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"Ce sont des moments durs, et ça bascule" : Stéphane, "gilet jaune" drômois, condamné à de la prison ferme

Stéphane, un "gilet jaune" drômois, a été condamné pour violences envers les forces de l'ordre. Pour lui, comme pour beaucoup de manifestants, sa vie a basculé après un passage en prison.

Article rédigé par Matthieu Mondoloni - Edité par Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Stéphane, à Saillans (Drôme), le 26 avril 2019. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", le 17 novembre 2018, près de 2 000 personnes ont été condamnées en France. Pour la moitié d’entre elles, ce sont des peines de prison ferme, et pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils avaient à faire à la justice.

C'est le cas de Stéphane, "gilet jaune" qui vit près de Saillans (Drôme). Il a passé 11 jours entre quatre murs. Onze jours de prison que cet homme, père de famille de 42 ans, n’est pas près d’oublier : "C’est le bruit des clés dans les portes, à chaque fois qu’on sort, on est soit menotté soit avec un gardien derrière… La moindre attente pour aller chez le médecin, on est dans une petite cellule. Oui, ça pèse surtout les 5 premiers jours."

Des coups de pied à des policiers en civil

Stéphane a été interpellé le 8 décembre 2018 lors d’une manifestation des "gilets jaunes" à Valence. Ce jour-là, il assiste à une altercation entre deux individus et des manifestants. Et décide d’intervenir, donnant trois coups de pied à l’un des hommes, qui sont en fait des policiers en civil : "Je me prends des coups sur la tête, j’ai deux plaies ouvertes. Je suis emmené au commissariat, et je passe 48 heures en garde à vue. J’apprends que c’est pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique en réunion."

Lui qui n’avait jamais eu à faire à la justice passe en comparution immédiate. Dans la salle d’audience, d’autres gardés à vue, mais aussi des proches venus le soutenir. Stéphane a encore la gorge nouée quand il raconte : "Ce sont des moments durs, et ça bascule. Le juge décide de nous envoyer en prison, et là c’était la stupeur, ça y est c’est parti. On va rentrer dans ce monde qu’on a vu que dans les films, à la télé."

Les premières impressions, c’est de se dire ‘qu’est-ce que je fais là ? Comment ça se fait ?’ Pendant cinq jours, aucun contact avec l’extérieur, pas de coups de téléphone, rien du tout ! Pas de courriers !

Stéphane, "gilet jaune"

à franceinfo

Ayant demandé le report de son procès, il est placé en détention préventive, et libéré au bout de 11 jours. Lors d’une nouvelle audience, il est condamné à 18 mois de prison dont 12 fermes, et trois ans d’interdiction de manifester sur toute la France.

Le juge décide de ne pas émettre de mandat de dépôt, ce qui lui permet de rester libre, et de rentrer à la maison : "C’est sûr que j’ai une famille, j’ai une fille, on a des discussions avec ma compagne là-dessus, ce n’est pas rien quoi, parce que autant quand on est tout seul, ça a des conséquences pour soi, mais autant quand on a une famille, partir et être emprisonné, ça a des conséquences qui ne sont pas anodines."

"Pour moi, c'est une stratégie d'État"

Aujourd'hui, Stéphane dit vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Quatre mois après, il reste marqué, sous le choc, mais aussi convaincu de la cause qu’il défend : "Pour moi, c’est fait pour casser des gens dans le mouvement, ça c’est clair, pour moi c’est une stratégie d’État." Mais il l'assure, "ça ne m’empêche pas d’être là et de continuer à mettre ma pierre dans ce mouvement. Le gilet jaune il est dans la voiture… On continue !".

Stéphane a fait appel de sa condamnation et attend désormais une nouvelle date d’audience. Il a donc le droit de manifester. La prochaine fois, ce sera mercredi, pour le 1er-Mai.

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