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Grève reconduite chez TotalEnergies : "Les salariés ont perdu la confiance dans la capacité de la direction à leur proposer quelque chose de satisfaisant", selon la CGT

Thierry Dufresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies, prévient : les grévistes "ne feront pas d'efforts au vu des résultats de TotalEnergies". Le syndicaliste estime par ailleurs que la direction aurait pu "réagir depuis déjà plusieurs mois". 

Article rédigé par franceinfo
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Embouteillage devant une station-service à Montpellier (Hérault) en raison de la grève chez Total, le 10 octobre 2022. (SYLVIE CAMBON / MAXPPP)

"On nous demande de signer un chèque en blanc", déplore lundi 10 octobre sur franceinfo Thierry Dufresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies, après l'annonce de la reconduction de la grève chez TotalEnergies et Exxon Mobil. Selon lui, "les salariés ont perdu la confiance dans la capacité de la direction à leur proposer quelque chose de satisfaisant." Les grévistes attendent les propositions de TotalEnergies : "Dès que quelque chose sera sur la table et que ce sera de nature à les satisfaire alors ce mouvement de grève sera levé."

franceinfo : Qu'attendez-vous à présent de la direction ?

Thierry Dufresne : Du côté de Total comme Exxon leur stratégie c'est de gagner du temps et de faire en sorte d'importer massivement des produits pour alimenter la France et remplacer les productions françaises. Leur but est donc de rendre invisible cette grève des raffineurs pour laisser pourrir le mouvement et ne pas répondre aux revendications légitimes des grévistes. Un mouvement de grève comme celui qu'ont entamé les salariés de TotalEnergies ce n'est pas que les 14 jours de grève reconductibles qu'ils viennent de faire. C'est aussi 24h de grève en juin et juillet. C'est également des interpellations de toutes les organisations syndicales de TotalEnergies depuis le mois de mars 2022 pour prévenir la direction en leur disant que l'inflation est forte, qu'il faut faire une réunion et ouvrir des négociations. Tout le monde l'a réclamé et personne ne l'a fait.

Aujourd'hui, les salariés ont entamé un rapport de force, qui ne fait plaisir à personne y compris aux grévistes qui ont dû prendre des décisions difficiles comme celle de mettre toutes les installations à l'arrêt. Et Total leur dit quoi ? "Oubliez tout ça, redémarrez vos installations et faites en sorte que votre grève n'ait plus aucun effet et après je vous promets que la négociation se passera bien". On nous demande de signer un chèque en blanc. Les salariés ont perdu la confiance. Ils ne feront pas d'efforts au vu des résultats de TotalEnergies et de sa capacité à réagir depuis déjà plusieurs mois. Mais ils ne l'ont pas fait.

Une des raisons de cette grève, d'après vous, c'est aussi un meilleur partage des superprofits de l'entreprise ?

Il faut un partage des richesses chez TotalEnergies. Les actionnaires ont bénéficié de mesures très rapides et annoncées dès le début de l'année. Rien n'a été annoncé pour les salariés de TotalEnergies sauf une prime de 200 euros versée au mois de juillet. Les salariés ont tous en tête que déjà en 2021 ils ont eu 0% d'augmentation avec 16 milliards d'euros de bénéfices. Cette année, en janvier, ils ont eu 2,35% d'augmentation avec 18,8 milliards d'euros de bénéfices en six mois. Les salariés ont donc perdu la confiance dans la capacité de la direction à leur proposer quelque chose de satisfaisant. Ils ne veulent donc pas abandonner ce mouvement de grève qu'ils ont entamé. Ils veulent que TotalEnergies mette quelque chose sur la table. Dès que quelque chose sera sur la table et que ce sera de nature à les satisfaire alors ce mouvement de grève sera levé.

Total affirme que les salariés ont bénéficié en 2022 d'un intéressement aux résultats de l'entreprise, il y a donc bien quelque chose sur la table de la part de Total ?

Il s'agit de l'accord d'intéressement et participation qui date de trois ans. Il y a trois ans quand on l'a négocié, on ne nous a pas dit que cet accord était fait pour combler l'inflation. Cette année, on a 7% d'inflation et 2,8% d'inflation l'année dernière. Les augmentations des salariés c'était 0% l'année dernière et 2,35% cette année. Il y a donc du retard. L'intéressement et participation n'est pas là pour combler l'inflation, il est là pour partager les profits et il est plafonné. Il faut savoir que la masse salariale brute France qu'utilise TotalEnergies pour négocier son intéressement et participation est de 11% alors que tous les grands groupes mettent au moins 17% sur la table. Total a les moyens de combler cette inflation.

Quand on appelle les grévistes à la responsabilité, que voulez-vous répondre ?

On partage les difficultés avec tous les automobilistes. Les salariés de TotalEnergies ne font pas ça pour embêter les Français qui vont travailler ou pour empêcher les entreprises de fonctionner. Ils font cela parce que c'est le recours ultime qu'ils ont après des mois à interpeler la direction qui n'a pas daigné bouger le petit doigt. Il va falloir que le président utilise une bonne sémantique [en référence à la déclaration d'Emmanuel Macron qui a de nouveau appelé lundi les directions des groupes pétroliers et les syndicats à "la responsabilité", en soulignant que "le blocage" des dépôts de carburant n'était "pas une façon de négocier".] Il n'y a pas de blocage. Les salariés en grève ne bloquent rien. Ils sont en grève donc ils ont arrêté de produire et ils ne distribuent pas de produits mais ils ne bloquent rien. C'est l'exercice du droit de grève, ce n'est pas un blocage. TotalEnergies dit qu'il ne veut pas négocier sous la menace, il considère donc que le droit de grève est une menace. Or, si c'était le cas, les salariés grévistes seraient devant un juge. Il faut donc arrêter avec ces mots-là. C'est toute une sémantique qui vise à culpabiliser le gréviste et à le montrer du doigt.

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