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Gaz, électricité… Quatre questions sur la crise de l'énergie qui fait frissonner l'Europe et la France

Alors que les prix du gaz et de l'électricité s'envolent, les centrales françaises sont dans le rouge et le spectre de la pénurie plane sur cet hiver particulièrement difficile.

Article rédigé par Pierre-Louis Caron
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des lignes à haute tension et la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, le 1er novembre 2021. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

Record battu. Le prix du gaz a atteint des sommets en Europe, mardi 21 décembre, pour culminer à 175 euros le mégawattheure (MWh). Soit une hausse de 400% sur les six derniers mois. L'électricité aussi a vu ses prix gonfler, pour atteindre un pic à 442 euros/MWh le 20 décembre en France, du jamais vu depuis 2009. Conditions météo, tensions politiques, risques de pénuries : franceinfo décrypte cette crise qui devrait persister tout au long de l'hiver.

1Pourquoi les prix de l'énergie s'envolent-ils depuis plusieurs mois ?

Les causes de cette hausse sont multiples et sont en partie liées à la pandémie de Covid-19. "Avec le développement des vaccins, l'économie mondiale a connu une reprise inédite, en Asie et en Europe notamment", explique à franceinfo Nicolas Goldberg, spécialiste du secteur de l'énergie pour le cabinet Colombus Consulting. Un regain d'activité qui a engendré "un pic de consommation, un choc de la demande à partir du mois de septembre, porté par les industries, très gourmandes en ressources", souligne-t-il.

Autre problème : les réserves de gaz naturel en Europe n'ont pas été entièrement reconstituées après l'hiver 2020-2021, particulièrement long et froid. "Sauf en France, où c'est obligatoire", fait remarquer Nicolas Goldberg. A cela se sont ajoutées des tensions géopolitiques avec la Russie, principal fournisseur de gaz des pays européens, au sujet de nouveaux gazoducs et face à l'escalade militaire à l'est de l'Ukraine. "La Russie vend son gaz pour l'argent, mais surtout pour tisser des relations et défendre ses intérêts auprès d'autres pays", analyse Nicolas Goldberg. En décidant des volumes exportés, "Vladimir Poutine souffle littéralement le chaud et le froid sur le marché du gaz européen".

Essentiel pour l'industrie lourde, le gaz est aussi largement utilisé en Europe pour produire du courant, d'où la hausse des prix de l'électricité. Pour sortir du nucléaire, des pays comme l'Allemagne ou la Belgique investissent en effet dans des centrales à gaz. Tout comme la France, qui se dotera d'une quatrième centrale thermique en février 2022 à Landivisiau, en Bretagne. Une dépendance au gaz qui se paie très cher en cette période hivernale, déjà synonyme de surconsommation électrique due au chauffage. Enfin, l'apport des énergies renouvelables, comme l'éolien, est particulièrement faible en cette fin d'année, pour des raisons essentiellement météorologiques, comme l'absence de vent.

2La situation peut-elle encore de se dégrader ?

Oui, d'après les pouvoirs publics et de nombreux experts du secteur. Fin septembre, la Commission de régulation de l'énergie prévoyait déjà "un maintien des prix (du gaz) très élevés jusqu'à la fin de l'hiver", comme l'expliquait Frédérique Feriaud, directrice générale des services du Médiateur de l'énergie. Par ricochet, une forte hausse des prix de l'électricité est attendue pour le début de l'année 2022 – soit après la période des Fêtes, qui correspond traditionnellement à un creux de consommation.

"Deux facteurs seront à surveiller de très près : la reprise économique et les conditions météorologiques, liste Nicolas Goldberg. Rien que pour les températures, une chute de 1 °C provoque une augmentation de la consommation nationale équivalente à un (réacteur) EPR et demi. C'est tout sauf négligeable."

3Comment cela se répercute-t-il en France ?

Cet hiver, la situation est particulièrement critique dans l'Hexagone, où de nombreux réacteurs nucléaires sont par ailleurs indisponibles pour cause de visite décennale ou par mesure de précaution. Plus d'un tiers du parc nucléaire est actuellement concerné, ce qui force la France à se tourner vers les centrales thermiques et à solliciter ses voisins. "Heureusement, il y a une bonne interconnexion au sein du réseau européen", note Nicolas Goldberg, qui précise que la France a l'habitude d'importer de l'électricité chaque hiver, "tout en restant majoritairement exportatrice le reste de l'année".

La disponibilité du nucléaire reste en tout cas un facteur essentiel à surveiller cet hiver, surtout que les Français se chauffent davantage à l'électrique que leurs voisins. "Les visites décennales sont synonymes d'arrêts très longs, qui vont généralement de 100 à 180 jours", alerte Nicolas Goldberg. Dans une alerte publiée fin novembre, RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a appelé à une "vigilance particulière" jusqu'aux mois de février et de mars 2022, lors desquels 13 réacteurs seront à l'arrêt "à la suite du report des programmes de maintenance des réacteurs nucléaires depuis le début de la crise sanitaire".

4Faut-il craindre un black-out pendant l'hiver ?

Les autorités disposent de plusieurs moyens d'action pour éviter que toute la France ne se retrouve dans le noir. Elles peuvent remettre en marche certains réacteurs nucléaires en maintenance, comme l'a demandé la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, à Jean-Bernard Levy, le PDG d'EDF. "J'ai demandé à ce que des salariés d'EDF travaillent pour qu'on puisse ouvrir les réacteurs plus tôt et faire face à d'éventuelles pénuries", précisait-elle sur France Inter dimanche. "Il ne suffit pas d'une déclaration pour que la situation s'améliore, réagit Nicolas Goldberg, même si la sortie de maintenance est anticipée, nous avons de nombreuses normes de sécurité en France et tout cela prend du temps."

Alors que faire si la demande est trop forte sur le réseau électrique ? Une autre mesure d'urgence consiste à demander l'arrêt de certaines usines. "C'est ce qu'on appelle l'effacement, détaille le spécialiste. L'industriel est payé pour s'arrêter, à un tarif qui couvre voire dépasse les pertes de production engendrées." Un coup de frein qui concerne en premier lieu les secteurs de la métallurgie, du papier ou de la chimie, capables de s'arrêter et de repartir "sans trop de casse".

Pour soulager le réseau, il est enfin possible de baisser la tension générale, une mesure "transparente", car peu intrusive, qui n'a jamais été prise en France. Ou d'actionner un dernier levier d'urgence : le délestage tournant, c'est-à-dire couper pendant deux heures l'électricité de dizaines de milliers de foyers. "Cela avait déjà été évoqué l'an dernier, mais je n'y croyais pas, confie Nicolas Goldberg. Aujourd'hui, c'est du domaine du possible, mais j'espère vraiment qu'on n'y aura pas recours. La dernière fois que ça a eu lieu à grande échelle, c'était il y a plus de quarante ans."

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