désamorce une mobilisation potentiellement forte des transporteurs routiers, qui menaçaient de bloquer plusieurs axes. Mais elle pose aussi trois questions, sans réponse claire pour l'instant.
Que vont devenir les salariés d'Ecomouv' ?
Principalement installée à Metz (Moselle), Ecomouv' emploie 200 salariés, recrutés pour la plupart entre 2012 et 2013. Ils sont 160 à Metz et 30 au siège à Paris, selon Jacques Stirn, le responsable CFDT Lorraine des centres d'appels. "Leur parcours est une vraie galère. La vague de recrutement, suivie d'une formation, remonte au second semestre 2012", explique Libération (article payant).
Ces salariés se retrouvent sans garantie de perspective de maintien des emplois. Cités par l'AFP, les représentants des salariés d'Ecomouv' se sont dits, jeudi, "abasourdis" et "dégoûtés". La question de leur avenir sera évoquée lors d'un comité d'entreprise qui pourrait être convoqué en urgence.
Le report du dispositif "sine die", autrement dit jusqu'à une date indéterminée, laisse aussi sur le carreau 90 fonctionnaires des douanes. Certains avaient déménagé à Metz. Ils avaient répondu à l'appel quand le Service de la taxe poids lourds (STPL) a été créé pour recueillir cette manne, il y a dix-huit mois. "Un centre de saisie douanière, en voie de fermeture à Metz, devait basculer dans le STPL une quarantaine d'agents, portant l'effectif à 130 personnes d'ici quelques semaines", précise Libération. La mise à mort programmée de l'écotaxe pourrait donc provoquer un lourd coût social.
Comment compenser le manque à gagner et les pénalités ?
Au départ, l'écotaxe devait rapporter entre 800 millions et 1,2 milliard d'euros par an. Mais Ségolène Royal a revu le rendement à la baisse. La nouvelle mouture de ce péage, rebaptisé transit poids lourds, censée entrer en vigueur en 2015, devait permettre de récupérer au maximum 500 millions d'euros. Pour combler les près de 400 millions d'euros manquants, le gouvernement avait prévu d'alourdir la fiscalité sur le gazole de deux centimes par litre. Mais le coup de grâce porté à l'écotaxe remet ce plan de financement en cause.
Autre coût pour les finances publiques : la résiliation du contrat d'Ecomouv'. Elle coûterait près de 800 millions d'euros. "Une grosse somme calculée en fonction du loyer que devait toucher le groupement à l'origine : 230 millions par an pendant 11,5 ans, soit 2,6 milliards d'euros", explique Le Figaro. Le quotidien estime que l'Etat fera tout pour ne pas payer, mais la justice pourrait l'y obliger.
Peut-on taxer les sociétés d'autoroutes ?
Sans la somme que devait rapporter le péage aux collectivités et à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), il faut désormais trouver un autre moyen pour financer les infrastructures de transports. Les sociétés concessionnaires d'autoroutes pourraient bien être mises à contribution. Elles sont dans le viseur du gouvernement depuis la publication, en septembre, d'un rapport de l'Autorité de la concurrence, qui faisait état d'une situation de "rente" de ces sociétés.
"Sur 100 euros de péage payés par l'usager, 22 sont du profit net pour les sociétés d'autoroute (...) qui ont permis la redistribution de 15 milliards de dividendes [aux actionnaires] depuis la privatisation. On comprend que les entreprises de transport routier aient demandé d'abord la mise à plat des flux financiers", a jugé Ségolène Royal jeudi.
Mais tenter de taxer les sociétés autoroutières pour compenser la suspension de l'écotaxe risque d'être compliqué. En cause : la solidité des contrats de concession signés par ces groupes. "Les sociétés autoroutières ont bénéficié (...) de contrats extrêmement avantageux (...), extrêmement bien faits, ils prévoient que s'il y a une augmentation de fiscalité (...) il doit y avoir une compensation", a rappelé jeudi de Washington (Etats-Unis) le ministre des Finances, Michel Sapin.
"Et la compensation, c'est l'augmentation du péage. Est-ce que c'est une bonne solution, y compris pour les camions ? Je n'en suis pas absolument certain", a-t-il dit. "Ou si la compensation, c'est de rallonger encore la concession, alors que nous trouvons que cette concession est déjà extrêmement avantageuse, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution", selon lui. "S'il n'y a plus le revenu de l'écotaxe, il faudra soit diminuer les dépenses [du fonds de financement des infrastructures alimenté par l'écotaxe], soit trouver une recette de substitution", estime-t-il.
Vendredi, Ségolène Royal, invitée de BFMTV, a estimé que l'Etat pourrait tenter de négocier sur la durée des concessions et a demandé aux sociétés concessionnaires d'autoroutes de faire un effort. "Il faut les mettre autour de la table et leur montrer que c'est aussi leur intérêt. C'est compliqué d'obliger. Mais elles ont ces contrats, on peut les négocier", a-t-elle déclaré.
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