"Je ne suis pas fier" : malgré ses regrets, l'ancien boxeur Christophe Dettinger envoyé en prison jusqu'à son procès
Jugé en comparution immédiate mercredi, cet homme de 37 ans a été placé en détention provisoire dans l'attente de son procès, le 13 février, pour avoir agressé deux gendarmes lors d'une manifestation des "gilets jaunes" à Paris.
Crâne rasé et pull noir, il a fait son entrée dans le box devant une salle d'audience bondée. Christophe Dettinger, poursuivi pour avoir frappé deux gendarmes lors de l'"acte 8" des "gilets jaunes" à Paris, samedi 5 janvier, est apparu les traits tirés devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Jugé en comparution immédiate, mercredi 11 janvier, au terme de deux jours de garde à vue, le prévenu, un ancien boxeur professionnel, a vu son dossier examiné en dernier, au terme d'une longue journée entamée dix heures plus tôt. Après plus d'une dizaine d'affaires de vol, de trafic de cocaïne ou encore de violences conjugales, la justice s'est penchée brièvement sur son cas, la défense sollicitant le renvoi du procès pour la "sérénité" des débats.
"Les faits ne font pas l'homme"
L'essentiel de l'audience a été consacré à ce que le tribunal comptait "faire de lui" en attendant : placement en détention provisoire ou maintien en liberté sous contrôle judiciaire. Après avoir rapidement délibéré, le tribunal a tranché en faveur de la première option, peu avant minuit. "Ils le laissent en prison ! Dictature ! Vous allez voir samedi !" ont hurlé des membres du public en sortant de la salle, dans une ambiance tendue. Les avocats de Christophe Dettinger ont également vu leur demande de supplément d'information ou d'ouverture d'instruction judiciaire rejetée.
Selon eux, les investigations étaient en l'état insuffisantes pour comprendre "le contexte" dans lequel cet homme de 37 ans, sans aucun antécédent judiciaire, en est venu à porter "des coups d'une extrême violence" à ces gendarmes. "Les faits – qu'il ne conteste pas – ne font pas l'homme. L'homme est ailleurs", a lancé Hugues Vigier. Sa consœur, Laurence Léger, a pris le relais.
Christophe Dettinger n'a pas demandé à être le symbole des 'gilets jaunes', il n'a pas souhaité de notoriété.
Laurence Légerdevant le tribunal correctionnel de Paris
Un symbole, Christophe Dettinger l'est pourtant devenu après avoir été filmé en train de boxer un gendarme mobile et d'asséner des coups de pieds à un autre fonctionnaire à terre sur la passerelle Leopold-Sédar-Senghor, où des "gilets jaunes" s'étaient engouffrés pour rallier l'Assemblée nationale. La France a découvert son faciès de boxeur sur deux vidéos postées par un média indépendant sur Twitter. Une cagnotte mise en ligne par sa famille a récolté en 48 heures plus de 100 000 euros. Dans les commentaires, les plus de 7 000 donateurs ont loué le "courage" d'un "champion", "notre boxeur national" qui a "pris un risque pour défendre les manifestants". L'initiative s'est retournée contre l'intéressé, jusqu'à ce que Leetchi ferme la cagnotte controversée. "Il n'a pas demandé de cagnotte, il n'a pas demandé de traitement de faveur", a martelé son avocate.
"Il ne voulait pas être arrêté devant ses enfants"
Laurence Léger a insisté sur "la vie on ne peut plus normale" de son client jusqu'à ce 5 janvier. Des éléments de personnalité ont été exposés à l'audience. Christophe Dettinger, père de trois enfants, un garçon et deux jumelles âgés de 10 et 13 ans, travaille à la mairie d'Arpajon (Essonne) comme fonctionnaire territorial, après avoir pris sa retraite de boxeur professionnel en 2013. Il "encadre une équipe de 12 à 15 personnes" et "ses supérieurs le décrivent comme quelqu'un de ferme, mais pas violent ni obtus, a expliqué son conseil. Propriétaire de son logement, il paie ses impôts. Il coche toutes les cases." Christophe Dettinger a participé "pacifiquement" à toutes les manifestations des "gilets jaunes", a encore assuré Laurence Léger.
Pour l'"acte 8", l'ancien champion de France des lourds-légers s'est rendu à Paris "en famille", a poursuivi Hugues Vigier. "Il a un bonnet sur la tête, pas de casque ou de masque de protection", ce qui atteste, selon son avocat, qu'il n'était "pas venu pour en découdre". L'élement déclencheur, d'après la défense, est la vue d'une femme frappée par les gendarmes mobiles sur la passerelle. Celle-ci, présente dans la salle, a témoigné sur RTL pour dire que Christophe Dettinger lui avait "sauvé la vie".
Une version jugée peu crédible par l'accusation. Dans la vidéo qu'il a postée sur Facebook avant de se constituer prisonnier, celui que l'on surnomme "le gitan de Massy" "ne fait pas état d'une personne frappée qu'il souhaitait défendre", il dit que "la colère est montée en lui car il s'est fait gazer", souligne la procureure. La représentante du parquet estime qu'il "n'a pas exprimé de réels regrets" et qu'il "y a un risque de réitération des faits car il adhère au mouvement des 'gilets jaunes' depuis le début" et a "organisé de sang-froid sa disparition pendant deux jours" après les faits. "Il ne voulait pas être arrêté devant ses enfants", a justifié Laurence Léger, priant la présidente de ne "pas céder à la pression" et de ne pas réserver un traitement "exemplaire" à son client en privilégiant la détention provisoire.
"Je n'aurais pas dû le taper"
Invité à s'exprimer, Christophe Dettinger a déployé sa grande silhouette dans le box. Tête baissée devant le micro, il a donné sa version d'une voix contenue. "Je me suis fait gazer, je ne retrouvais plus ma femme, je voyais des gendarmes en train de matraquer des gens, une dame qui était au sol, je n'ai pas eu le contrôle..." avance-t-il. Les larmes montent, la gorge se noue. "J'aurais dû pousser le gendarme, je n'aurais pas dû le taper. Fallait juste que je sorte de cette passerelle."
Je regrette mes actes, je vous jure que je regrette. Quand je vois ces images, je ne suis pas fier de moi.
Christophe Dettinger, prévenudevant le tribunal correctionnel de Paris
"J'ai trois enfants à élever correctement", poursuit Christophe Dettinger avant de se rasseoir. L'acte de contrition n'a pas convaincu le tribunal, qui a préféré l'envoyer derrière les barreaux jusqu'à son procès le 13 février prochain. Une décision qui va dans le sens des avocats des deux gendarmes, qui avaient dénoncé des "violences graves, méthodiques, froides, réitérées".
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